Après 10 mois d’intenses négociations, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont enfin conclu un accord. Au grand soulagement des acteurs du commerce transmanche, il n’y aura donc pas de retour de droits de douane comme l’aurait provoqué un hard Brexit. Voici les principaux points de ce document de 1 246 pages (voir le PDF en fin d’article) qui va encadrer les échanges commerciaux de marchandises entre les 27 et le Royaume-Uni.
– Pas de quotas, pas de droits de douane, sauf si…
Si on aucun accord n’avait été trouvé, des droits de douane suivant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) auraient été mis en place, impliquant un surcoût parfois important dans certains secteurs. Les négociateurs ont évité ce scénario qui aurait lourdement plombé les relations commerciales et provoqué une baisse de 0,6 % du PIB français, réparti sur plusieurs mois, d’après un calcul de l’Insee.
Cependant l’introduction de droits de douane est toujours possible. D’une part, parce que l’accord contient une exception pour les produits assemblés au Royaume-Uni mais composés d’une partie d’intrants ne provenant pas de l’UE (les Britanniques devront certifier l’origine de ces marchandises).
D’autre part parce, que les règles de concurrence définies par l’accord prévoient qu’en cas de non-respect des normes environnementales ou sociales ainsi que de la transparence fiscale, les deux parties puissent, après arbitrage, imposer des droits de douane à l’autre. De la même manière, même si le texte ne limite pas numériquement les aides que pourrait octroyer le Royaume-Uni à ses entreprises pour booster leur compétitivité, il anticipe un arbitrage au cas par cas, pouvant aller jusqu’au remboursement des aides. Bref, en cas de dumping, des mesures de rétorsion incluant l’instauration de droits de douane peuvent être enclenchées.
– Formalités douanières et contrôles sanitaires
L’absence de droits de douane ne signifie pas pour autant la fin des formalités douanières auxquelles les entreprises se sont préparées malgré l’effet stop and go des négociations et la survenue d’une pandémie mondiale.
Concrètement, il y aura un numéro d’identification européen, l’EORI, à détenir, des déclarations douanières à faire et des autorisations à obtenir pour les contrôles phytosanitaires. Toutes les formalités sont dématérialisées (et doivent donc être minutieusement anticipées) pour éviter les embouteillages au poste douanier.
– La pêche
Point de cristallisation de toutes les tensions de ces négociations, le secteur de la pêche a constitué un obstacle majeur à la conclusion d’un accord. En jeu, le droit de pêcher dans les eaux britanniques où les deux tiers des prises sont le fait de bateaux étrangers. Une reconquête britannique des ces zones de pêche aurait eu des conséquences lourdes pour les Européens. Selon les termes de l’accord, ces derniers bénéficient d’une période de transition de cinq an et demi. A partir de juin 2026, ils devront verser l’équivalent de 25 % de la valeur des produits pêchés dans les eaux britanniques au Royaume-Uni (qui en réclamait 60 %).
– La finance fait l’objet de négociations parallèles
L’accord conclu au finish par les négociateurs ne concerne que les marchandises : les services financiers dont Londres s’est fait une spécialité ne sont donc pas concernés. La délicate question de l’accès des banques britanniques au marché européen fait partie des questions traitées et négociées en parallèle de l’accord commercial signé le 24 décembre. En attendant, certaines dispositions ont déjà été prises. Les chambres de compensation, nécessaire au bon fonctionnement des marchés, ont par exemple déjà bénéficié d’un délai de supplémentaire de 18 mois.
– Instauration d’un permis de travail et fin du programme Erasmus
La libre circulation prend fin le 1er janvier. A cette date et jusqu’au 30 septembre 2021, il sera toujours possible de se rendre au Royaume-Uni d’une simple carte d’identité. A partir du 1er octobre, la plupart des ressortissants de l’Union européenne et de la Suisse auront besoin d’un passeport.
Autre changement de taille pour les Européens désirant travailler outre-Manche : à partir du 1er janvier, il leur faudra obtenir un permis de travail, suivant un système de visa à points. Pour y prétendre, les candidats devront fournir une offre d’emploi avec un salaire annuel d’au moins 26 500 livres (29 500 euros). Des exceptions sont néanmoins prévues dans quelques secteurs comme l’agriculture. Les Européens déjà présents conservent leur droit de résidence et de travail.
Ce nouveau système exclut nombre de jeunes Européens qui vivaient à Londres de petits boulots, dont les étudiants. Déjà durement impactés par la crise, ces derniers ne pourront plus bénéficier du programme Erasmus, jugé trop coûteux, pour partir étudier une année à l’étranger. Les universités britanniques accueillent environ 30 000 étudiants européens dans le cadre de ce programme d’échange qui les rendait financièrement accessibles. En effet un étudiant au Royaume-Uni payait les frais de scolarité pratiqués dans son pays et non dans son université d’accueil. Ainsi les Français qui déboursaient 180 euros pour une année dans un établissement au Royaume-Uni devront maintenant s’acquitter des mêmes droits que les Britanniques, soit autour de 10 000 euros.
Accueilli avec soulagement par les acteurs économiques, cet accord pose le cadre de relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pour les prochaines années et laisse planer la menace de rétorsions en cas de désaccord tout en prévoyant un système d’arbitrage qu’il reste encore à mettre en place. De manière plus immédiate et plus concrète, cette bonne nouvelle, ne doit pas faire oublier que si la question des droits de douane est enterrée, celle des formalités douanières à accomplir pour expédier sa marchandise est plus que jamais d’actualité.
Sophie Creusillet
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