La Chine et les Etats-Unis seraient ils les grands gagnants d’un Brexit sans-accord face à une Union européenne (UE) qui serait la principale perdante ? Alors que la perspective d’une sortie sans accord est très sérieusement considérée, une étude publiée par la Cnuced, l’agence des Nations unies en charge du commerce et du développement, sur les « les gagnants et les perdants en matière de commerce international » d’un Brexit sans accord* le laisse penser.
Les pertes de l’UE en termes d’exportations sont estimées par les chercheurs de la Cnuced à 34,5 milliards de dollars, du fait du rétablissement immédiat des droits de douane selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dites « de la nation la plus favorisée » (NPF)*, même si Londres a fait part de son intention de prendre le niveau minimal de tarif autorisé par l’OMC. La Chine, pour sa part, pourrait gagner 10,2 milliards de dollars supplémentaires d’exportations vers le Royaume-Uni, suivie, mais loin derrière, par les États-Unis avec 5,3 milliards de dollars.
Autres gagnants potentiels d’un Brexit sans accord, selon la Cnuced : le Japon à hauteur de 4,9 milliards de dollars, mais également des exportateurs plus modestes comme la Thaïlande, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil, la Fédération de Russie, le Vietnam et la Nouvelle Zélande.
Rupture des accords de libre échange avec les pays tiers
Le fait que l’UE soit la plus exposée à un rétablissement des droits de douane à la frontière avec le Royaume-Uni est logique : les économies européennes et britanniques ont atteint un niveau d’intégration très élevé dans le cadre de l’Union douanière et du marché unique, qui a donné naissance à des supply chain industrielles complexes.
En 2018, le Royaume-Uni, avec 3,5 % des importations mondiales, a été le cinquième plus gros importateur de biens de l’UE avec 680 milliards de dollars, dont plus de la moitié -360 milliards- provenant d’Etats membres de l’UE elle-même et le reste des pays tiers.
Toutefois, de nombreux autres pays non membres de l’UE sont également exposés à de fortes pertes d’exportations du fait de la fin des accords de libre-échange qu’ils ont avec l’UE mais qui ne seront plus valables avec le Royaume-Uni du jour au lendemain. La Turquie aurait, selon la Cnuced, le plus gros enjeu : 2,4 milliards de dollars d’exportations vers le Royaume-Uni. Autres pays exportateurs exposés : la Corée du Sud, le Pakistan, la Norvège, l’Islande, le Cambodge et la Suisse.
«Le Brexit n’est pas seulement une affaire régionale. Une fois que le Royaume-Uni aura quitté ses 27 partenaires de l’Union européenne, cela modifiera la capacité des pays non membres de l’UE à exporter sur le marché britannique », résume Pamela Coke-Hamilton, directrice du commerce international et des produits de base de la Cnuced, dans un communiqué. « L’intention du Royaume-Uni de réduire les tarifs des nations les plus favorisées augmenterait la compétitivité relative des principaux pays exportateurs, tels que la Chine ou les États-Unis, ce qui réduirait la part de marché des pays moins compétitifs ».
Londres n’a conclu que 26 accords commerciaux ou de continuité
De fait, la situation est complexe. De nombreuses exportations des pays en développement bénéficient jusqu’à présent de conditions très favorables d’accès au marché britannique, en grande partie grâce aux nombreux accords commerciaux bilatéraux et aux régimes préférentiels unilatéraux de l’UE : on en compte 70 actuellement.
Les pays souhaitant conserver cet accès privilégié au marché britannique doivent donc négocier – et rapidement – avec Londres de nouveaux accord commerciaux ou de continuité des accords existants. Mais ce genre d’accord est long à négocier, impliquant, outre la question du niveau des droits de douanes, des questions comme les règles d’origine ou les quotas.
Londres a bien commencé à négocier de nouveaux accords, accélérant ces derniers mois. Mais on est loin du compte : 26 de ces accords seulement ont été signés par le Royaume-Uni avec des pays tiers à fin mars 2019. En cas de Brexit sans accord, de nombreux pays se retrouveraient donc perdants.
Desk Moci
*No-deal Brexit: the trade winners and losers– Cnuced, 9 avril 2019.
** Il s’agit d’un principe de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) selon lequel les mêmes tarifs doivent s’appliquer à tous les partenaires commerciaux, sauf exception prévue dans un accord commercial en vigueur.