Interview croisée entre Christopher Franquet, président d’Entech smart energies, et Lydie Kerneis, déléguée international de Bpifrance pour la région Bretagne.
Pouvez-vous vous présenter ?
Christopher Franquet. Entech smart energies est une entreprise innovante spécialisée dans la fourniture d’éléments de conversion et de stockage d’énergie issue des énergies renouvelables. Nous fournissons clefs en main des équipements pour les centrales solaires et répondons aux appels d’offres des grands comptes dans le monde.
Mon associé, Laurent Meyer, et moi-même avons débuté notre carrière dans un grand groupe français puis nous avons décidé de créer la société en 2016 à Quimper (29). Nous développons en permanence de nouvelles solutions grâce à notre bureau d’études (35 salariés sur un effectif total de 55). Le marché est en plein développement dans le monde, principalement dans les pays émergents. Dans notre cas, l’innovation et l’internationalisation sont indissociables. Nous avons obtenu une quinzaine de contrats à l’international et des références précieuses.
Lydie Kerneis. Bpifrance est une banque publique avec des missions d’intérêts généraux telles que le soutien à l’innovation et à l’internationalisation des entreprises. Nous accompagnons les entreprises et leur offrons à cet effet des solutions de financement en fonds propres, crédit et assurance adaptées à chaque étape de leur vie. Partenaire privilégiée des régions, Bpifrance ancre son action dans les territoires au sein desquels elle contribue à maintenir un tissu industriel dynamique et à développer l’emploi, notamment au niveau local. Nous sommes avant tout une banque de proximité : 90% de nos décisions sont prises en régions.
Dès le début, Bpifrance a appuyé l’entreprise. De quelle façon ?
C.F. Dès la création de la société, Bpifrance nous a appuyés par le biais d’une aide à la faisabilité et l’émission de contre-garanties bancaires pour pouvoir répondre à des appels d’offres en France. En 2017, nous avons décidé de nous tourner vers l’international et nous avons obtenu un premier contrat au Mali.
Nous répondons à des appels d’offres à l’étranger et les clients nous demandent de remettre des cautions bancaires. Celles-ci représentent des montants substantiels pouvant représenter jusqu’à une année de notre chiffre d’affaires. Bpifrance Assurance Export, filiale de Bpifrance, intervient en garantissant les émetteurs de cautions par le biais de l’Assurance Caution Export (ACE).
L.K. Bpifrance est aussi la Banque Publique du Commerce Extérieur gérant les outils publics qui facilitent le déploiement de nos entrepreneurs à l’International. Concrètement et pour illustrer, notre garantie couvre 80% de la caution émise pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 150M€ (50% pour les autres) contre le risque de défaillance de l’exportateur en situation de carence ou d’insolvabilité judiciaire. C’est un produit particulièrement bien adapté aux besoins des TPE, des PME et des ETI qui peuvent ainsi soumissionner sur un pied de parfaite égalité avec les concurrents internationaux.
Vous avez utilisé l’Assurance Prospection. Dans quelles conditions ?
C.F. Nous avons mis en place une stratégie de développement international en Afrique et en Asie. La prospection commerciale entraîne des dépenses importantes sans que nous ayons la garantie d’obtenir des contrats. Au début, je dois le dire, nous avons hésité, car nous avons établi une première estimation des dépenses nécessaires et le montant qui en résultait était élevé. Dans le cadre de nos échanges réguliers, Lydie nous a présenté l’Assurance Prospection.
Ce dispositif nous a permis d’élargir le nombre de pays ciblés et de réaliser le travail de prospection sans crainte en ce qui concerne l’impact financier sur les comptes de l’entreprise. En définitive, l’Assurance Prospection nous a permis de nous développer mieux et plus rapidement à l’international.
L.K. Se développer à l’international, c’est avant tout avoir une stratégie et s’y tenir en s’inscrivant dans la durée. L’Assurance Prospection répond à cette exigence. C’est à la fois une assurance contre le risque d’échec de la démarche de prospection et une avance de trésorerie à hauteur de 65 % des dépenses budgétées. Elle est versée sous forme d’une avance donc et son remboursement est composé d’un remboursement forfaitaire minimum de 30% puis d’un remboursement complémentaire sur la base du chiffre d’affaires réalisé dans les pays visés ou pris en charge par l’État si le succès n’est pas avéré.
C.F. Nous avons bénéficié également d’autres produits : Assurance Change et un Prêt Croissance International en 2020. Nous envisageons de faire appel à la Garantie de Projets à l’International (GPI) qui est un mécanisme de garantie des fonds propres ou quasi-fonds propres apportés lors de la création d’une filiale à l’étranger, car nous étudions un investissement en Côte d’Ivoire.
Quelle appréciation globale portez-vous à ces outils ?
C.F. Mon associé et moi sommes des ingénieurs et nos connaissances des opérations financières internationales étaient initialement limitées. Une des contributions essentielles de Bpifrance a consisté à nous présenter les produits et à nous aider dans la mise en œuvre. Nous avons apprécié la dématérialisation des procédures et la rapidité d’obtention de l’appui sollicité lorsque les conditions d’obtention sont remplies. Il y a une réelle agilité et c’est un point important lorsqu’on doit répondre à des appels d’offres internationaux.
Un autre élément intéressant réside dans l’adaptation des procédures. L’ACE est un bon exemple. Compte tenu de l’importance des appels d’offres dans notre secteur et des enjeux financiers, Bpifrance a mis en place une enveloppe annuelle. Nous pouvons ainsi solliciter régulièrement nos banquiers : l’appui de Bpifrance permet de les rassurer et de nous concentrer sur le développement à l’international.
L.K. En matière de sécurisation et de financement des opérations commerciales internationales, Bpifrance dispose d’un ensemble complet de solutions financières pour neutraliser une large partie des risques qu’emportent une démarche de développement à l’export. Cependant, chaque entreprise est un cas particulier. Notre mission consiste ainsi à construire des bouquets de solutions personnalisées, intégrant les différents outils, qui sont autant de « briques », en fonction de la situation spécifique de chaque entreprise sur l’ensemble du cycle de l’export. L’objectif est d’accompagner l’entreprise à chaque étape de son développement international.
Cela ne se limite pas à la simple mise à disposition d’outils financiers…
C.F. Bpifrance nous a aidés en permanence à structurer notre démarche à l’export, à nous poser les bonnes questions, à anticiper et à combler nos lacunes. Lorsque nous avons commencé à utiliser l’Assurance Prospection, Lydie nous a conseillés, notamment en ce qui concerne la sélection des pays ciblés. La démarche pour l’obtention de ce produit nous a contraints, avec l’aide de Bpifrance, à mieux structurer notre démarche export.
Autre exemple : Lydie nous a conseillé d’anticiper le risque de change dès la phase de négociation des contrats afin de ne pas être pris au dépourvu en cas de fortes fluctuations. C’est un élément crucial car la variation inattendue d’un taux de change peut bouleverser l’équation économique d’un projet.
L.K. Réussir à l’international, c’est aussi et avant tout bien savoir s’entourer et se préparer. Membre fondateur de la Team France Export en Bretagne, nous œuvrons aux côtés de la Région, de Business France et de BCI avec une vraie mission de conseil : cela fait partie de l’accompagnement indispensable des entreprises.
À la suite du recrutement du responsable administratif et financier, nous avons réalisé des actions de formation, en utilisant notamment les outils digitaux. Nous avons ainsi pu réaliser une vraie montée en compétences de ce responsable qui est désormais pleinement opérationnel.
Avez-vous un autre exemple en tête ?
L.K. Dans le cadre de l’accompagnement du projet de création d’une filiale en Côte d’Ivoire, nous avons présenté la GPI, mentionnée précédemment, mais nous avons également organisé un rendez-vous avec notre responsable Afrique de l’Ouest basé à Abidjan, qui a fourni une série d’informations personnalisées sur le pays : contexte géopolitique, situation économique, environnement des affaires, mode de travail avec les partenaires locaux, pièges à éviter pour un investisseur français, mise en relation avec des interlocuteurs locaux, etc.
En 2018, la société a participé à une mission au Kenya et en Ouganda organisée par Bpifrance. Quels ont été les résultats concrets ?
C.F. Un programme précis de rendez-vous, établi à l’avance, nous a permis de rencontrer des acteurs clés de notre marché dans les deux pays et d’obtenir des contacts utiles. Ce déplacement nous a permis d’apprécier directement le potentiel d’affaires de ces deux pays. Surtout, nous nous sommes rendu compte de l’importance de la présence locale pour consolider le développement international.
En définitive, comment qualifieriez-vous cette relation ?
C.F. L’international est complexe. En nous aidant à chaque phase de notre développement sur les marchés étrangers, Bpifrance nous a permis de gagner du temps et de l’argent. Notre développement international a été accéléré. Aujourd’hui, nous nous sentons armés lorsque nous attaquons de nouveaux marchés.
L.K. Un de nos atouts essentiels réside dans notre ancrage local et l’existence d’une relation de proximité qui nous permettent d’avoir une connaissance fine des entreprises et de leurs dirigeants. Nous sommes ainsi en mesure non seulement d’appréhender leurs besoins mais aussi, le cas échéant, de les anticiper. A l’international, il faut toujours avoir une longueur d’avance tout en fixant le point GPS le plus loin possible en termes d’ambitions. Nous tentons de voir ces entrepreneurs en réalité augmentée en quelque sorte, et nous nous attelons chaque jour à en révéler tout le potentiel de croissance. Nous n’avons qu’un objectif : créer les conditions pour que l’entreprise puisse continuer à se développer avec succès à l’international.