Trois questions à Olivier Ganne, directeur douane du groupe Oxylane
Le Moci. Vous avez obtenu la certification OEA complète. Au regard de l’investissement que cette démarche a représenté pour vous, qu’avez-vous retiré de cette certification ?
Olivier Ganne. L’investissement a été important, surtout au niveau de la gestion du projet, pour regrouper les réponses permettant de compléter le questionnaire d’auto-évaluation. Nous avons nommé deux chefs de projet en interne sur ce point. Nos procédures étaient déjà pour la plupart documentées et mises à jour. Par ailleurs, le service juridique douane s’implique déjà beaucoup dans la détermination des réglementations douanières applicables à nos produits, dans la validation des flux physiques et financiers, dans l’ouverture de nouveau pays.
Étant donné le positionnement du service douane sur le plan stratégique, et l’organisation interne déjà en place, l’OEA apparaissait comme un juste retour par rapport à tous les efforts d’organisation que nous avons réalisés depuis plusieurs années. Les avantages de cette certification sont multiples, notamment l’accès à des procédures simplifiées dans plusieurs États membres de l’UE et la diminution des contrôles. Mais j’attends beaucoup plus de ce statut. Par exemple, la possibilité d’être informé du statut douanier de la marchandise avant son arrivée au port, l’exemption de crédit d’enlèvement, l’engagement de l’administration sur un taux de contrôle, l’absence d’audit préalable avant validation de procédures simplifiées. Je veux que ce statut devienne véritablement une reconnaissance de notre capacité à analyser et à limiter nos risques sécurité-sûreté.
Le Moci. Les nouvelles procédures ICS (Importe Control System) et ECS (Export Control System) sont obligatoires cette année. Comment votre entreprise s’est-elle conformée à ces nouvelles normes ?
O. G. Nous sommes moins concernés par l’ECS. Concernant l’ICS, il a fallu rendre disponibles au transporteur, avant le chargement du navire, quelques informations pour remplir et envoyer l’ENS [NDLR : déclaration sommaire d’entrée]. Nous avons ainsi privilégié le SH6 [NDLR : code douanier comportant 6 chiffres] plutôt que la description des marchandises, sujette à interprétation et à retard de chargement. Ayant à déterminer ce code bien avant l’export, nous avons surtout travaillé le moyen de communiquer facilement ce SH6 au transporteur, en charge de remplir et d’envoyer l’ENS. Concernant l’ICS, en tant que chargeur, il est encore tôt pour en évaluer les impacts. L’ENS à l’export a généré quelques jours de délais supplémentaires pour obtenir l’autorisation de charger la marchandise. Les premiers contrôles à l’arrivée dans l’Union européenne pourraient engendrer quelques balbutiements, notamment sur le contrôle au premier port d’arrivée et le souhait de certains OEA de bénéficier du choix du lieu de contrôle.
Le Moci. Quels conseils dispenseriez-vous aux dirigeants de PME-PMI pour s’adapter à ces nouvelles procédures ?
O. G. Concernant l’ICS, mon conseil est de sécuriser et de communiquer ce SH6 au transporteur avant l’envoi de l’ENS à l’export. De ce SH6 dépend votre taux de droit de douane, l’application de règles d’origine. C’est aussi un critère important de sélection des contrôles, donc une erreur pourrait être préjudiciable. Il faut arrêter de penser à sa détermination seulement au moment du dédouanement dans l’UE. Un RTC peut tout à fait être un moyen de sécuriser cet aspect. Sur l’OEA, il faut documenter ses process internes et nommer un référent du projet OEA dans l’entreprise, qui impliquera les responsables financiers et informatiques. Le deuxième conseil est de travailler avec des transporteurs, commissionnaires qui disposent déjà du statut OEA.
Propos recueillis par G. N.
Trois questions à Robert Launay, directeur général d’Alis International
Le Moci. Vous avez obtenu la certification OEA complète. Au regard de l’investissement que cette démarche a représenté pour vous, qu’avez-vous retiré de cette certification ?
Robert Launay. Nous avons piloté la mise en place de l’agrément OEA complet de notre filiale overseas, Qualitair&Sea, en 2009. Quant à Alis, société comptant 40 salariés, spécialisée dans le conseil et l’ingénierie douanière et logistique, elle n’a eu besoin que du statut d’OEA « simplifications douanières », n’exploitant pas d’entrepôt. Cette certification nous a permis de mieux structurer et de revoir l’organisation de l’entreprise ainsi que l’ensemble de ses procédures internes. Nous avons choisi d’être OEA, pas pour les avantages avancés par la douane, mais parce que cette certification nous engage dans une démarche d’amélioration qui nous permettra d’être plus compétitifs à long terme. L’intérêt est aussi d’entrer dans une relation de partenariat avec la douane, qui implique qualité et transparence. Un des avantages direct de l’OEA est de ne plus cautionner la TVA pour les régimes économiques. De plus, ce statut diminue les dysfonctionnements internes et en conséquence le taux d’amende en douane. L’OEA, c’est enfin une assurance de fiabilité pour mes clients, grâce à la traçabilité des flux, des documents, des systèmes d’informations et des personnes. Donc une diminution des coûts indirects que sont les pertes, les vols, la casse de marchandises, les impayés, les créances douteuses et les litiges. À terme, nous pensons que l’OEA permettra aux chargeurs de vendre à des prix plus compétitifs.
Le Moci. Les nouvelles procédures ICS et ECS sont obligatoires cette année. Comment votre entreprise s’est-elle conformée à ces nouvelles normes ?
R. L. Ces nouvelles procédures sont obligatoires, depuis trois ans pour l’ECS et depuis 1 an pour l’ICS. Ce n’est pas le cas de l’OEA. De ce point de vue, la France s’est plutôt bien adaptée à ces nouvelles mesures et ce, dans les temps. Dès lors que vous avez le bon système d’information et que vous êtes déjà certifié OEA, il est beaucoup plus facile de vous conformer aux procédures ICS-ECS. En l’occurrence, les chargeurs se reposent sur leurs prestataires logistiques pour ces procédures. C’est normal et cela ne nous gêne pas. En tant que commissionnaire en transport, nous avons une responsabilité sur les données. Il ne faut pas livrer une information erronée, laquelle aura des conséquences en chaîne. L’ECS fonctionne à peu près correctement, alors que l’ICS est encore dans une phase de maturation. Nous avons hérité d’une législation communautaire et d’un pays membre à l’autre, nous constatons une très grande inégalité de préparation et une très grande différence dans les systèmes d’informations. Ce qui pose problème.
Le Moci. Quels conseils dispenseriez-vous aux dirigeants de PME-PMI pour s’adapter à ces nouvelles procédures ?
R. L. Notre premier conseil c’est de bien connaître son entreprise et ses flux, afin de bien analyser son activité et définir sa stratégie à l’international. Notre deuxième conseil, c’est qu’il ne faut pas traiter ces procédures sur un coin de bureau, parce qu’il s’agit d’un vrai projet d’entreprise global, qui doit impliquer tout son personnel. Regardez déjà ce qui fonctionne bien chez vous, avant de cibler ce sur quoi vous avez des doutes. L’OEA n’est pas insurmontable pour une PME souvent déjà bien structurée. En revanche, les TPE n’ont pas les moyens d’obtenir un agrément et, dès lors, c’est au transitaire de les couvrir. Dans tous les cas, un entrepreneur ne peut pas rester dans une position passive, il faut s’impliquer.
Propos recueillis par G. N.