L’anticipation du dédouanement et des règles de sécurisation de la chaîne logistique deviennent incontournables pour réussir à l’international. Pour cela, la douane met à votre disposition des outils tels que les statuts d’opérateur économique (OEA), d’exportateur agréé (EA) ou la demande de renseignement tarifaire contraignant (RTC). La fonction douane commande aussi bien la sécurité de votre chaîne logistique, l’optimisation fiscale et douanière que la marge finale de l’entreprise.
En l’espace de quelques mois, des années d’efforts consentis pour édifier un dispositif international peuvent être ruinées par une méconnaissance de la matière douanière. Les anecdotes relatives aux mésaventures de chefs d’entreprise qui ont échoué dans leur déploiement international ne manquent pas. Même si l’on comprend aisément que les sociétés en question ne souhaitent pas, bien sûr, en faire la publicité.
Combien d’entreprises n’ont-elles pas vu leurs conteneurs immobilisés, confisqués ou perdus, la société être en but à un douloureux redressement fiscal ou douanier, quand ce n’est pas la porte d’un marché qui se ferme pour longtemps. Pire, les plus fragiles finissent par mettre la clé sous la porte. Pour s’épargner ces situations dramatiques et, au contraire, faire de la matière douanière un levier de création de valeur dans l’entreprise, décrocher un beau contrat ne suffit pas, il faut anticiper les contraintes logistiques, réglementaires et fiscales.
Cependant, les directions générales des entreprises, trop absorbées par les objectifs de leurs stratégies financières et commerciales, négligent trop souvent d’autres fonctions importantes, comme la douane, mais aussi la logistique, parfois sous-traitée sans discernement, ou un dispositif industriel et commercial, quelquefois mal conçu. C’est tout le champ d’activité à l’international qui doit être repensé, jusqu’au cœur des appareils de commandement des entreprises.
En effet, l’accélération de la libre circulation des marchandises, loin de faire disparaître les barrières étatiques et administratives, a fait exploser les risques pesant sur le fret et la chaîne logistique. Des risques pesant sur les produits (la contrefaçon par exemple), les consommateurs (sécurité sanitaire), l’ordre public (détournement et vol de fret). D’où la mise en place progressive d’une régulation assez complexe, à l’échelle d’abord régionale, puis mondiale.
De facto, la douane déploie aujourd’hui une activité d’analyse et de gestion du risque, fondée sur une exploitation rationnelle, à l’aide d’outils modernes, de données en nombre toujours plus importantes et transmises par des opérateurs économiques par voie informatique. Ces transmissions informatiques sont réalisées, alors même que l’envoi physique auxquelles elles se réfèrent n’a pas encore eu lieu à partir du pays d’embarquement, si on considère un flux à l’importation. Pour obtenir ces données et réaliser sa mission régulatrice, c’est-à-dire pour soutenir le commerce légal contre la fraude et le crime organisé, la douane française s’est organisée en réseau et travaille en partenariat avec les autres administrations des pays membres de l’Union européenne (UE) comme des pays tiers, ainsi qu’avec les entreprises (transporteurs, chargeurs, commissionnaires en douane).
La DGDDI a parallèlement amorcé une importante mutation technologique avec la dématérialisation des déclarations en douane, qui se prolonge aujourd’hui dans la dématérialisation des documents d’accompagnement.
Revenons sur la problématique de la sécurisation de la chaîne logistique et rappelons que les événements fondateurs sont les attentats du 11 septembre, qui ont poussé les États-Unis à adopter, les premiers, différentes mesures en matière de sûreté et de sécurité : le CT-PAT (Customs-Trade Partnership Against Terrorism) issu du Patriot Act. Décliné à l’échelle planétaire par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) sous la forme du cadre de normes SAFE, ces mesures ont été traduites au plan européen avec la mise en place de l’OEA (opérateur économique agréé), mais aussi des normes ICS/ECS (Import/Export Control System).
Fait majeur pour 2011, un sommet transatlantique, qui a réuni fin novembre les représentants de l’Union européenne et des États-Unis, a consacré le principe la reconnaissance mutuelle de l’OEA européen et du CT-TPAT américain. Voilà qui devrait permettre de fluidifier le dédouanement et de réduire les délais d’acheminement des flux marchands entre ces deux régions du monde. La signature formelle de l’accord doit intervenir au printemps 2012. On peut espérer une mise en œuvre concrète vers la fin de l’année 2012.
« À cette date, un exportateur français pourra compter sur un temps de dédouanement plus court dans les ports et aéroports américains, ce qui se répercutera favorablement sur ses coûts », souligne Jean-Michel Thillier, directeur à la sous-direction du commerce international de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
Rappelons que les États-Unis sont le quatrième partenaire commercial de la France. Or, depuis les événements du 11 septembre 2001, suite aux dispositions prises pour lutter contre le terrorisme, les échanges franco-américains sont contraints par des délais d’acheminements plus longs, soit entre dix et quinze jours pour un conteneur.
Aujourd’hui, l’Union européenne a enregistré une dizaine de milliers de certifications OEA, dont 5 123 pour la seule Allemagne et 635 pour la France. Dans l’Hexagone, un peu plus des deux tiers des certifiés OEA le sont en mode « complet ». 12 % ont choisi la certification « sûreté-sécurité », parce qu’il s’agit de transporteurs, d’emballeurs ou de manutentionnaires qui ne font pas de douane. Enfin, plus de 20 % sont certifiés OEA « simplifications douanières ».
La douane française, elle, travaille à étendre le statut d’OEA au sein des entreprises. Lequel progresse chaque année depuis 2008, lancement de la certification (soit 27 certifiés en 2008, 181 en 2009 et 379 en 2010). La DGDDI investit significativement dans l’information, le conseil et l’accompagnement des entreprises dans cette démarche OEA : c’est le rôle des 40 agents répartis dans les cellules conseils aux entreprises implantés dans les pôles d’action économique des directions régionales.
Cependant, les entreprises certifiées, toujours en attente d’avantages douaniers attachés au statut d’OEA plus importants, ont été entendues à Bercy. La DGDDI travaille activement à rendre le statut plus attractif, en donnant plus de contenu à la notion de traitement prioritaire et en veillant à une bonne coordination des contrôles, afin qu’ils soient moins pénalisants pour les flux de l’entreprise.
L’axe de travail est donc celui du traitement privilégié des opérateurs et de proposer le choix du lieu de contrôle. Car le contrôle ne peut pas disparaître, y compris pour une entreprise bénéficiant du statut d’OEA, pour des raisons évidentes que rappelle Jean-Michel Thillier : « Les entreprises sont aussi demandeuses de contrôles, notamment pour lutter contre la contrefaçon. Le taux de contrôles physiques est très bas en France. Il faut nous concentrer sur les marchandises à risque et les opérateurs non OEA. »
Autre outil douanier indispensable pour réussir son saut à l’international, le Renseignement tarifaire contraignant (RTC). C’est le classement tarifaire le plus important. « Parce que l’espèce tarifaire est l’un des déterminants des droits, taxes et formalités auxquelles sont soumises les marchandises dans l’Union européenne, à l’import comme à l’export », plaide Jean-Michel Thillier, qui précise : « C’est aussi un argument pour avoir une visibilité en termes de droits de douane et pour savoir si l’entreprise peut bénéficier de droits préférentiels au titre d’un accord de libre-échange. C’est important pour que l’entreprise puisse déterminer le prix de revient de la marchandise, à l’import comme à l’export. Avec une demande de RTC, une société ne court pas le risque de voir le classement douanier des produits remis en cause et sa marge amputée. Enfin, le RTC est valable six ans, et ce, dans toute l’Union européenne. » Il y a eu 8 000 demandes de RTC en 2011, soit 25 % de plus qu’en 2010 (5 873 demandes).
Le RCO, ou Renseignement contraignant d’origine, concerne plutôt l’importation. Il se révèle particulièrement précieux dans les circuits de production dits « éclatés », mettant en jeu plusieurs régions du monde et, par voie de conséquence, plusieurs accords de libre-échange conclus avec l’Union européenne, aux règles parfois divergentes. Une centaine de demandes de RCO a été délivrée, l’an passé.
Ne négligez pas non plus le statut d’exportateur agréé (EA). Il y en a eu 2 660 en France en 2011, soit 130 % de plus qu’en 2010. L’enjeu de ce statut est simple. Par exemple, le nouvel accord UE-Corée du Sud prévoit que le certificat d’origine est remplacé par une déclaration d’origine sur facture (DOF), laquelle n’a pas à être revêtue d’un cachet de la douane, comme il était nécessaire de la faire avec un certificat d’origine papier.
Avec la DOF, il n’y a plus de visa de la douane française, mais seulement une autorisation préalable, ça va plus vite. Et les entreprises peuvent bénéficier des accords bilatéraux de libre-échange passés par l’UE. Cela conditionne la compétitivité des exportateurs français, avec une incidence directe sur le coût de l’offre.
Enfin, la DGDDI concentre son travail sur les grandes plateformes logistiques portuaires, aéroportuaires et multimodales. C’est le cas par exemple des ports de l’axe Seine, ou de Roissy. « La douane est très attentive à l’attractivité de la plateforme logistique de Roissy et nous avons accompagné le nouveau système informatique, le CIN [NDLR : Cargo information network] », conclut Jean-Michel Thillier.
G. N.
5 min 57 s pour dédouaner
La France est le pays qui exige le moins de documents à l’appui de la déclaration en douane (classement 2012 Doing Business de la Banque mondiale). Elle affiche un délai d’immobilisation de 5 minutes et 57 secondes. En 2006, il fallait 11 minutes entre la validation de la déclaration et la mise à disposition de la marchandise.
Grâce au déploiement du système Delta depuis 2007, la douane est fin prête pour le plan stratégique européen Electronic Customs (E-Customs). Aujourd’hui, le taux de dédouanement électronique atteint 90 %, l’un des meilleurs de l’Union européenne. Les avantages sont multiples : aucun document d’accompagnement à joindre (mais ils doivent être conservés en cas de contrôle), possibilité d’anticiper jusqu’à 10 jours la déclaration simplifiée d’importation, gestion des crédits de paiement des droits et taxes, outils de simulation, possibilité de rectifier les déclarations par voie électronique, calcul automatique de la valeur en douane, transmission directe des informations statistiques.