Face à l’effondrement des taux de fret et aux nuages qui s’amoncellent sur la zone euro, CMA-CGM, le troisième armateur mondial avec plus de 400 navires, a décidé de s’associer à son rival MSC, deuxième armement mondial, et programmé des réductions de coûts.
Depuis le deuxième trimestre 2011, le groupe franco-libanais, basé à Marseille, enregistre une forte détérioration de ses marges bénéficiaires (voir ci-dessous). Celle-ci semble devoir s’approfondir en cette fin d’année. Il faut dire que les vents sont contraires. En août 2011, pour la première fois depuis trois ans, le flux mondial de conteneurs maritimes a reculé légèrement. Rappelons que le trafic de conteneurs maritimes a connu une croissance mondiale de l’ordre 500 % entre 1990 et 2008, pour plonger en 2009. En 2010, le trafic n’avait pas tout à fait rattrapé le niveau de 2008. Et l’année 2012 pourrait marquer le pas.
Cette mauvaise conjoncture se conjugue avec la surcapacité de la flotte mondiale de porte-conteneurs, laquelle a encore augmenté de 9 % cette année. Un phénomène récurrent, que l’arrêt des mises en chantier intervenue courant 2009 n’a pas freiné. Car les chantiers navals continuent de livrer les commandes enregistrées dans les années de prospérité (2006-2008).
Si bien que les taux de fret se sont effondrés, passant de 2 000 dollars par conteneur en 2010 à 600 dollars fin 2011. Pour couronner le tout, les prix du fioul n’ont cessé de grimper (+ 36 % au 1er semestre). Pour économiser du carburant, les navires ralentissent : la relation Asie-Europe, qui se faisait en huit semaines, s’effectue aujourd’hui en presque dix semaines. Cette solution touche aujourd’hui sa limite.
Face à cette situation, CMA-CGM a d’abord décidé, dès septembre, de mettre en œuvre un plan de réduction des coûts de 400 millions de dollars (ventes de conteneurs, de navires, mais aussi du terminal de Malte), qui doit produire ses pleins effets dès 2012.
Ensuite, l’armateur marseillais a annoncé le 1er décembre 2011 un accord de partenariat opérationnel pour une durée de trois ans avec l’italo-suisse MSC, deuxièmement armement mondial derrière le danois Maersk. Le contrat porte sur les lignes Asie-Europe, où les taux de fret sont très détériorés, mais aussi sur les liaisons Asie-Afrique du Sud et sur les marchés sud-américains prometteurs, mais ultra-concurrentiels.
L’accord « opérationnel » avec MSC n’offre pas, à ce jour, de synergies clairement identifiables, sauf à le transformer en accord capitalistique, autrement dit en une fusion. Une opération qui risque de susciter les foudres des autorités de la concurrence de l’Union européenne. En effet, les deux partenaires, respectivement numéro 3 et numéro 2 du secteur, se retrouveraient alors en position dominante sur des routes majeures, c’est-à-dire en mesure d’imposer des tarifs plus élevés aux chargeurs et aux grands prestataires logistiques. Cependant, c’est sans doute, à terme, ce que méditent les deux armements.
Gilles Naudy
La rentabilité s’effondre en 2011
Sur le cumul des neuf premiers mois de 2011, en termes de volumes traités, CMA-CGM semble résister à une conjoncture défavorable. En effet, l’armateur a transporté 7,42 millions de conteneurs équivalent vingt pieds (EVP), contre 6,8 millions pour la même période de 2010, soit une progression de 9,4 %. Son chiffre d’affaires, de 11,06 milliards de dollars, a augmenté de 5,2 % par rapport à la même période en 2010.
Cependant, alors que le flux de conteneurs transporté ne cesse de progresser, la rentabilité, elle, s’effondre : l’armateur affiche un résultat net positif de seulement 13,2 millions de dollars, comparés aux 1,41 milliard de dollars pour le cumul des 9 mois de 2010. Sur cette dernière période, la marge nette représentait 13,4 % du chiffre d’affaires. Sur le cumul des trois premiers trimestres de 2011, elle n’est plus que de 0,01 % du chiffre d’affaires.
Certes, au 30 septembre 2011, la trésorerie du groupe demeurait positive de 763 millions de dollars. Rappelons tout de même qu’en janvier 2011, le groupe a reçu 500 millions de dollars de son nouvel actionnaire, le groupe Yildirim, via une opération d’émission d’obligations remboursables en action. Au rythme actuel de la détérioration des taux de fret, il est loin d’être acquis que le groupe annonce un exercice complet profitable pour 2011. Moody’s vient d’ailleurs de dégrader la note de l’armateur pour sa piètre performance au 3e trimestre.
G. N.