La Commission européenne s’active à convaincre les indécis des retombées positives de sa politiques commerciale. En ligne de mire ? Le secteur agricole, souvent considéré par ses représentants comme la variable d’ajustement des accords de libre-échange (ALE) conclus entre l’Union européenne (UE) et le reste du monde. Une étude vient mettre de l’eau à son moulin sans convaincre les plus hostiles à ces accords.
Le contexte est connu. Le pacte commercial scellé avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), est de loin le plus contesté par le secteur agricole. Mais aussi par plusieurs États membres, dont la France, et par le Parlement européen, qui menacent de bloquer sa ratification une fois que le texte sera soumis au vote, dernière étape avant sa mise en œuvre effective.
D’ici là, l’exécutif entend bien démontrer, chiffres à l’appui, l’impact positif de sa stratégie commerciale globale pour les agriculteurs européens. D’où la publication, mardi 26 janvier d’une étude « sur les effets économiques attendus des négociations commerciales en cours et à venir sur le secteur agricole d’ici à 2030 »*, précise un communiqué.
Présentée par Valdis Dombrovskis, vice-président en charge du Commerce, et Janusz Wojciechowski, le commissaire à l’Agriculture, l’analyse se base sur douze accords commerciaux, dont cinq déjà conclus (Canada, Mercosur, Mexique, Japon, Vietnam), et sept en cours de négociation (Malaisie, Indonésie, Philippines, Thaïlande, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili).
Des perspectives de hausse des exportations agricoles
« Je suis convaincu que notre politique commerciale dynamique et ouverte est indispensable pour le développement futur du secteur agroalimentaire, les résultats de cette étude le prouvent », s’est félicité Valdis Dombrovskis lors d’une conférence de presse.
D’ici à 2030 les exportations agricoles vers les douze pays visés devraient augmenter de 25 % à 29 % selon le scénario envisagé*. Une hausse plus limitée est projetée pour les importations, qui se situerait dans une fourchette comprise entre +10 et + 13 %.
Principaux bénéficiaires de ces accords de libre-échange (ALE), dans le scénario le plus ambitieux : le porc (+8,9 %) ; les produits laitiers (+7,3 %), avec comme destination principale le Japon ; les produits transformés (+3,1 %) ; et les vins, boissons et tabac (+2 %). Des secteurs qui « montrent un potentiel considérable et devrait bénéficier des opportunités offertes par ces 12 accords de libre-échange », a souligné Janusz Wojciechowski.
Moins d’optimisme pour le bœuf
Mais les perspectives sont moins réjouissantes pour les éleveurs de bœuf au sein de l’UE. Des « difficultés » sont à prévoir « à cause du Mercosur » a reconnu le Commissaire polonais.
Par conséquent les importations, depuis les douze pays visés par l’enquête, pourraient connaître une hausse de 26 %, toujours selon le scénario le plus ambitieux. Les prix à la production chuteraient de 2,4 % « avec des effets marginaux sur la consommation (0,6 %) et la production (-0,3 %) en raison des exportations en hausse vers le Japon et les Philippines », précise l’étude.
Les autres produits susceptibles de faire les frais des ALE conclus par l’UE sont la viande ovine, la volaille, le riz et le sucre. « Dans les deux scénarios, les flux commerciaux de sucre seront rapidement affectés par l’accord avec le Mercosur », souligne le document. Les prévisions tablent sur une augmentation comprise entre 12 et 13 %.
Protection des secteurs vulnérables
« Nous sommes aussi conscients des secteurs plus vulnérables et nous fournissons de gros efforts pour les protéger dans le cadre de nos accords commerciaux », a tempéré le vice-président en charge du Commerce.
Premier instrument évoqué, les contingents tarifaires qui « ont monté leur efficacité pour atténuer les effets sur nos secteurs sensibles », indique le communiqué. D’autres mesures seront prises « pour faire respecter les intérêts commerciaux de nos agriculteurs », a ajouté Valdis Dombrovskis, citant la désignation récente d’un « négociateur en chef au Commerce », au sein de la Commission, dont la mission sera de « lutter pour plus d’exportations » et de « nous défendre contre les importations illégales et illégitimes ».
Si l’on résume le message adressé via cette étude, personne ne sera donc sacrifié sur l’autel du libre-échange. Et si, pris séparément, les ALE peuvent avoir un impact négatif, ils sont favorables, dans leur globalité, aux agriculteurs européens.
Les producteurs Wallons toujours méfiants
Reste à savoir s’il suffira à convaincre les États membres les plus soucieux de défendre leur secteur agricole déjà fragilisé. « Ce rapport ne remet pas en question notre position sur l’accord Mercosur », a averti Elio Di Rupo, le ministre-président du gouvernement wallon, opposé au pacte conclu avec les quatre pays du bloc sud-américain. De quoi faire dérailler le processus de ratification.
Rappelons que cette région belge était parvenue à bloquer la signature du pacte commercial conclu entre l’UE et le Canada (CETA) en 2016, conditionnant son accord à d’importantes concessions, en particulier dans le domaine agricole.
Pour ses représentants l’enquête publiée le 26 janvier par la Commission est loin d’être concluante car elle se base sur l’ensemble de l’UE, omettant ainsi une analyse pays par pays, dans le détail. Par ailleurs, « c’est l’agriculture industrielle qui va en bénéficier, pas les agriculteurs », déplore Hugue Falys, porte-parole de la Fugea, le syndicat agricole de la région wallonne. Pas sûr que cette étude suffise à faire basculer son opinion.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
* Deux scénarios sont envisagés dans l’étude. Le premier, le plus ambitieux, table sur une libéralisation totale de 98,5 % des droits de douane de tous les produits et une réduction tarifaire de 50 % pour les autres produits. Le second scénario, plus prudent, se base sur une libéralisation totale de 97% des droits de douane de tous les produits et une réduction tarifaire de 25% sur les autres produits.
Pour télécharger l’enquête (en anglais) : cliquez ICI