C’est un signal d’alerte que lance l’assureur-crédit Euler Hermes sur les perspectives d’évolution des risques client dans la zone euro dans sa dernière étude de conjoncture. Selon sa dernière note de conjoncture, une entreprise sur 4 dans cette zone, dont en Allemagne et en France, sont au bord de la « crise de trésorerie ».
En cause, l’impact négatif de la pandémie de la Covid-19 et des mesures de confinement sur l’activité des entreprises, mais aussi la perspective de la fin des aides financières des États, sous la forme de report de charges ou d’impôts, ou de prêts garanties. Tout se passe comme si la deuxième vague de propagation du coronavirus avait frappé des entreprises déjà bien fragilisée par la première vague, malgré les aides d’État massives.
15 à 20 % de pertes dans les secteurs directement exposés
Selon Euler Hermes, dans l’ensemble de la zone Euro, pour l’année 2020, de nombreuses entreprises dans les secteurs les plus exposés pourraient enregistrer des pertes opérationnelles sèches de 15 à 20 %.
Sont concernés les secteurs textiles-habillement, commerce de détail non essentiel, services de transport, distribution et fournisseurs de l’automobile, hôtellerie-hébergement-restauration, loisirs …
Environ 24 % des entreprises de cette zone, soit 1 sur 4, pourraient ainsi se trouver en situation de crise de trésorerie en 2021 si jamais les mesures d’aides fiscales et financières ne sont pas renouvelées. Dans le détail, en Allemagne et en France, 1 entreprise sur 4 est directement exposée aux restrictions d’activité liées à la pandémie, et 1 sur 5 en Belgique et au Pays-Bas.
L’impôt de production 2020 a pesé en France
La France est plutôt mal lotie à cet égard.
Au premier semestre (S1) 2020, la marge des entreprises non financières y a reculé de 7 points, contre 5,2 points en Espagne et de 1,3 points aux Pays-Bas. Selon Euler Hermes, c’est le maintien de l’impôt de production dans l’Hexagone qui explique cet écart de perte de marge. Celui-ci devrait être réduit en 2021 et 2022 dans le cadre du plan de relance -à hauteur de 10 milliards d’euros- mais son maintien en 2020 a contribué à rogner un peu plus des marges déjà en berne.
Reste qu’en France comme dans le reste de la zone Euro, alors que la seconde vague de la Covid-19 bat encore son plein, la question posée en cette fin d’année pleine d’incertitudes est de savoir combien va durer la crise sanitaire, comment seront gérées les éventuelles nouvelles vagues jusqu’à l’arrivée des vaccins, et dans quelle mesure les aides publiques seront prolongées ou non jusqu’à fin 2021.
Chez Euler Hermes, l’heure est plutôt au pessimisme. « Face à ces pertes, si les soutiens étatiques ne sont pas prolongés au-delà du S1 où que les entreprises se montrent peu enclines à emprunter à nouveau, le manque de liquidité pourrait se faire rapidement ressentir, confirme Ana Boata, directrice des recherches macroéconomiques d’Euler Hermes. Nous estimons qu’en zone euro, en France et en Allemagne, 1 entreprise sur 4 pourrait être en situation de crise de trésorerie l’année prochaine, c’est-à-dire en manque de liquidités pour garantir le bon fonctionnement de l’activité ».
Le chiffres d’affaires cumulé des entreprises non financières exposées à une telle crise de trésorerie atteint 4300 milliards d’euros au niveau de la zone euro, dont 860 milliards pour la France. Des chiffres considérables qui militent pour un maintien des mesures d’aide fiscale et financière jusqu’à la fin de l’année prochaine – voire des annulation de dette fiscale comme le suggère Euler Hermes-, alors que dans la plupart des pays de la zone euro, y compris en France, les mesures des plans de soutien sont prévues pour prendre fin au printemps 2021.
C.G.