En juin dernier, la Commission européenne a lancé un chantier majeur avec la révision de la politique commerciale européenne qui doit aboutir, début 2021, à la publication d’une nouvelle stratégie de l’Union européenne (UE) pour les prochaines années. La France, par la voix de Franck Riester, ministre délégué en charge du Commerce extérieur, a remis vendredi 20 novembre les propositions de la France.
On y retrouve notamment les éléments de langage des déclarations des responsables français sur les exigences en matière de sécurité des approvisionnements stratégiques, de réciprocité sur le plan des règles de concurrence et d’accès aux marché, mais aussi de lutte contre le changement climatique et de développement durable (taxe carbone aux frontières, lutte contre la déforestation importée…), de sauvetage du multilatéralisme (modernisation de l’Organisation mondiale du commerce). Sur le plan géographique, trois priorités sont mises en avant : la relation UE/États-Unis (à reconstruire), la relation UE/Chine (plus de réciprocité) et la relation future avec le Royaume-Uni (basée sur un level playing field équitable).
Voici les principaux axes :
1/ Garantir l’autonomie
– Construire une stratégie d’approvisionnement résiliente en quatre temps : diversifier, stocker, recycler, relocaliser, c’est-à-dire assurer une offre minimale européenne pour certains produits.
– Lutter contre les fuites de carbone par la mise en place au plus tard en janvier 2023 d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) compatible avec les règles de l’OMC.
– Mettre en place des clauses miroir pour appliquer aux produits importés les mêmes standards de production sanitaires et environnementaux que dans l’UE.
– Adopter une initiative législative européenne sur la déforestation importée.
– Mettre en place un plan d’action européen en matière de conduite responsable des entreprises.
– Faire de l’Accord de Paris un élément essentiel des futurs accords de commerce.
– Introduire dans les accords de commerce des conditionnalités tarifaires ciblées et la faculté de sanctionner le non-respect des engagements en matière de développement durable.
– Rehausser les engagements demandés aux pays bénéficiaires du système des préférences généralisées (SPG).
2/ Assurer une concurrence équitable avec les pays tiers
– Doter le procureur commercial européen d’une feuille de route globale pour défendre les intérêts européens contre les pratiques commerciales déloyales. Cela passe par une facilitation du traitement des plaintes, y compris de la société civile et y compris en matière de développement durable.
– Débloquer les discussions sur l’instrument international sur les marchés publics pour obtenir de la réciprocité dans l’accès aux marchés publics.
– Se doter d’outils pour lutter contre les effets distorsifs des subventions versées par les Etats tiers, et mieux coopérer en matière de financements export au niveau européen.
– Se doter d’un instrument « anti-coercition » pour dissuader toute tentative de coercition de la part d’un Etat-tiers.
– Nommer un représentant spécial européen pour les sanctions extraterritoriales et réviser le règlement européen de blocage pour le rendre plus efficace.
3/ Moderniser l’OMC
– Renforcer les règles qui encadrent les subventions industrielles distorsives.
– Répondre aux enjeux actuels : intégrer l’action climatique et les objectifs de développement durable dans les règles de l’OMC ; se doter de règles en matière de commerce électronique.
– Débloquer l’organe d’appel et rétablir la fonction de règlement des différends de l’OMC.
4/ Mettre en œuvre un agenda en matière de développement durable
– Reconstruire graduellement la confiance dans les relations commerciales entre l’UE et les États-Unis.
– Dans les négociations UE – Chine sur l’investissement, obtenir davantage de réciprocité dans l’accès au marché et les conditions de concurrence sur le marché chinois, mais aussi des engagements sur le développement durable (y compris le droit du travail) et la protection de l’investissement.
– Assurer le level playing field dans le cadre du futur accord avec le Royaume-Uni, notamment en matière d’aides d’Etat, ainsi que de normes sociale, environnementale et sanitaire, pour prévenir toute distorsion de concurrence aux portes du marché unique.
– Approfondir les liens commerciaux avec les pays du voisinage, en particulier les pays de la Méditerranée et renforcer le cadre des relations commerciales de l’UE avec les partenaires africains.
– Défendre une protection renforcée des indications géographiques.
– Définir un cadre multilatéral sur la protection des investissements, à même d’assurer un juste équilibre entre le droit légitime des états à réguler et les responsabilités sociale et environnementale des investisseurs, incluant la création d’une Cour multilatérale d’investissement.
– Améliorer les études d’impact des accords commerciaux : intégrer des chiffrages sectoriels et régionaux précis, intégrer les implications environnementales et sociales, etc.
– Mieux prendre en compte les produits sensibles agricoles et promouvoir des clauses de sauvegarde efficaces dans les accords.
– Définir une « enveloppe globale » de concessions soutenables pour chaque filière agricole sensible, dans laquelle doivent s’inscrire les ouvertures tarifaires, en cohérence avec les priorités de la PAC.
– Publier systématiquement les mandats de négociation adoptés par le Conseil.
– Organiser des évènements pour améliorer la compréhension de la politique commerciale de l’UE et qui feront remonter les préoccupations des parties prenantes.