Depuis 2019, les grands groupes tricolores enchaînent les contrats de conseil et d’expertise auprès de l’administration publique et des entreprises de l’Ouzbékistan, profitant de l’ouverture aux investissements étrangers de cette économie d’Asie centrale depuis 2017.
Carrefour ouvre coup sur coup aujourd’hui (14 janvier) et le 21 janvier à Tashkent, deux supermarchés, après avoir lancé son premier magasin dans la capitale ouzbèke le 24 décembre dernier, qui marque l’entrée du premier grand distributeur international en Ouzbékistan et même en Asie centrale.
Au total, l’enseigne tricolore ouvrira d’ici à 2022, cinq supermarchés et deux hypermarchés à Tachkent, sous la franchise du groupe émirati Majid al Futtaim, spécialisé dans le commerce de détail et les centres commerciaux et de loisir. Ce développement commercial créera 2500 emplois directes et indirects et mobilisera quelque 600 fournisseurs locaux pour approvisionner les magasins Carrefour.
Le marché de Rungis développe un réseau de marchés de gros
De son côté, la Semmaris, gestionnaire et exploitant du marché d’intérêt national de Rungis, a signé le 9 décembre dernier en présence « distancielle » du ministre ouzbèke de l’Agriculture et de Franck Riester, le ministre français du Commerce extérieur, un accord-cadre avec la république d’Ouzbékistan, portant sur la création d’un réseau de marchés de gros de fruits & légumes, notamment dans les villes de Tachkent, Samarcande et d’Andijan.
« Nous apporterons une assistance exclusive et stratégique de conseil et d’expertise pour développer sur deux à trois ans, 8 hubs agro-logistiques à travers le pays, dont trois marchés de gros, pour un contrat de 15 millions d’euros. Nous serons en quelque sorte consultant et assistant à maîtrise d’ouvrage du gouvernement ouzbèke sur ce projet » précise Stéphane Layani, président de la Semmaris.
Ce futur réseau d’infrastructures agro-logistiques est destiné à traiter 3 millions de tonnes de fruits & légumes par an et devrait contribuer à structurer une filière agricole ouzbèke encore occupée en partie par des marchés informels. « L’Ouzbékistan s’est engagé dans une politique de développement agricole ambitieuse d’ici à 2030, qui passe par la modernisation de ses infrastructures logistiques, dont la mise à niveau permettra d’éviter de perdre 30 % de 20 millions de fruit & légumes lors de leur collecte et leur stockage » indique le dirigeant français.
Futur grand pôle d’attraction en Asie Centrale
Avec l’arrivée au pouvoir fin 2016 de Shavkat Mirzioïev dans cette ex-république soviétique, le pays le plus peuplé d’Asie centrale (34 millions d’habitants) a radicalement changé de cap pour s’affranchir d’une gestion postsoviétique et protectionniste de son économie.
Le président Mirzioïev a relancé l’économie nationale en l’ouvrant aux investissements internationaux et aux capitaux étrangers grâce à la privatisation de pans entiers de son économie. Du coup, tous les yeux sont rivés sur l’Ouzbékistan susceptible de devenir le grand pôle d’attraction de l’Asie Centrale. Et sa stratégie attise la convoitise des investisseurs étrangers, notamment français.
Une carte à jouer dans le conseil sur des projets à long terme
« Parmi toutes les sociétés étrangères, chinoises, russes, turques, allemandes, italiennes…qui évoluent désormais dans le pays, les entreprises françaises ont une carte à jouer dans le conseil et l’expertise sur des projets à long terme » estime Pierre Dirrig, Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) et secrétaire du club d’affaires France-Ouzbékistan (www.cafu.uz).
Les grands groupes tricolores l’ont bien compris et enchainent les contrats de la sorte depuis 2019.
Ainsi, Suez a remporté en juin 2020 un contrat de 142 millions d’euros d’une durée de 7 ans auprès de la municipalité de Tachkent, du ministère du Logement et des services communaux, pour moderniser les réseaux d’eau potable et d’assainissement de la capitale ouzbèke et accompagner la compagnie des eaux de Tachkent, Tashkent Shahar Suv Taminoti (TSST) dans l’optimisation de la gestion de ces réseaux, en conformité avec les normes internationales.
« Ce contrat comprend la mise en œuvre de solutions intelligentes de gestion de l’eau et le transfert de compétences aux collaborateurs de TSST. Ce partenariat est basé à la fois sur une approche innovante de cogestion de TSST et sur un suivi étroit de la création de valeur » explique Eric Ghebali, directeur du développement international de Suez.
Le groupe tricolore créera notamment une académie de l’eau “Uzbekistan Water Academy” qui assurera la formation de milliers de professionnels de l’eau ouzbeks afin de renforcer leurs compétences et former la prochaine génération de gestionnaires et spécialistes de l’eau du pays. Projet pilote de modernisation du secteur de l’eau en Ouzbékistan, il représentera un fleuron pour la région d’Asie centrale.
Coentreprises et partenariats public-privé
De même, Total Eren a signé en septembre 2019 un contrat d’achat d’électricité sur 25 ans et un accord de soutien gouvernemental pour démarrer son premier projet de centrale photovoltaïque.
D’une puissance de 100 MW, la centrale sera située dans la région de Samarcande et générera l’équivalent de la consommation d’électricité de 150 000 habitants. Bon point pour les français, il s’agit du premier projet d’énergie renouvelable à grande échelle et du premier projet en partenariat public-privé en Ouzbékistan.
C’est également en septembre 2019 que le français Assystem et le ministère de l’Énergie ouzbek ont officialisé la création d’une coentreprise visant à encadrer leur coopération dans la mise en œuvre de la transition énergétique du pays.
Assystem doit aider à concevoir, coordonner et gérer des projets permettant la mise en œuvre du nouveau mix énergétique du pays (nouvelles infrastructures de production, réseaux de transports et distribution d’électricité…).
Enfin, Orano a conclu en 2019 un accord de partenariat avec le comité d’État pour la Géologie et les ressources minérales (GoscomGeology), afin de développer des activités d’exploration et d’exploitation minières en Ouzbékistan. Les deux partenaires ont créé une société commune détenue à 51% par Orano et à 49% par GoscomGeology.
A l’avenir, les opportunités de conseil et d’expertise sur des projets à long terme ne manqueront pas pour les entreprises tricolores sur des secteurs porteurs comme l’agriculture, l’énergie, les minerais, le commerce de détail… et les infrastructures touristiques. En témoigne la création de l’hôtel Resort International de montagne « Beldersay-Chimgan-Nanay », portée par le consortium d’entreprises françaises Orex Loisirs, la Compagnie des Alpes, le bureau d’étude Geode et Egis.
Bruno Mouly
Pour en savoir plus :
-https://president.uz/en/lists/view/4074
-http://invest.gov.uz/invest-offers-taxonomy/investitsionnye-predlozheniya/
-http://invest.gov.uz/investor/putevoditel-dlya-investora/