A l’issue de son déplacement « virtuel » en Inde fin novembre, Franck Riester, le ministre chargé du Commerce extérieur et de l’attractivité de la France, a ouvert la deuxième édition du Forum Ambition India qui s’est tenue le 1er et le 4 décembre, au côté de Piyush Goyal, le ministre indien des Chemins de fer, du commerce et de l’industrie. Objectif : renforcer le lien commercial bilatéral.
Lors de cet évènement d’affaires de référence franco-indien, les deux ministres ont rappelé leur volonté de continuer à approfondir le partenariat économique entre les deux pays. À l’occasion de la réunion de la Commission mixte franco-indienne sur le commerce et l’investissement, ils ont notamment mis en place un mécanisme de « Fast Track » qui permettra d’examiner plus régulièrement les difficultés rencontrées par les entreprises françaises et indiennes afin d’y remédier rapidement.
En attendant, le forum Ambition India qui a donné lieu à de riches échanges lors de multiples tables rondes entre dirigeants d’entreprises des deux pays, a permis en premier lieu de dresser une photographie de la conjoncture économique indienne à l’heure de la Covid-19.
Le contrat Rafale donne une excellente image de l’industrie française
Selon Françoise Huang, économiste pour l’Asie-Pacifique chez Euler Hermès, « l’économie indienne a été en récession en 2020 avec un PIB qui devrait chuter de 10 % ». Mais elle prévoit un rebond en 2021 « avec une hausse du PIB estimée à +9,7 % et à +6 % en 2022 ». « Le gouvernement veut faire redémarrer l’activité économique coûte que coûte en ouvrant les vannes du déconfinement dans certaines grandes agglomérations, notamment dans la capitale New Delhi » observe Eric Fajole, directeur régional (Inde, Sri Lanka et Bangladesh) de Business France.
Si elles ont souffert, les entreprises françaises opérant en Inde ont cependant été résilientes à la crise sanitaire. « Aucune entreprise française sur place n’a fermé » assure Eric Fajole. Ces filiales françaises ont même pris une certaine Aura aux yeux des indiens, suite aux premières livraisons cet été des avions de combat Rafale de Dassault à l’armée indienne. « Ces contrats de défense passés entre les deux pays donnent une excellente image de l’industrie française » glisse Eric Fajole.
Du coup, la France et l’Inde cherchent à nouer de nouvelles alliances stratégiques et industrielles, associant la French Fab au Make In India. Beaucoup de projets émergent notamment dans l’automobile et l’aéronautique.
Le nouveau challenge des véhicules électriques
Le secteur automobile repart à l’image des usines Renault et de Citroën à Chennai (ex-Madras, sud-est de l’Inde). Citroën va lancer en 2021, son premier modèle sur le marché indien. La France dispose d’ailleurs dans le pays de toute la filière, avec la présence des équipementiers Valeo, Faurecia, Plastic Omnium…
Il faut dire que l’industrie automobile en Inde est l’un des principaux moteurs de l’économie. Elle représente environ 7 % du PIB du pays et 24,97 millions de véhicules, y compris les véhicules passagers, les deux-roues, les véhicules utilitaires et les trois-roues. Les ventes de voitures sont soutenues et son industrie est favorisée par la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée à faible coût, des centres de R&D robustes et une production d’acier à faible coût.
« Le secteur automobile devrait connaître un nouveau challenge, celui des véhicules électriques » révèle Eric Fajole. « Les ventes de deux roues électriques démarrent fort conformément à la volonté du gouvernement qui veut convertir la totalité des véhicules urbains en électrique d’ici à 2030 » ajoute Mahesh Babu, directeur général de Mahindra Electric, constructeur indien de véhicules électriques.
Villes et transports, secteurs porteurs
Tout ce qui est lié à la ville et aux transports représente d’ailleurs un potentiel de croissance pour les entreprises tricolores. Egis, Systra, entre autres, sont particulièrement bien placés dans l’ingénierie des transports urbains, notamment les métros et tramways.
Alstom l’est dans le matériel roulant. D’autant que l’Inde se met à la grande vitesse ferroviaire avec un projet pharaonique. La construction de la première ligne à grande vitesse du pays, entre Mumbai-Ahmedabad, devrait être finalisée en 2023 pour un investissement estimé entre 12 et 15 milliards de dollars US ! Le projet concerne la réalisation de 535 kilomètres entre les deux villes qui seront reliées en 2 heures, contre 7 heures actuellement sur la ligne classique.
Il y a aussi beaucoup à faire dans le domaine de la Ville intelligente et durable. L’Agence Française de développement (AFD) est très active dans le domaine. « Une douzaine de villes indiennes projettent de devenir des Smart Cities depuis 2015. Nous assurons ces projets en coopération avec le gouvernement indien et faisons office de relais pour les entreprises tricolores intéressées à y participer. Ces projets qui se font sous forme de partenariat public-privé, offrent de belles opportunités dans les services publics de mobilité urbaine durable » expose Bruno Bosle, directeur de l’AFD Inde.
Digitaliser l’économie
Mais l’Inde veut avant tout devenir un acteur mondial majeur du numérique. Or, les entreprises tricolores ont un rôle important à jouer dans la digitalisation de l’économie indienne.
De grands noms comme Cap Gemini, Atos ou Dassault Systèmes sont massivement implantés dans le pays. « Nous participons à la digitalisation des entreprises indiennes, grâce à nos centres d’expertise de développement de logiciels pour le marché national et international. On numérise par exemple les process industriels d’une entreprise indienne de santé de la conception à la production des produits » indique Florence Verzelen, vice-présidente Industry Solutions de Dassault Systèmes.
Les Français ont également de belles opportunités à prendre dans l’énergie nucléaire civile. L’Inde se tourne désormais vers les fournisseurs français (et américains), en vertu d’accords bilatéraux passés dans le domaine. Le développement du nucléaire civil pourrait s’accélérer dans les prochaines années, avec à la clé la perspective de beaux contrats pour les entreprises françaises.
Bruno Mouly