Pandémie de Covid-19 oblige, c’est une visite tout à fait inédite qu’a effectué le ministre du Commerce extérieur Franck Riester aux États-Unis le 22 octobre dernier puisqu’elle s’est déroulée en mode totalement virtuel.
A quinze jours d’une élection présidentielle encore incertaine, même si le candidat démocrate Jo Biden est donné favori par les instituts de sondage face à Donald Trump, il s’agissait pour le ministre français de prendre langue avec les milieux économiques français et américains sur place et de passer quelques messages sur le commerce et l’attractivité « dans un pays qui est un partenaire essentiel de la France en matière de Commerce » a souligné le ministre lors d’un point presse avec quelques journalistes.
Le premier partenaire commercial après l’Union européenne
Quelques chiffres en témoignent : avant la crise sanitaire mondiale, les échanges commerciaux de biens et services entre la France et les États-Unis étaient florissants, avec une hausse de 17 % en 2019, à 150 milliards de dollars (Md USD). Malgré un climat commercial empoisonné par l’agressivité commerciale de l’Administration Trump.
Les États-Unis sont le premier partenaire commercial de la France hors de l’Union européenne : avec des exportations de biens en progression de 9,7 % (42,1 Md EUR) en 2019, le solde commercial a été excédentaire de 2,7 Md EUR pour la France.
Les stocks d’investissements croisés s’élèvent à près de 400 Md USD. Les 4 800 filiales d’entreprises françaises implantées aux États-Unis emploient aujourd’hui près de 735 000 personnes, faisant de la France le quatrième employeur étranger du pays, alors que l’on dénombre près de 500 000 emplois créés au sein des 4 500 filiales d’entreprises américaines basées en France.
Un programme de rencontres très business
Au programme de cette journée commencée à 12H30 heure de Paris -soit 06H30 sur la côte Est américaine- et ponctué par un déjeuner et un diner en présentiel à Paris avec des représentants institutionnels franco-américains, le premier temps fort a été un conseil économique organisé par l’Ambassade de France à Washington qui a réuni en visioconférence les représentants de la Team France export aux États-Unis autour des enjeux du plan de relance français et de la situation économique.
Autre temps fort, une table-ronde virtuelle organisée avec l’US Chamber of Commerce qui a mis en contact avec le ministre une quinzaine d’entreprises américaines investies en France et les dirigeants de la Chambre en charge des affaires européennes*.
Le thème de l’attractivité a été ensuite au centre d’un entretien virtuel avec Erik Peterson, Partner & Managing director du Global Business Policy Center du cabinet de conseil Kearney, qui met la France au 5ème rang de son classement annuel.
« Nous voulons une désescalade »
Interrogé par les journalistes sur son ressenti en matière de climat des affaires transatlantique à l’issue de cette journée, alors que l’Union européenne subit des sanctions commerciales de la part des États-Unis (contentieux sur l’acier et Airbus / Boeing) et s’apprête elle-même à en appliquer dans le cadre d’une autre procédure sur aéronautique à l’OMC dont elle est sortie victorieuse, Franck Riester a rappelé la position française et européenne : « Nous voulons une désescalade », mais « nous voulons aussi la réciprocité » a-t-il souligné.
Autrement dit, si les États-Unis restent sourds aux propositions européennes de négocier un accord pour mettre fin à la surenchère des taxes dans le contentieux Airbus / Boeing, l’Union européenne appliquera des droits de douanes supplémentaires sur 4 milliards de dollars d’importation américaines, comme l’y autorise l’OMC. « Dans les jours qui viennent, nous allons décider quand, pour quels produits, et à quels tarifs l’Union européenne appliquera de nouvelles taxes sur les importations américaines » a indiqué le ministre.
Même posture sur la taxe sur les entreprises du numérique, dont le dossier s’est enlisé à l’OCDE en partie en raison de la crise sanitaire : « si les Etats-Unis mettent en application les mesures de rétorsion en janvier 2021, nous rétorqueront immédiatement ». Pour rappel, Washington avait suspendu jusqu’au 6 janvier 2021 ses mesures de rétorsion contre la France sur la taxe « Gafa » à la suite d’un accord avec Paris.
Qu’attendre de l’élection américaine du 3 novembre ? Le ministre, qui s’est gardé de tout pronostic, s’est contenté de déclarer : « En France, nous pensons que, que ce soit Trump ou Biden qui l’emporte, il devra créer les conditions d’une désescalade ».
Christine Gilguy
*Marjorie Chorlins, Senior Vice President, European Affairs; Garrett Workman, Senior Director, European Affairs; Robert Grant, Senior Director, Global Initiative on Health and the Economy; Clara O’Dea, Manager, European Affairs.