La pandémie liée à la Covid-19 a accru le risque politique dans certains pays en Amérique du sud, en Afrique et en Asie centrale et a creusé les inégalités entre eux et les pays riches. Tels sont les principaux enseignements que l’on peut tirer à la lumière de la dernière étude du marché de l’assurance-crédit en 2020* réalisée et présentée le 2 novembre dernier par Aon France, filiale du spécialiste mondial du conseil en gestion des risques.
« La grande difficulté de certains États africains comme le Congo Brazzaville, le Nigéria et l’Algérie ou d’Amérique latine comme l’Equateur à faire face à l’épidémie de coronavirus, par manque de moyens financiers et hospitaliers, a suscité de fortes tensions sociales qui ont augmenté le risque politique dans ces pays » indique Jean-Baptiste Ory, directeur des risques politiques chez Aon France.
Des pays déjà fragilisés par la chute du prix du pétrole
Ces pays avaient déjà été fragilisés par leur dépendance au cours du baril du pétrole, qui s’est effondré en mars 2020.
« Pénalisés par la chute du prix du pétrole en début d’année, ces pays auxquels on peut ajouter l’Irak et le Kazakhstan, ont été pris en étau entre leurs difficultés structurelles et la crise sanitaire. Ils ont été d’autant plus touchés par la pandémie qui a rajouté de la crise à la crise et qui a creusé davantage les inégalités avec les pays riches » ajoute Louis Bollaert, directeur crédit, risques politiques et solutions M&A d’Aon France.
Certes, les pays occidentaux comme la France et les États-Unis qui ont subi des mouvements sociaux d’envergure comme les gilets jaunes ou celui de Black Live Matters ont vu leur risque politique légèrement augmenter, mais leur capacité à faire face à la crise sanitaire l’a fortement réduit.
Le protectionnisme, lui, reste un vrai risque. « En revanche, l’accroissement du protectionnisme aux États-Unis et surtout au Brésil fortement influencé par la pandémie de Covid-19, peut être considéré comme un risque politique qui ne dit pas son nom. Et l’élection de Joe Biden ne devrait pas changer la donne de l’économie américaine qui restera protégée et en guerre douanière avec la Chine » souligne ainsi Jean-Baptiste Ory.
Les assureurs-crédit continuent à soutenir les industriels au grand export
Pourtant, dans une conjoncture économique mondiale 2020 déprimée où le PIB mondial devrait décroître de 4,5 %, le volume des échanges mondiaux se contracter de 15 % et les faillites d’entreprise grimper de plus de 30% sur le plan mondial, selon l’étude d’Aon France, les trois principaux assureur-crédit de la planète Euler Hermes, Atradius et Coface, ont abordé la crise sanitaire en bonne santé financière. Mais ils ont procédé à de nombreux arbitrages.
« Avec la hausse des risques, les assureurs-crédit rémunèrent cependant moins proportionnellement le risque qu’ils prennent. Ils ont réduit, et parfois coupé leurs garanties. A terme, les tensions sur les garanties et les cautions peuvent menacer la trésorerie et la survie des entreprises » explique Louis Bollaert.
Les assureurs-crédit ont néanmoins continué à suivre et à soutenir les industriels français au grand export, moyennent des primes d’assurance plus élevées. Ils ont été aussi plus frileux pour accompagner les primo-exportateurs. « L’Etat se substitue aux assureurs-crédit grâce son dispositif de soutien Cap Export pour accompagner les exportations de court-terme sur les risques les plus élevés » relève-t-il, faisant allusion au mécanisme de réassurance Cap Francexport mis en place dans le cadre du plan de soutien du gouvernement.
Reprise de forts volumes d’exportation vers l’Asie
Deux phénomènes positifs ont néanmoins émergé en cette année morose, selon les experts d’Aon.
Premier élément positif : les entreprises ont su s’adapter à la crise sanitaire en maîtrisant de nouveau leur supply chain mondiale dans leur activité d’export lointain en résolvant rapidement leur désorganisation initiale.
Deuxième élément positif : une certaine reprise de l’export. « On peut aussi constater une reprise de très gros volumes d’export vers l’Asie, notamment en Inde, au Pakistan, en Asie du sud-est et en Chine, qui résultent d’un début de saturation des marchés du Moyen-Orient et d’Afrique et de l’absence de seconde vague de coronavirus dans les pays asiatiques » conclut Louis Bollaert.
Bruno Mouly
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