Le trafic maritime – et la pollution qu’il engendre – a connu une croissance sans précédent depuis le début des années 1990 révèle une étude publiée par l’Ifremer (Institut de recherche pour l’exploitation de la mer) dans la revue scientifique Geophysical Research Letters, reposant sur l’analyse de 20 ans de données satellite. Le terme « trafic maritime » correspond, dans cette étude, à la densité de bateaux, c’est à dire leur nombre sur mer par unité de surface, et n’est pas restreint au transport de marchandises et de passagers, précise un communiqué de cet Institut français dont le siège est à Issy-les-Moulineaux.
Sur la période 1992-2012, l’analyse des données de 7 satellites montre une forte augmentation du trafic maritime, précise le communiqué. « La densité de bateaux, c’est-à-dire leur présence en mer, a pratiquement quadruplé. La pression s’est particulièrement accrue dans l’océan Indien, notamment dans le golfe du Bengale et la mer d’Arabie et dans les mers de Chine» indique Jean Tournadre, chercheur au laboratoire d’Océanographie Spatiale du centre Ifremer Bretagne à Brest, qui a réalisé cette étude inédite.
L’augmentation la plus marquée a été localisée dans l’océan Indien, avec une hausse du trafic de l’ordre de 300% en 20 ans; dans les autres bassins, en particulier l’Atlantique nord, le Pacifique nord et la Méditerranée, la hausse du trafic reste importante avec un taux de croissance compris entre 100% et 200%, indique le communiqué. Toutes les routes maritimes (même celle des bateaux de croisière entre l’Europe et les Caraïbes) connaissent une croissance significative. Seule exception, selon le document, le large de la Somalie, où la piraterie a pratiquement stoppé le trafic depuis 2006.
Autre enseignement de cette étude, les fluctuations du trafic en fonction de la conjoncture : « Les données satellites permettent une analyse fine de l’évolution de la densité de bateaux. Ces données illustrent également le changement du rythme de croissance de l’ordre de 6 % entre 1992 et 2002, jusqu’à 8% à 10% par an entre 2002 et 2012, ainsi que la quasi stagnation durant la crise économique de 2008-2009 », remarque encore Jean Tournadre, cité par le communiqué.
Mais surtout, l’impact environnemental du trafic maritime est ainsi mesurée de façon plus précise. «Le trafic maritime est la cause principale de pollution atmosphérique en océan ouvert, explique le chercheur dans le communiqué de l’Ifremer. Ainsi sur la route Sri Lanka-Sumatra-Chine, une des plus fréquentée au monde, la concentration atmosphérique en NO2 mesurée par satellite a augmenté de 50% entre 1997 et 2010. En pleine mer, les bateaux constituent le vecteur majeur de pression anthropique sur le milieu, que ce soit en terme de pollution atmosphérique et sonore (important pour les mammifères marins notamment), ou d’impact sur les écosystèmes. Il est donc primordial de pouvoir quantifier aussi précisément que possible l’évolution du trafic. Notre étude est la première qui présente un état des lieux mondial de la navigation maritime sur une longue période».
A noter que ce niveau d’analyse a été rendu possible grâce à l’altimétrie satellite, une technique radar habituellement utilisée pour mesurer par satellite le niveau de la mer, les courants océaniques et la topographie du fond de l’océan. «Pour étudier les icebergs, nous utilisons déjà une méthode similaire de traitement des données de missions altimètriques passées et présentes. Nous avons réalisé que nous pouvions aussi utiliser ces données altimètre pour analyser l’évolution du trafic des navires et donc de la pression anthropique sur l’océan, » souligne Jean Tournadre.
Pour en savoir plus, cette étude est consultable en accès payant :
-Sur le site de Geophysical Research Letters,
-Sur le site de notre confrère l’antenne.com