L’essoufflement de la Chine – la croissance chinoise devrait ralentir à +6,5 % en 2016 contre +6,9 % en 2015, son rythme le plus lent depuis 25 ans – va peser en 2016 et 2017 sur l’activité économique de Hong Kong, Taïwan et Singapour, comme le démontre la nouvelle étude publiée le 29 août par Euler Hermes, intitulée « Trois tigres asiatiques pris dans le typhon chinois ».
La croissance de l’activité de ces trois économies sera notamment freinée par le fléchissement de la demande extérieure, en particulier chinoise. En Chine, la demande intérieure, pilier clé de l’économie, s’annonce décevante, notamment en raison du ralentissement de l’investissement privé et du commerce. Par ailleurs, avec le rééquilibrage en cours de l’économie, les fournisseurs locaux vont remplacer les fournisseurs étrangers.
La croissance respective de ces trois marchés devrait donc être inférieure à 2 % cette année et la suivante, estime la société d’assurance-crédit, « soit un rythme nettement inférieur à leur moyenne de long terme» qui se situe aux alentours de 3,5 %.
Singapour tire son épingle du jeu, Hong Kong et Taïwan plus vulnérables
La baisse de la demande extérieure sera le principal frein pour les trois « tigres » car ils sont « très sensibles aux variations du commerce mondial par leur taille modeste et leur ouverture accrue », souligne l’étude. Dans ce contexte, Euler Hermes prévoit que Hong Kong, Taïwan et Singapour, dans cet ordre, vont voir reculer leurs exportations de biens et de services (tourisme et services financiers), ainsi que leurs ventes au détail.
Hong Kong est dans l’œil du cyclone : les exportations de biens vers la Chine représentent 88 % de son PIB. « Et le HKD (dollar de Hong Kong) est trop fort pour permettre à Hong Kong de regagner en compétitivité », analyse Mahamoud Islam, économiste Asie chez Euler Hermes, cité dans un communiqué.
Au cours des dernières années, Hong Kong n’a pas saisi l’opportunité de se diversifier « et a même perdu son avantage concurrentiel dans le secteur électronique, se concentrant sur ses complémentarités avec la Chine continentale (commerce de détail haut de gamme, secteur financier et activités logistiques) », constate Euler Hermes dans son étude.
Cependant, nuance l’assureur-crédit, la qualité de l’environnement des affaires, la forte ouverture financière et les solides compétences devraient permettre à Hong Kong de conserver sa position de centre financier stratégique pour les activités liées à la Chine. Même si « son extrême concentration (finance et Chine) accroît sa vulnérabilité ».
À Taïwan, la baisse de la demande chinoise, exacerbée par des relations politiques tendues entre les deux pays, et la forte concurrence sur les prix des marchés voisins (dont la Corée du Sud et la Chine) sont, d’après l’assureur-crédit, les deux principaux risques à surveiller.
Bien que la demande chinoise ne représente qu’environ 15 % du PIB taïwanais, Taïwan est confronté à la concurrence directe principalement dans l’électronique, la Chine ayant décidé de développer de nouvelles industries plus compétitives et à plus forte valeur ajoutée.
De son côté, Singapour apparaît comme l’économie la mieux placée. L’archipel bénéficie de liens économiques diversifiés (États-Unis, Japon, Chine, Asean et UE), d’un solide écosystème d’innovation (notamment universitaire) et d’un excellent environnement des affaires – l’économie arrive une nouvelle fois en 2016 en tête du classement Doing Business sur la facilité de faire des affaires établi par la Banque mondiale. La cité-État bénéficie également, comme le souligne l’étude, d’infrastructures logistiques de premier plan. Singapour abrite par ailleurs des sociétés leaders dans le secteur biotechnologique et pharmaceutique, ainsi que dans l’électronique.
De plus, les autorités continuent d’investir en infrastructures matérielles et immatérielles, en partenariats économiques (par exemple avec l’Afrique) et dans la stabilité de l’image du marché, ce qui devrait garantir la position de hub stratégique de Singapour.
Mais Hong Kong et Taïwan sont plus sensibles à la Chine tandis que Singapour dépend plus de l’Asean, observe l’étude. En 2016, les défaillances d’entreprises devraient augmenter respectivement de +15 % à Singapour et à Hong Kong, et de +17 % à Taïwan, d’après les prévisions de la société d’assurance-crédit. « Rien ne permet de prévoir un changement de la situation à court terme », conclut Mahamoud Islam.
Face à ce ralentissement, les gouvernements de Hong Kong et de Singapour ont déjà dévoilé des mesures de soutien à l’économie (aide aux PME, aux ménages…), qui devraient donner un coup de pouce respectif de 1,1 point de PIB aux deux économies en 2016. À plus long terme, la pérennité de la croissance économique des trois « tigres asiatiques » dépendra de leur capacité à se différencier. Hong Kong n’a pas saisi l’opportunité de diversifier son économie et de progresser le long de la chaîne de valeur tandis que Singapour cherche pour sa part à améliorer encore son agilité et sa logistique commerciale afin de garantir sa position de hub stratégique. Enfin, Taïwan mise sur le développement de l’aval de la chaîne de valeur de ses secteurs de pointe, notamment l’électronique (des composants téléphoniques aux téléphones par exemple), et la diversification de ses partenaires.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez l’étude de Euler Hermes en fichier PDF ci-joint