Quand les États-Unis toussent, la croissance mondiale aussi ! Et de fait, dans ses dernières perspectives mondiales, le Fonds monétaire international (FMI) explique qu’elle devrait atteindre 3,3 % en 2015, soit un taux légèrement inférieur à celui observé en 2014 (+3,4 %), et surtout plus faible qu’anticipé il y a quelques mois, alors que le Fonds misait sur + 3,5 %.
En cause : une « contraction inattendue de la production aux États-Unis » et de ses effets négatifs sur ses deux partenaires de l’Association de libre-échange nord-américaine (Alena), Canada et Mexique. S’y ajoutent, selon le FMI, tout une série de « facteurs exceptionnels » aux États-Unis – hiver rigoureux, fermeture des ports ou encore « forte baisse » des dépenses d’équipement dans le secteur pétrolier – qui y ont freiné l’activité.
Ces dernières semaines, de nombreux instituts d’analyse ont revu à la baisse leurs prévisions en prenant aussi en compte le ralentissement de l’économie chinoise. Dans une note de conjoncture publiée le 15 juillet, l’Institut Coe-Rexecode a abaissé dès juin sa prévision de croissance mondiale à 2,9 % « prenant acte surtout d’un ralentissement plus marqué de l’économie chinoise » (contre une anticipation de + 3,2 % en mars). La Banque asiatique de développement (BAsD), dans ses dernières prévisions publiées le 15 juillet, pour sa part, a réduit ses prévisions en Asie pour prendre en compte le ralentissement des économies américaines et chinoises.
La baisse des cours du pétrole continue à peser sur les pays producteurs. Lors de la visite officielle à Paris d’Enrique Peña Nieto, le président du Mexique, du 13 au 16 juillet, le ministre des Finances, Luis Videgaray Caso, expliquait ainsi que son pays devait relever « deux défis » : « la baisse des cours du pétrole et donc des rentrées fiscales » et « la normalisation de la politique monétaire des États-Unis » qui devrait se traduire par « des taux d’intérêt plus élevés très rapidement ». Un « défi », a-t-il répété, pendant le Forum d’affaires France-Mexique, le 16 juillet, en rappelant que 80 % du commerce extérieur du Mexique est lié aux États-Unis et que le dollar s’est à la fois apprécié par rapport à l’euro et au peso mexicain. Luis Videgaray Caso craint dans l’avenir « un recul d’afflux d’actifs au Mexique ».
Accélération dans les pays avancés, croissance plus lente dans les Pem
Globalement, le FMI confirme « l’accélération progressive dans les pays avancés » qui tranche avec le « ralentissement dans les pays émergents et en développement ». C’est que, chez les premiers, les conditions favorables demeurent, « à savoir aisance des conditions financières, politique budgétaire plus neutre dans la zone euro, baisse des prix des carburants, regain de confiance et amélioration du marché de l’emploi ». Pour les seconds au contraire, les obstacles à une économie plus vigoureuse restent forts : baisse des prix des produits de base, durcissement des conditions de financement extérieur, goulets d’étranglement structurels, rééquilibrage de l’économie chinoise, difficultés économiques liées à des facteurs géopolitiques (instabilité en Ukraine, dans la zone Moyen-Orient-Afrique du Nord/Mena…).
Aux États-Unis, le FMI prévoit une croissance économique de 2,5 % en 2015 et 3 % en 2016, des taux parmi les plus élevés du monde occidental, avec ceux de l’Espagne – respectivement de + 3,1 % et + 2,5 % – et du Royaume-Uni – + 2,4 % et + 2,2 %. L’Allemagne ferait à peine mieux, avec + 1,6 % en 2015 et + 1,7 % l’année suivante, que la moyenne de zone euro – respectivement + 1,5 % et + 1,7 %. Le Mexique est, pour sa part, crédité de + 2,4 % pour l’année en cours et + 3,0 pour la suivante.
Vers un renforcement de l’activité en 2016
Toutefois, prévoyant une amélioration de la situation en Russie et dans la région Mena en 2016, le FMI estime que la croissance dans les pays émergents et en développement « devrait remonter à 4,7 %».
Dans les pays avancés, elle passerait de 2,1 % en 2015 à 2,4 %. Ce qui fait que finalement la croissance mondiale « devrait s’affermir pour atteindre 3,8 % » l’an prochain.
Après – 3,4 % en 2015 en Russie, la croissance économique devrait y enregistrer un petit + 0,2 % l’an prochain, ce qui restera, cependant, un niveau très éloigné de ceux des autres grands émergents : le Brésil – respectivement – 1,5 % et + 0,7 % – et surtout la Chine – + 6,8 % et + 6,3 % – et enfin l’Inde champion toute catégorie avec + 7,5 % les deux années.
Pour l’Asie, la BAsD est sur les mêmes tendances que le FMI : pour la Chine, elle prévoit +7 % en 2015 (contre une prévision de 7,2 % en mars) et + 6,8 % en 2016. Avec pour conséquences un ralentissement de la croissance dans toute la zone. La croissance économique anticipée dans toute l’Asie émergente en 2015 (hors Japon et Corée du Sud) tomberait ainsi à 6,1 % (au lieu de 6,3 % initialement prévu), dont + 4,6 % pour la zone Asie du sud-est (plombée par les performances moindres qu’attendues de Singapour, l’Indonésie, la Thaïlande) et +6,2 % pour l’Asie de l’Est (contre 6,5 % initialement prévu ). La zone Asie du Sud, tirée par les bonnes performances de l’Inde (+ 7,8 % prévu cette année) s’en sortirait mieux avec +7,3 % cette année (+7,6 % l’an prochain). Toutefois, l’institution asiatique prévoit un rebond en 2016.
Malgré ses prévisions encourageantes pour l’année prochaine, le FMI pointe « des aléas» dont il faut tenir compte à court ou moyen terme, comme l’augmentation de la volatilité sur les marchés financiers, des variations perturbatrices des prix des actifs et le ralentissement de la croissance potentielle. Il estime que « la baisse des prix des produits de base représente un risque aussi pour les perspectives des pays en développement à faible revenu, après de nombreuses années de croissance vigoureuse ».
François Pargny et Christine Gilguy