Après avoir bénéficié ces dernières années de conditions de financements plutôt favorables, permettant à un certain nombre d’Etats d’Afrique sub-saharienne de contracter à nouveau des emprunts sur les marchés internationaux, certains d’entre eux vont devoir faire face à un durcissement des coûts du crédit ces trois prochaines années, entraînant une augmentation du fardeau de leur dette, prévoit l’agence de notation financière Standard & Poors (S&P) dans une étude publiée en décembre dernier*. Pour les exportateurs travaillant sur les marchés africains, un signal pour redoubler de vigilance en matière de risques financiers, en particulier à l’égard des clients du secteur public et para-public.
En effet, les deux facteurs qui avaient favorisé le renouveau des dettes souveraines africaines sur les marchés ont disparu : il s’agissait d’une part des politiques monétaires accommodantes mises en oeuvre par les pays industrialisés depuis la crise de 2008, avec des taux d’intérêt très bas, et d’autre part du haut niveau des cours mondiaux des matières premières dont nombre de pays africains sont producteurs, ce qui avait embelli leurs finances publiques. De nombreux autres pays en développement et émergents pâtissent d’ailleurs de cette conjoncture, en Amérique latine et en Asie, notamment.
De fait, la situation en ce début d’année 2016, est au contraire plutôt défavorable : la Fed américaine a donné, mi-décembre, le nouveau coup d’envoi à une remontée progressive des taux d’intérêt à l’échelle mondiale tandis que, à quelques exceptions prêt -le cacao, par exemple- toutes les matières premières ont subi une chute brutale de leur prix mondiaux l’an dernier, sous l’effet d’un ralentissement chinois qui ne semble pas cesser. Plombé en outre par une situation de surproduction chronique, le pétrole a ainsi perdu près de 40 % de sa valeur en 2014, passant de 60 à 36,7 USD.
Pour S&P, cela va entraîner, mécaniquement, une augmentation de la part des moyens financiers affectés par un certain nombre d’Etats africains au remboursement de leur dette au détriment des autres dépenses, notamment d’investissement. Deux séries de facteurs vont influencer cette hausse des dépenses liées à la dette extérieure, selon l’agence de notation financière :
-des facteurs internationaux que ne maîtrisent pas les Etats africains : la dévaluation de leurs monnaies à la suite de la chute de leurs revenus d’exportation de matières premières, qui a renchéri en 2015 le coût de leur dette extérieur libellée en devises, mais aussi entraîné une hausse des taux d’intérêt sur leur marché domestique. Mozambique, Zambie, Ghana, Angola et Sénégal sont les plus touchés, avec un fardeau de la dette qui a enregistré des hausses de l’ordre de 20 % du PIB (Mozambique) à 4 % du PIB (Sénégal, Angola); les taux d’intérêt locaux atteignent les deux chiffres pour de nombreux pays (plus de 20 % au Ghana !). Pour couronner le tout, la hausse des taux d’intérêt de la Fed américaine va renchérir les coûts de refinancement en USD;
-des facteurs domestiques : ils sont liés aux performances fiscales des Etats africains, plutôt faibles et très dépendantes des revenus liés aux matières premières. S&P anticipe d’ailleurs une dégradation des résultats budgétaires de 12 des 18 Etats d’Afrique sub-saharienne pour lesquels l’agence fournit une notation ces trois prochaines années, avec le maintien d’un haut niveau d’endettement : Kenya, Burkina Faso, Ethiopie, Cameroun, RDC, Nigeria, Ouganda, Botswana, Mozambique, Zambie, Gabon, Angola. Plus généralement, des arbitrages budgétaires difficiles devront être rendus pour faire face à ce défi financier, incluant d’éventuelles coupes dans les autres dépenses publiques.
D’où la conclusion plutôt pessimistes de S&P qui estime « que les Etats africains feront face à des choix politiques difficiles dans les prochaines années ».
C.G
*L’étude, intitulée « Sub-Saharan African Sovereigns To Face Increasingly Costly Financing « , a été publiée le 24 décembre 2015 et est accessible sur le site www.standardandpoors.com/ratingdirect. Une version en anglais figure dans le document Pdf attaché à cet article.