L’Asie, avec notamment l’Asean, demeurera la zone la plus porteuse en 2013, explique Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface, à l’occasion de la publication de l’ouvrage annuel de l’assureur crédit sur les risques pays et de son traditionnel colloque sur le panorama mondial des risques, aujourd’hui 22 janvier a Paris. L’Afrique affiche une bonne santé. Une santé que recouvre aussi peu à peu les États-Unis, alors que la zone euro restera enfoncée dans la crise.
Le MOCI. Pour sa croissance et ses échanges, le monde a pris l’habitude de compter sur les pays émergents. Quelle y sera l’évolution du risque pays en 2013 ?
Yves Zlotowski. Incontestablement, les économies émergentes ont globalement démontré une capacité supérieure à résister aux chocs extérieurs. La croissance et le commerce vont ainsi s’y accélérer et le risque sur les entreprises s’y améliorer. C’est ainsi que l’évaluation du risque établie par Coface passe de B à A 4 en Indonésie et de B à B avec surveillance positive aux Philippines [Coface note le risque pays de A à D, qui est le risque le plus élevé, NDLR]. Ces nations sont très résistantes en termes de croissance et de demande. Leur classe moyenne grandit, leur endettement et leurs problèmes bancaires diminuent. Je reste particulièrement très optimiste sur l’Asean qui améliore ses risques.
Le MOCI. Pour autant, il y a toujours des risques dans les pays émergents…
Y. Z. Oui. Les classes moyennes sont plus revendicatrices, elles se mobilisent pour leurs droits et contre la corruption. Elles exigent une meilleure gouvernance et veulent que l’Administration rende des comptes. La pression s’accroît et toute la question est de savoir si les institutions politiques peuvent répondre à la demande. Le printemps arabe a d’abord montré la révolte des peuples – des jeunes en particulier – sur la rive sud de la Méditerranée. Puis il y a eu des manifestations en Russie contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Et, enfin, l’Inde, avec de gigantesques manifestations contre la corruption et pour un changement sociétal.
Le MOCI. Ce sont les mêmes ingrédients que l’on retrouve en Chine…
Y. Z. Oui, sauf que dans ce pays où indéniablement les classes de moyennes ne cessent de grossir l’État a toujours agi jusqu’à présent en fin stratège. Ce n’est pas vrai dans tous les pays, mais en Chine les institutions sont solides et traitent les sujets, plus ou moins bien, mais les traitent. C’est le cas par exemple des inégalités entre les campagnes et les villes. De ce fait, la pression est moins forte, même si des tensions sociales existent. En revanche, la Chine affiche trop de surcapacités, il y a trop d’entreprises non viables et l’économie n’enregistre plus les 10 % de croissance annuelle d’avant la crise. Coface a maintenu la Chine en A 3. Le produit intérieur brut de ce pays devrait augmenter de 8,5 % cette année, mais tendanciellement on s’oriente vers 7 % par an et le gouvernement chinois devra dans les années futures apprendre à gérer une croissance plus faible.
Le MOCI. Autre pays asiatique, le Japon. Est-ce que la troisième puissance mondiale se relève de la série de catastrophes qui l’ont frappé ?
Y. Z. Coface a mis le Japon sous surveillance négative, tout en lui conservant la meilleure évaluation, donc A1. Le plan de relance, annoncé par le Premier ministre Shinzo Abe, est évidemment une bonne nouvelle et l’expérience montre que, même en période de récession, les entreprises japonaises paient. Reste que les PME nipponnes sont souvent fragiles, que les difficultés s’accumulent aussi pour les grandes entreprises, notamment dans l’électronique, secteur dans lequel elles sont confrontées à leurs concurrentes coréennes. En outre, la relation politique et économique avec la Chine est très importante. Or, si entre Tokyo et Pékin les rapports se durcissent, on peut s’attendre à ce que les exportations japonaises vers la Chine, qui ont déjà baissé, diminuent encore.
Le MOCI. Que pensez des États-Unis, dont l’économie reprend. Est-ce que ce grand pays est un bon risque ?
Y. Z. Coface estime que le risque est stable s’agissant des entreprises américaines qui sont la source de l’économie aux États-Unis. Nous avons donc maintenu ce pays en A 2. Pour autant, j’introduis un bémol : les PME y sont plus fragiles et plus inquiètes, parce que la dette américaine augmente et parce l’environnement politique leur paraît flou. Quant à la reprise économique, Coface est plutôt optimiste, même si la croissance va, selon nous, faiblir un peu, en passant ainsi à 1,5 % cette année au lieu de 2,3 % en 2012.
Le MOCI. L’Afrique a le vent en poupe, la zone euro se porte mieux. Quel est l’état des risques dans ces deux continents ?
Y. Z. L’Afrique réalise une performance enviable. Seuls pays dont l’évaluation est dégradée, la Côte d’Ivoire, qui tombe de D avec mise sous surveillance positive à D tout court, et l’Afrique du Sud, qui chute de A 3 à A 3 avec mise sous surveillance négative. C’est surtout dans la zone euro que se ressent encore la crise économique, même si le risque systémique financier est réduit ou les taux des prêts souverains se sont stabilisés, grâce à une intervention forte des institutions. Pour autant, tout risque n’est pas écarté et Coface estime que la zone euro sera en récession de 0,1 % cette année, après – 0,3 % en 2012. La note de l’Espagne et de l’Italie est dégradée. Elle passe de A 4 avec surveillance négative à B. A l’est, nous mettons sous surveillance négative l’évaluation A 3 de la République tchèque, la Slovénie et même la Pologne. Un pays qui paraissait jusqu’à présent peu touché par la crise, mais dont l’économie va maintenir ralentir, sous l’effet de la politique économique et financière trop rigide du gouvernement. Le secteur de la construction y est aussi en difficulté. Seul îlot de croissance en Europe, l’Islande reclassé en A 4 avec mise sous surveillance positive.
Le MOCI. Quel est l’état des entreprises en Allemagne ? Les instituts allemands annoncent une entrée en récession au premier trimestre puis un rebond. Et en France ? Les défaillances d’entreprises y augmentent, d’après le cabinet Altares.
Y. Z. Il y a un ralentissement de l’activité outre-Rhin, qui s’explique parce que l’Allemagne est très intégrée à la zone euro et que son modèle économique repose sur l’export. Parallèlement, le commerce est de plus en plus orienté vers les nations émergentes, ce qui est une force. Outre-Rhin, les entreprises, qui fonctionnent beaucoup par autofinancement, sont solides. J’introduis un petit bémol, avec les faillites de quelques grands noms, comme Schlecker dans la chimie ou Neckermann dans la distribution. Comme l’Allemagne, la France est classée en A 2, mais sous surveillance négative depuis trois mois. Ses entreprises sont moins profitables, elles sont sous-capitalisées. Effectivement, les défaillances ont augmenté. De 45 000 par an avant la crise, le compte est maintenant bloqué à 60 000. Maintenant de grosses entreprises sont touchées, comme Virgin et Surcouf dans la distribution et le groupe avicole Doux, alors qu’elles avaient globalement bien résisté à la première partie de la crise. De façon générale, la construction, l’agroalimentaire et la distribution souffrent en Europe. Parce que la consommation des ménages faiblit. Mais aussi en raison de problèmes structurels. Ainsi, en France comme en Allemagne, la distribution n’a pas toujours su réagir face à la montée du commerce en ligne.
Propos recueillis par François Pargny