À l’occasion de la 24ème édition de son colloque annuel sur l’évolution des risques pays dans le monde, ce 4 février à Paris, Coface a annoncé de nouveaux déclassements et reclassements de ses évaluations pays. Ces nouvelles évaluations* concernent notamment les économies d’Afrique et d’Amérique du Sud.
Pour comprendre ces changements d’évaluations de risques pays, il faut d’abord s’intéresser au contexte économique mondial. Les incertitudes liées aux tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis persistent. Certes, comme l’a rappelé Coface, le 15 janvier, les deux rivaux ont signé l’accord dit de « première phase » pour suspendre la guerre commerciale déclenchée début 2018 par l’administration américaine. Toutefois, l’assureur-crédit ne prévoit pas que cet « accord de trêve» mettra fin aux tensions commerciales cette année.
Ensuite, les tensions commerciales entre les États-Unis et l’Europe persistent, l’administration américaine menaçant d’imposer des droits de douane supplémentaires sur le secteur automobile de l’Union européenne (UE).
En outre, le nombre total de mesures protectionnistes mises en œuvre dans le monde a franchi le seuil de 1 000 en 2018 et 2019, soit un bond d’environ 40 % comparé aux trois années précédentes. Les incertitudes liées à l’environnement protectionniste contribuent à la volatilité des cours des matières premières, notamment de l’agroalimentaire, des métaux et du pétrole.
Dans cet environnement « délicat et volatile » où les économies sont confrontées à des vents contraires, quatre évaluations de pays ont ainsi été abaissées (Colombie, Chili, Burkina Faso et Guinée), tandis que six ont été révisées à la hausse (Sénégal, Madagascar, Paraguay, Népal, Maldives, Turquie).
Pour rappel, l’assureur-crédit attribue des notes de risque allant d’A1 risque « très faible », à E risque « extrême » pour évaluer le risque d’impayés des entreprises d’un pays donné et la qualité globale de son environnement des affaires permettant aux opérateurs du commerce international de mieux connaître leur environnement commercial à l’export.
Coface déclasse 2 pays africains et 2 pays sud-américains
Au Burkina Faso, la situation en matière de sécurité s’est aggravée au cours des derniers trimestres, en raison de l’activité accrue des insurrections terroristes et des milices organisées en fonction de différents groupes ethniques. Parallèlement, les attaques contre les mines d’or ont augmenté en fréquence, rappelle Coface, menaçant un secteur qui contribue à plus de 10 % au PIB. Dans ce contexte, la société d’assurance-crédit française a déclassé le risque pays du Burkina Faso de C (élevé) à D (très élevé).
En Guinée (déclassement de C à D), le ralentissement de la demande chinoise expose les exportations locales de bauxite. De plus, la crise politique guinéenne menace l’appui international sur lequel le pays compte pour financer les projets d’infrastructure dans le cadre du Plan national de développement.
En Colombie (déclassement de A4 à B), la demande intérieure s’étant renforcée et les exportations de pétrole et de charbon ayant diminué, le déséquilibre de la balance extérieure s’est creusé pour atteindre 4,5 % du PIB au troisième trimestre 2019, contre 4 % en 2018.
Enfin, au Chili (déclassement de A3 à A4), l’activité s’est fortement ralentie depuis octobre dernier, date à laquelle les troubles sociaux ont éclaté dans le pays. Les analystes de Coface estiment que le PIB a augmenté de 1 % en 2019, contre 4 % en 2018. En outre, le fort impact inattendu sur l’activité devrait également se traduire par une détérioration de l’expérience de paiement. De plus, le PIB devrait rester faible à moyen terme.
L’assureur-crédit a également réévalué la note de six autres pays.
Six économies reclassées, dont le Sénégal, en A
Le Sénégal (reclassement de B à A4) a enregistré « de solides performances de croissance depuis 2014 », soutenues par la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE), observe l’expert en assurance-crédit internationale pour les entreprises. Le PIB devrait donc continuer à croître à un rythme supérieur à 6 % en 2020 (6,5 %) estime Coface.
Les perspectives de développement pétrolier et gazier, dont la production commerciale pourrait débuter respectivement en 2021 et 2022, attireront les investissements privés.
En dépit de tensions sociales persistantes, la stabilité politique n’a pas été éprouvée par les élections présidentielles de février 2019.
Madagascar, pays dont la croissance économique devrait demeurer « forte » en 2020 (5,2 %) selon Coface, grâce à l’agriculture et aux investissements publics, voit son évaluation être reclassée de D à C.
Le spécialiste français de la protection contre les impayés a également revu à la hausse l’évaluation du Paraguay (reclassement de C à B), le pays ayant adopté une approche prudente à l’égard de ses finances publiques depuis des années. Bien que le PIB ait chuté au premier semestre 2019, il se redresse actuellement et devrait croître de 0,2 % en 2019 et de 4 % en 2020. Cependant, l’activité dans les secteurs de l’agriculture et de l’hydroélectricité a chuté respectivement de 11,6 % et 12 % au premier semestre 2019 en raison d’une sécheresse majeure, mais devrait augmenter avec la normalisation des précipitations en 2020.
L’évaluation de la Turquie a été reclassée de C à B. La prévision de Coface pour l’économie turque est de 3 % pour 2020, contre une estimation de 0,2 % l’an dernier. La lire a été moins volatile récemment, ce qui contribue à rétablir la confiance des entreprises et des consommateurs, mais ce processus est très lent. Les risques de dévaluation de la monnaie en cas de tensions géopolitiques persistent.
La croissance du Népal est restée dynamique en 2019 (7 %), portée en particulier par les travaux de reconstruction consécutifs au tremblement de terre de 2015. De plus, le pays a diversifié son économie. Ainsi, la part des services s’est progressivement accrue au fil du temps grâce à l’augmentation du nombre de touristes. Dans ce contexte, Coface reclasse le risque de D (très élevé) à C (élevé).
Enfin, les Maldives voient leur évaluation passer de D à C. La croissance économique a été solide l’an dernier (6,5 %) et devrait rester élevée cette année (6 %) malgré un ralentissement estime Coface. L’archipel réputé pour ses plages et ses lagons bleus demeure « très lourdement dépendant du tourisme » selon Coface. Cependant, le pays a connu une relative diversification de la provenance des touristes.
Bien que l’assureur-crédit ait reclassé plus d’économies qu’il n’en a déclassées, ces nouvelles évaluations relativement positives ont une portée limitée car globalement, Coface affiche, en ce début d’année, une vision plutôt pessimiste quant à la croissance du commerce sur le plan mondial.
Coface prévoit ainsi que la croissance du commerce mondial restera faible cette année (+0,8 % seulement en volume), après une baisse de 0,3 % au troisième trimestre 2019 en glissement annuel, soit le rythme le plus lent depuis la grande crise de 2008-2009. Les économies orientées vers l’exportation comme l’Allemagne (0,5 % de croissance du PIB seulement en 2020), sont durement touchées par la contraction du commerce mondial.
La société d’assurance-crédit table également sur la poursuite du ralentissement économique mondial en 2020, avec une croissance du PIB mondial attendue à 2,4 %, contre 2,5 % l’année précédente.
La métallurgie est à la peine
Dans son baromètre des risques sectoriels, Coface déclasse le risque d’impayé des entreprises issues de la métallurgie en Europe centrale et de l’Est et en Amérique du Nord qui passe respectivement de risque moyen à risque élevé.
D’après les modèles de prévision de Coface, les cours de l’acier devraient continuer de reculer dans les six prochains mois, et ainsi pénaliser les entreprises du secteur, d’autant plus que la croissance en Chine, dont provient la moitié de la demande mondiale d’acier, n’atteindrait que 5,8 % cette année.
La métallurgie, notamment la sidérurgie, est souvent considérée comme un baromètre de l’activité mondiale, en raison de son implication dans plusieurs activités industrielles, notamment la construction, l’automobile et les biens de consommation tels que les appareils électroménagers.
Desk Moci
Pour en savoir plus :
Consultez le Baromètre des risques pays et sectoriels de Coface en fichier PDF joint ci-dessous