« Pourquoi un client de bonne foi ne vous paierait pas ? S’il ne le fait pas, c’est qu’il a un problème de trésorerie. Et dans ce cas, n’est-il pas plus intelligent de lui proposer un délai de paiement allant jusqu’à 180 jours ? », a interrogé François Coulin, dirigeant de Marex et vice-président de l’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international), lors de la sixième édition du Forum Moci des « Risques et opportunités à l’international » ayant pour thème « PME & ETI à l’export : audacieuses mais pas téméraires, les bonnes pratiques de gestion des risques financiers », le 26 juin, à l’Hôtel des Arts & Métiers, à Paris.
Ouvrant la table ronde, intitulée « sécuriser ses paiements sans ruiner la relation commerciale et la trésorerie » (photo), cet entrepreneur qui gère les services export de 35 sociétés, a défendu l’usage de la lettre de crédit stand-by, qui est une garantie de paiement pour l’exportateur, puisque l’importateur garantit à son fournisseur que sa banque se substituera à lui s’il est défaillant. « Bien sûr, a ajouté François Coulin, allonger le délai de paiement a un coût pour l’exportateur, qui va alors le répercuter, l’intégrer dans son prix ou dans sa marge ».
Des propos repris par Jean-Claude Asfour, consultant en commerce et financements internationaux. Selon l’auteur de l’Atlas des risques pays 2015 du MOCI, « on peut tout à fait donner une respiration à 160-180 jours ». Aujourd’hui, constate-t-il, sur quelques 120 pays dans le monde, les 110 passés au crible dans l’Atlas du Moci utilisent la lettre de crédit stand by.
Fervent défenseur de ce mode de paiement, Jean-Claude Asfour n’a pas caché, en revanche, son opposition à la remise documentaire, lui préférant le crédit documentaire. « Le crédit documentaire est une assurance pour le vendeur, car il sait que les banques se substitueront en cas de défaillance de l’importateur. Alors que dans le cas de la remise documentaire, a-t-il bien insisté, les banques n’ont qu’une obligation de moyens. En d’autres termes, si l’acheteur ne paie pas, les banques peuvent aussi ne pas payer ».
Avant de contracter, s’informer est stratégique
D’où l’importance pour l’exportateur, avant de conclure un contrat à l’étranger, de disposer d’une série d’informations fiables sur son ou ses partenaires. Bureau Van Dijk recueille ainsi les renseignements disponibles auprès de partenaires institutionnels, privés ou publics, autorisés à les fournir. « On peut ainsi adresser très rapidement à nos clients des short lists d’entreprises », a expliqué Thomas Perathoner, responsable Marketing de ce groupe spécialiste du traitement de l’information sur les entreprises, qui revendique 170 millions d’entreprises dans sa base.
Encore faut-il avoir accès à cette information sérieuse et fine ? « La France et la Belgique sont reconnues pour être les nations les plus transparentes au monde en matière de publication des comptes des entreprises, mais qu’en est-il ailleurs ? », lui a alors demandé la rédactrice en chef du Moci, Christine Gilguy, qui animait la table ronde. Bonne nouvelle, « il y a de plus en plus de pays où on joue le jeu de l’information », a répondu Thomas Perathoner, qui a, notamment, cité en Europe l’Italie et l’Espagne.
De son côté, le spécialiste du renseignement d’entreprise à valeur ajoutée, la société lyonnaise BEIC a développé une démarche d’investigation. « On a, bien sûr, établi une base de données de sociétés et on la nourrit par notre démarche au téléphone pour intégrer l’entreprise ciblée et son environnement, ce qui nous amène parfois à poser des questions dérangeantes », soulignait Frédéric Soriano, directeur Business Unit et associé.
Cette démarche, a-t-il encore indiqué, « nous permet de recommander des entreprises qui ne publient pas leurs comptes ». C’est le cas en Russie, où les sociétés seraient habituées à diffuser trois bilans différents : pour les banques, les clients et les fournisseurs. « Si trois fournisseurs que nous contactez vous disent que depuis dix ans les contrats sont toujours honorés, alors vous êtes légitime à penser que le recoupement a une valeur », a soutenu Frédéric Soriano. De même en Suisse, a-t-il conclu, « où il n’y a pas d’obligation d’informer », alors « on s’adresse aux assureurs, aux fournisseurs et à d’autres». C’est ainsi que BEIC détiendrait « des informations éclairées».
François Pargny