L’euro baisse, une aubaine pour les PME françaises mais qui donne matière à réflexion : « Est-ce que c’est le moment de prendre des risques à l’export ?», a ainsi interrogé Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moci, qui introduisait la sixième édition du Forum Moci des « Risques et opportunités à l’international » ayant pour thème « PME & ETI à l’export : audacieuses mais pas téméraires, les bonnes pratiques de gestion des risques financiers », le 26 juin, à l’Hôtel des Arts & Métiers, à Paris.
Frédéric Andrès, économiste senior chez l’assureur-crédit Euler Hermes a ouvert la conférence plénière du Forum devant quelque 280 participants, en dressant un tableau en
demi-teinte des grandes tendances macro-économiques et micro-économiques qui se dégagent en 2015 pour tenter de répondre à la question posée.
Premier constat, la reprise de l’économie mondiale se fait en ordre dispersé. Les économies avancées (Japon, Union européenne dont zone euro, États-Unis…) connaissent toutes une embellie alors que des divergences prédominent parmi les émergents. À l’exception de l’Inde, qui s’en sort plutôt bien avec une croissance estimée à 7,7 % cette année, et qui devrait accélérer à 7,8 % en 2016, « les BRICs se prennent le mur », a constaté Frédéric Andrès. La Russie et le Brésil, les premiers.
D’un côté, la Russie, dont la croissance du PIB est négative (- 4 % en 2015), connaît une crise économique et politique profonde. De l’autre, le Brésil (- 1 % en 2015) reste empêtré dans ses problèmes structurels. Quant à la Chine, « elle est en phase de transition » et on ne cesse de le répéter, sa croissance « décélère » et devrait atteindre 6,8 % en 2016, contre 7 % actuellement selon les estimations d’Euler Hermes.
Le risque politique reste élevé dans plusieurs zones, certains secteurs plus fragiles que d’autres
En ce qui concerne la croissance du commerce mondial, elle est estimée, en valeur, à 2 % en 2015. Très corrélée à la conjoncture économique et aux évolutions de l’inflation et des prix mondiaux, qui sont en baisse, la croissance des échanges commerciaux est devenue « molle ».
Dans ce contexte, un autre risque est à prendre en considération par les exportateurs : le risque politique, qui reste élevé dans plusieurs zones. « Le risque politique reste extrêmement prégnant et prend des formes très diverses », a ainsi averti Frédéric Andrès. Il s’illustre par des sanctions et embargos (Iran en 2012, Russie en 2014) et va jusqu’à l’instabilité qui règne dans les pays en proie à des conflits (Ukraine).
Frédéric Andrès a également insisté sur le retour du protectionnisme et ses effets « sur le plan micro-économique ». Certains pays ont instauré des mesures protectionnistes à l’instar de la Russie, champion dans le domaine, avec pas moins de 96 mesures introduites entre janvier 2014 et avril 2015 ou de la Turquie, qui a imposé un droit de douane de 30 % sur les chaussures en août 2014.
La Banque centrale européenne (BCE) a, elle, mené une politique monétaire expansionniste en relevant son taux directeur qui a pour objectif de : « relancer l’inflation et donc la croissance », a informé l’économiste. Mais dans le même temps, la volatilité des devises a fait son come back, et avec la chute des prix du pétrole, les risques sectoriels se sont détériorés : au cours des trois premiers trimestres, Euler Hermes a ainsi révisé à la baisse de nombreuses notes sectorielles (construction, métallurgie, papier, transports, commerce de détail…). « La baisse rapide du prix du baril est assez violente sur certains secteurs comme la métallurgie », a affirmé Frédéric Andrès.
Alors, « est-ce le moment pour les PME de prendre des risques à l’export ? »
La baisse de l’euro « un booster » pour aller dans les pays à forte croissance
« On sort d’une période où la Chine était le moteur de la croissance mondiale, et ce moteur est grippé », a pour sa part estimé Bruno Grandjean, président du directoire de la société de fabrication en mécanique et outillage de précision Redex, et vice-président de la Fédération des industries mécaniques (FIM). Pour lui, qui possède une unité de production en Chine, les entreprises françaises doivent donc aller chercher de la croissance ailleurs, y compris en Europe. « On retourne aux fondamentaux, on se remet à exporter en France », a ainsi observé non sans humour Bruno Grandjean, dont l’entreprise possède sa base industrielle dans le Loiret mais exportait jusqu’à présent plus de 90 % de sa production.
Redex a, de fait, repris des commandes auprès de donneurs d’ordres industriels français et a profité de la baisse de l’euro face au dollar pour prospecter les États-Unis, où l’entreprise vient de vendre une machine dans la ville de Gary, dans l’Indiana. En l’occurrence, Bruno Grandjean fait partie de ces industriels pour lesquels la baisse de l’euro par rapport au dollar est une bénédiction. « L’euro, ça compte beaucoup. C’est un coup de pouce, ça permet de déclencher des investissements et de redevenir compétitif », a ainsi déclaré le chef d’entreprise qui a profité de la baisse de la devise pour recommencer à exporter outre-Atlantique. « L’euro, c’est véritablement un booster pour nous (Redex) », a-t-il assuré.
Parmi les marchés à forte croissance économique, le continent africain, qui pâtit encore d’une perception des risques financiers plutôt mauvaise mais dont les exportateurs doivent s’accommoder. « Sur l’Afrique, il y a un rebond (de la croissance) depuis l’année dernière », a ainsi signalé Marthe Combet, gérante du cabinet de conseil IRSC Consulting, spécialisée sur la gestion des assurances des entreprises en Afrique. Selon elle, « c’est maintenant », que les entreprises doivent se positionner, bien qu’il eût fallu qu’elles s’y soient implantées avant pour profiter à plein des opportunités.
Une première : un leader de la logistique lance une offre d’accompagnement pour les PME
Signal positif, beaucoup d’entreprises en 2015 envisagent d’augmenter leur chiffre d’affaires à l’export, un frémissement qu’a confirmé Sophie Pajanacci, directrice des ventes France du groupe SDV, un leader de la logistique international affilié au groupe Bolloré.
En l’occurrence, le logisticien a estimé que pour augmenter l’activité exportatrice des PME et ETI françaises, notamment dans les marchés émergents et en développement, il fallait réduire leur appréhension et les aider à s’affranchir des risques logistiques et de transport, mais aussi financiers, notamment de la crainte d’impayés. Cette dernière reste, selon Sophie Pajanacci, le premier frein à l’export pour une entreprise sur deux.
D’où le lancement par SDV d’un pack sécurité dédié aux PME qui font leurs premières opérations à l’export ou veulent entrer sur un nouveau marché, « Expand ». Ce pack comprend une offre modulable d’assurance-crédit (en partenariat avec Euler Hermes), une assurance marchandises, un diagnostic douane. Une offre « 3 en 1 » à destination des PME qui est une première de la part d’un acteur de la logistique française, de quoi faire bouger des lignes…
Venice Affre
Pour prolonger :
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