Tout comme les exportateurs qu’ils accompagnent, les prestataires de services financiers sont impactées par la montée des risques d’impayés à l’export, liés à la compliance, aux risques politiques ou au ralentissement économique.
« Il est vrai que, depuis maintenant quelques années, cette dimension de sanctions internationales, de compliance, on l’a intégré de plein droit dans notre relation à nos clients », a livré ainsi Philippe Gresta, responsable des relations internationales de BNP Paribas Factor, lors du troisième panel du 10ème Forum annuel du Moci « Risques et opportunités à l’international », qui s’est tenu le 28 juin à Paris (notre photo). « Et, a-t-il ajouté, on a un rôle fort de partenariat et de conseil vis-à-vis de nos clients sur ces sujets là ».
Pas plus de restriction pour l’affacturage
En tant que société d’affacturage, BNP Paribas Factor finance et garantit les factures des entreprises, petites et grandes, qui développent ou renforcent leur activité à l’international. Face à l’émergence des risques politiques et des problèmes de conformité, il redouble de vigilance. « La priorité n° 1 est tout d’abord de protéger nos clients contre les risques qui découlent du non-respect des sanctions internationales », a confié ainsi Philippe Gresta. Il peut s’appuyer sur équipes internes dédiées à la conformité et sa société a noué des partenariats avec des assureurs-crédits pour être en veille sur les risques pays.
Pour l’heure, la société d’affacturage affirme continues à accompagner les entreprises exportatrices sans restriction. « En aucun cas, les sanctions internationales ne nous empêchent d’accompagner les clients notamment les clients exportateurs », a insisté Philippe Gresta.
Grâce aux partenariats qu’elle a noué avec des assureurs-crédit et grâce à son appartenance à l’association FCI (Factors Chain International), qui a des représentants dans 90 pays, la société intervient sur de nombreux marchés export dans l’Union européenne (UE) mais également en Amérique du Nord et dans les pays d’Asie tels que le Japon et la Chine. « On est plus que jamais en phase d’accompagnement des clients et notamment des clients exportateurs », a répété encore Philippe Gresta. « En tant que factor, on n’a pas du tout de raison de se montrer plus frileux que ne l’est le marché », a-t-il renchéri.
Pour les transferts de fonds, l’impact des contraintes réglementaires
La plateforme de transfert de devises étrangères iBanFirst, est également impactée par les nouvelles réglementations en particulier américaines. « Aujourd’hui, on gère plus de 30 devises dont le dollar américain », a dévoilé William Gerlach, directeur des ventes France chez iBanFirst. « On est vraiment responsable des flux que reçoivent nos clients et des paiements qu’ils émettent », a-t-il exposé.
Le dollar représente 95 % des flux qui transitent sur la plateforme de services financiers. « On fait très attention au dollar américain car il y a encore aujourd’hui des pays sous embargo où l’on ne peut pas envoyer de dollar, donc on fait très attention à ça », a relaté William Gerlach.
Analyser les risques au cas par cas
La société d’assurance-crédit Atradius est également concernée par l’évolution des règles commerciales dans le contexte actuel de sanctions internationales. « Nous appliquons strictement ces règles », a affirmé pour sa part Christophe Pennellier, directeur commercial France de Atradius. Ces règles, estime-t-il, sont de plus en plus strictes certes mais sont recommandées et imposées par le législateur.
« Ce sont des règles de bon sens : bien connaître nos clients, bien veiller à la légalité de leurs activités et de leurs prestations », a-t-il développé. En l’occurrence, les équipes de l’assureur-crédit sont en veille sur l’évolution des législations commerciales et financières « pour suivre les risques que prennent nos entreprises à l’exportation », a précisé Christophe Pennellier.
L’évolution de la guerre commerciale sino-américaine est un motif de préoccupation. « Comme tout le monde, on regarde ça de près », a confié Christophe Pennellier. Par ailleurs, dans certains pays comme la Turquie, Atradius a resserré sa surveillance. De manière générale, l’assureur-crédit analyse les risques « au cas par cas » dans chaque pays où vont ses clients.
Le mécanisme Cap Francexport pas encore utilisé
Atradius est par ailleurs partenaire de l’État dans le dispositif public de réassurance Cap Francexport au sein duquel l’État réassure des engagements pris par Atradius et trois autres assureurs privés signataires – Coface, Euler Hermes et Groupama – au titre de garanties qu’ils délivrent sur des contrats d’exportations à destination de 17 États* vers lesquels une défaillance du marché de l’assurance-crédit export court terme (moins d’un an) a été constatée.
Ce dispositif n’a pas encore été activé. Un signe que la conjoncture n’est pas si mauvaise ?
La raison, estime le directeur commercial d’Atradius, réside dans le fait que « l’export français est à 90 % un export qui se fait vers l’Union européenne ». Hors aucun pays européen ne figure dans la liste et les exportations françaises vers ces 17 pays sont faibles. Elles s’élèvent à environ 6 milliards d’euros contre 482 milliards d’euros pour l’export français dans le monde en 2018.
Brexit : couvrir les entreprises contre le risque de volatilité du change
En matière de risque politique et de risque pays, le Brexit fait partie des sources d’incertitudes immédiates pour les exportateurs et leurs prestataires.
« Nous avons une équipe de surveillance qui est entièrement dédiée au Brexit », a ainsi dévoilé Christophe Pennellier. L’assureur-crédit étudie chaque situation individuellement « société par société ». Il s’agit de voir comment chaque entreprises est armée pour pouvoir évoluer dans un environnement post-Brexit. Selon lui, « il y aura des sociétés qui résisteront bien au Brexit, d’autres qui auront beaucoup plus de mal à s’en sortir ».
Concrètement, Atradius a segmenté son portefeuille clients entre « entreprises très exposées, moins exposées, et celles qui ne sont pas du tout exposées ou de manière occasionnelle » aux effets du divorce du voisin britannique avec les Vingt-Huit. « C’est vraiment du cas par cas », a-t-il répété.
Le retrait du Royaume-Uni de l’UE a également un impact sur le risque de change de la livre sterling, a confirmé pour sa part William Gerlach. « On a quelques clients qui ont des filiales qui sont au Royaume-Uni et qui ont plusieurs craintes », a-t-il livré. La principale crainte étant de savoir ce que vaudra « la paire EUR/GBP d’ici plusieurs mois ou plusieurs semaines », a-t-il souligné.
Les clients d’IbanFirst qui vendent au Royaume-Uni ont subi une évolution à la baisse de la paire euro/livre sterling de 30 % en trois ans, autrement dit depuis le référendum du 24 juin 2016. Certaines sociétés qui n’étaient pas couvertes ont alors dû revoir leur prix en livre sterling ou renégocier avec leurs clients au Royaume-Uni, a relaté William Gerlach. « Notre rôle, aujourd’hui, c’est d’accompagner nos clients pour limiter leur exposition sur la volatilité du marché ». Le but étant de limiter voire d’éviter un impact sur leur marge commerciale.
Le risque d’impayés est l’un des premiers freins à l’export. « Les PME hésitent beaucoup face à l’exportation parce que leur première crainte, c’est la crainte de l’impayé, et de son corolaire le recouvrement », a ainsi commenté Christophe Pennellier. Dans le contexte mondial de plus en plus incertains, les solutions pour le couvrir doivent plus que jamais être mieux connues.
Venice Affre
*Angola Azerbaïdjan, Bangladesh, Bénin, Comores, Éthiopie, Guinée, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Koweït, Malaisie, Mongolie, Niger, Nigeria, Oman, Ouzbékistan et Panama.