La violence et l’instabilité
politique en Égypte commencent à inquiéter sérieusement les assureurs crédit.
Au point que le belge ONDD (Office national de Ducroire) vient de décider
d’arrêter de couvrir le risque de non paiement et de non transfert au pays des
pharaons. « Ce qui justifie notre décision est principalement l’évolution
négative de la balance des comptes courants », explique au Moci Daan
Rowies, analyste à l’Office national de Ducroire.
Selon cet expert, « les
évènements sanglants » en Égypte, où près d’un millier de personnes ont
péri en moins d’une semaine après le premier assaut de l’armée et de la police
le 14 août au Caire, essentiellement des partisans du président islamiste
Mohamed Morsi, destitué et arrêté par l’armée début juillet, vont probablement
décourager les investisseurs étrangers et les touristes, qui sont des sources
majeures de recettes en devises.
L’aide des pays du Golfe, la confiance de Total, ne suffisent pas
« Certes, l’Arabie saoudite,
les Émirats Arabes Unis et le Koweït sont venus en aide, poussant le niveau des
réserves de change à un pic jamais atteint depuis fin juillet 2011, et l’Arabie
saoudite a promis de couvrir les besoins de financement, mais jusqu’à
quand », s’interroge Daan Rowies qui estime, en outre, que l’aide
extérieure ne saurait exempter Le Caire de prendre les mesures économiques
nécessaires pour redresser la compétitivité du pays, assainir les finances
publiques et relancer l’investissement étranger.
Généralement, les observateurs
économiques ne croient pas à une guerre civile à court terme. D’ailleurs, le
géant Total, qui possédait déjà un réseau de près de 70 stations-service
en Égypte, ne vient-il pas de décider, après avoir acquis au printemps les 85
stations de Shell, d’acheter le réseau des 66 stations de Chevron. « Ce
qui compte, ce n’est pas que l’armée gagne, mais c’est qu’elle soit capable
d’assurer la stabilité politique à long terme », pointe encore Daan
Rowies.
« Militaires,
vieille garde, libéraux, population rurale, communauté des affaires et
islamistes ont des objectifs différents à long terme » et « cette hétérogénéité n’entraînera
probablement pas une transition en douceur », estimait en juillet le
cabinet Thierry Apoteker Consultants (Tac). Si l’Armée semble aujourd’hui en
position de force et capable de soumettre un agenda politique pour une
Constitution et des élections dans le pays, il n’en reste pas moins qu’une
partie de la société se radicalise.
Des attaques dans le Sinaï, des tirs dans
le canal du Suez
Non
seulement des groupes terroristes se sont formés dans le Sinaï, mais le Centre de liaison et d’information indépendant sur la sécurité des
entreprises Confidentiel Entreprise a rapporté, le 2 septembre, qu’un
porte-conteneurs avait été visé par des tirs dans le canal de Suez. Les
autorités en place mettent ces attaques sur le compte de groupes terroristes,
opposés au gouvernement intérimaire et à l’armée.
Dans une note publiée en juillet,
Tac envisage, à la lumière de l’Histoire, deux scenarii. L’Égypte pourrait
suivre l’exemple de la Turquie – en 1997, l’armée, après avoir poussé le
Premier ministre islamiste à la démission, y avait relancé le processus
démocratique – ou celui de l’Algérie – cinq ans plus tôt, en 1992, l’armée
avait brisé les islamistes en passe de gagner les élections, ce qui avait
débouché sur une guerre civile. L’Égypte semble aujourd’hui naviguer entre ses
deux scenarii, estimait Tac, qui prévoyait aussi que la situation,
« devrait encore empirer avant de se redresser ». Depuis juillet,
elle a empiré. Mais personne n’oserait parier sur un redressement.
François Pargny