Malgré la progression constante de l’utilisation de la monnaie chinoise, le Renmimbi (RMB), dans les échanges commerciaux, les entreprises internationales, notamment françaises, après un certain engouement, semblent s’être mises en position d’attente en espérant de nouvelles mesures de libéralisation des changes de la part des autorités chinoises et, pour celles qui sont en zone euro, également mieux profiter des opportunités générée par la baisse du cours de l’Euro (EUR) par rapport aux grandes devises, dont le dollar (USD) et le RMB.
C’est l’une des principales conclusions que l’on peut tirer des résultats du deuxième sondage réalisée par Nielsen entre le 7 janvier et le 12 février 2015 pour le compte du groupe bancaire HSBC auprès de 1610 entreprises internationales de 14 pays*, toutes commerçant avec la Chine.
De fait, 17 % des entreprises interrogées l’utilisent d’ores et déjà le RMB comme monnaie commerciale dans leurs transactions transfrontières selon les résultats de ce sondage, mais seulement 10 % des entreprises françaises interrogées et 7 % des allemandes, les plus actives étant celles situées dans les pays asiatiques du panel (voir étude dans le PDF joint à cet article).
« Il n’y a pas eu de forte accélération de l’usage du RMB dans le commerce international contrairement à ce qu’on pensait en 2014 », a reconnu Régis Barriac, directeur de l’International chez HSBC France lors de la présentation de cette étude. Mais pour lui, la phase d’apprentissage -la « partie facile est terminée »- : les entreprises attendent à présent de voir les mesures que vont prendre les autorités chinoises pour « davantage libéraliser » leur système de change.
Selon les résultats du sondage, il semble en effet que les entreprises internationales interrogées, dont 54 % anticipent une augmentation de leurs business en Chine (dont 33 % pour les entreprises françaises mais 60 % pour les allemandes…) malgré le ralentissement de sa croissance économique , croient en l’avenir de la monnaie chinoise comme monnaie de référence : 34 % des entreprises sondées pensent ainsi qu’elle va même devenir prépondérante dans les règlements des transactions du commerce international d’ici 5 ans. Ce qui est cohérent avec les récentes informations publiées par le réseau interbancaire de paiement Swift indiquant que le RMB est d’ores et déjà l’un des 5 monnaies les plus utilisées dans le monde pour toutes les catégories de paiements internationaux.
D’ores et déjà, 22 % des entreprises interrogées ont engagé des réflexion sur l’utilisation du RMB dans leurs transactions avec la Chine comme facteur de leur politique commerciale et 27 % des entreprises qui ne l’utilisent pas encore affirme qu’elles le feront dans l’avenir.
Les Françaises semblent toutefois plus attentistes à ce sujet : 9 % seulement, 1 sur 10, a intégré la monnaie chinoise comme facteur de sa politique commerciale. En outre, avec à peine 10 % qui déclarent l’utiliser d’ores et déjà, elles sont deux et demie fois moins nombreuses (26 %) que lors du premier sondage en 2014.
Pour Régis Barriac, cet attentisme n’est pas inquiétant : outre leur souhait de voir les futures mesures de libéralisation des changes chinois, les entreprises françaises, comme certaines de leurs consoeurs européennes, ont aussi remis à plat leur stratégie de change dès que le cours de l’euro s’est inscrit dans une tendance durable à la baisse. « L’euro s’est déprécié de 20 % par rapport au RMB entre avril 2014 et avril 2015, a commenté le responsable d’HSBC. Cela a freiné l’utilisation de la monnaie chinoise dans la zone euro. Beaucoup d’entreprises françaises ont lancé des réflexions pour savoir comment bénéficier de cette fluctuation à la baisse pour améliorer leur marge commerciale ».
Plus important, après une libéralisation très progressive du taux de change orchestrée par les autorités chinoises ces dernières années, il ne fait pas de doute que la monnaie chinoise est en train de changer de braquet : « la grande nouveauté en 2014 est que pour la première fois, le RMB est entré dans la cours des cinq grandes devises mondiales, comme l’a montré Swift, avec des fluctuations beaucoup plus importantes contre l’euro et le dollar après une longue période de stabilité », a observé Régis Barriac. »Au premier trimestre 2015, 25 % des entreprises se couvrent, ce qui n’était pas le cas avant », a-t-il par ailleurs précisé.
Pour lui, ces fluctuations, la multiplications des zones pilotes de libre échange -après celle de Shanghai, qui a contribué au décollage du RMB dans le commerce, trois autres zones pilotes sont en cours de lancement à Guandong, Tianjin et Pujian-, les mesures d’assouplissement actuellement envisagées en matière de cash management (assouplissement des plafonds de prêts accordés aux entreprises étrangères pour financer leurs comptes courants dans trois zones pilotes autour de Pékin), et la transition de l’économie chinoise vers une économie davantage centrée sur la consommation intérieure sont autant de signes et de facteurs qui vont porter l’internationalisation du RMB.
N’oublions pas que le RMB « représentera en 2025 10 % des réserves des banques centrales » a insisté Régis Barriac, citant une autre étude d’HSBC, qui souhaite « devenir la banque de référence pour le RMB ». De quoi incité les exportateurs comme les importateurs travaillant avec la Chine a engagé une réflexion sur l’usage du RMB, s’ils ne l’on pas déjà fait.
Christine Gilguy
*Australie (n=100), Chine (n=200), Allemagne (n=100), Hong Kong (n=200), Singapour (n=100), Royaume-Uni (n=100), Etats-Unis (n=106), Canada (n=100), Taïwan (n=100), France (n=101), Emirats Arabes Unis (n=100), Brésil (n=100), Malaisie (n=103) et Corée du Sud (n=100). 50% des entreprises interrogées ont un chiffre d’affaire annuel compris entre 3 et 50 M USD, 40% entre 50 et 500 M USD et 10% supérieur à 500 M USD.
Pour en savoir plus, consultez l’étude dans le fichier Pdf attaché à cet article.