Compte tenu de la concurrence acharnée et de la crise financière, de plus en plus souvent, dans les opérations de commerce international à moyen et long terme, les importateurs ayant difficilement accès aux financements locaux exigent de leurs fournisseurs non seulement la meilleure solution technique, le moindre prix, mais aussi d’apporter une solution de financement. Le vendeur doit alors se tourner vers ses banquiers afin de monter soit un crédit fournisseur, soit un crédit acheteur.
2.1 Le crédit fournisseur
(Voir schéma en PDF en bas de page)
Repère
Définition
Il s’agit d’un crédit accordé par une ou plusieurs banques pour couvrir les besoins de financement générés par le délai de paiement accordé à l’importateur : il couvre essentiellement le décalage de trésorerie entre le préfinancement et le paiement des échéances prévues au contrat.
– Durée : 3 à 7 ans.
– Montant : jusqu’à 85 % du montant du contrat.
– Modalités : mobilisation d’effets de commerce.
– Possibilité de couverture spécifique par un assureur-crédit.
Attention ! Surtout ne pas confondre le crédit fournisseur avec le « vendor financing » (crédit non bancaire) dans lequel l’exportateur supporte les risques à 100 %.
Sur ce thème, nous proposons dans l’encadré ci-dessous deux exemples relevés en 2008 et 2009 dans la presse et sur Internet, en pleine crise financière, à un moment où les banques et les assureurs-crédits se montraient particulièrement frileux pour les montages de crédits acheteurs.
La tentation du « vendor financing »
Pour maintenir un niveau de commandes acceptable, les entreprises vont avoir la tentation de se substituer aux banques ; crédits fournisseurs et vendor financing ont de beaux jours devant eux.
– Secteur des télécoms : « Face aux éventuelles difficultés d’investissement des opérateurs, l’entreprise chinoise ZTE a décidé de se transformer en banquier. “Nous avons ouvert une ligne de crédit de 15 milliards de dollars auprès d’institutions financières chinoises. Cette ligne nous permettra de proposer des offres de financement pour nos clients, notamment ceux qui ont du mal à trouver des fonds. Il s’agira de crédits fournisseurs ou de crédits acheteurs ? C’est une première.
À l’heure où les grands équipementiers en sont à chercher partout des économies, ZTE se positionne comme un bailleur de fonds pour les opérateurs, fort du soutien des banques chinoises, très agressives aujourd’hui. Une stratégie payante ? “Plusieurs milliards ont déjà été dépensés”, confie Lin Cheng. »
Source : Interview parue le 23 mars 2009, sur Silicon.fr, reprise dans plusieurs autres médias en ligne.
– Secteur de l’aéronautique : Airbus (EADS) pourrait mettre les bouchées doubles pour soutenir ses clients en temps de crise. Selon le Financial Times du jour [22 octobre 2008], l’avionneur européen va doubler les soutiens financiers (vendor financing) qu’il apporte aux compagnies aériennes, pour atteindre 2 milliards euros en 2009. Cette aide au financement est destinée à soutenir les ventes d’avions civils et à maintenir le rythme des livraisons dans un contexte où les compagnies ont du mal à trouver de financements auprès de leurs banquiers habituels. Selon le FT, le nombre d’établissements offrant des prêts aux compagnies aériennes aurait chuté de moitié, voire des deux tiers depuis 6 mois, pour revenir entre 20 et 25 au niveau mondial…
Source : Presse du 22/10/2008.
Un mois plus tard, fin novembre, Tom Enders, P-dg d’Airbus, évoquait pour 2009, entre 5 et 6 milliards de dollars de vendor financing…
Les grands principes
Quelle que soit sa forme, crédit de préfinancement ou financement par mobilisation de créances nées, comme son nom l’indique, le crédit fournisseur laisse à l’entreprise exportatrice le risque principal, à savoir le risque sur l’acheteur, contrairement au crédit acheteur, dans lequel ce risque est transféré sur le banquier.
Concrètement, le fournisseur escompte auprès de son banquier les effets qu’il détient sur son acheteur. Il les endosse au profit de sa banque, qu’elle agisse seule, ou en tant que chef de file.
Si le contrat ne prévoit pas la création d’effets, le fournisseur tirera sur l’acheteur des traites non acceptées mais qui serviront à la matérialisation de l’escompte par endossement à l’ordre de la banque.
Pour que l’escompte puisse se réaliser, la créance doit être une créance commerciale résultant d’un contrat d’exportation. Elle doit bien évidemment être certaine et exigible.
Toutes les garanties rattachées à la créance, y compris la garantie d’un assureur-crédit si elle a été sollicitée, seront transmises par l’exportateur à la banque lors de l’opération d’escompte.
Le crédit est normalement remboursé au fur et à mesure par le produit des encaissements. Il peut être remboursé par anticipation si l’acheteur paie lui-même par anticipation ou bien si l’exportateur manque à ses obligations vis-à-vis de la banque.
En cas d’impayé, comme pour toute opération d’escompte, la banque se retourne contre l’exportateur pour lui réclamer le remboursement.
Ainsi, compte tenu du risque que représente pour l’exportateur l’éventualité d’un impayé de l’acheteur, le montant des créances escomptées figure dans les engagements hors bilan.
Bons plans
– Les aides d’État
Pour les crédits supérieurs à deux ans, la Direction des garanties publiques de Coface offre la garantie crédit fournisseur, facilitant ainsi les possibilités d’escompte auprès d’une banque. Cette police garantit non seulement le risque commercial, mais également les risques politiques et catastrophiques.
Quotité garantie : 95 %, portée à 100 % pour les opérations des PME dont le CA est inférieur ou égal à 75 millions d’euros.
La prime est bien évidemment fonction du pays de l’acheteur, du statut et de la qualité de l’acheteur, des faits générateurs de sinistre couverts et de la durée du risque.
En savoir plus : www.coface.fr, cliquer sur « Garanties publiques ».
2.2 Le crédit acheteur
(voir schéma en PDF en bas de page)
Repère
Définition
Le crédit acheteur est un crédit à moyen terme (2 à 10 ans) accordé par une banque (seule ou en pool avec d’autres banques) directement à un acheteur étranger, afin de lui permettre de régler au comptant le fournisseur selon des modalités qui seront précisées dans la convention de crédit.
Deux contrats distincts
C’est de loin, avec le forfaitage, la solution préférée des entreprises exportatrices, puisqu’elle leur permet de transférer au(x) banquier(s) le risque pris sur l’acheteur. De leur côté, les banquiers feront en sorte que ce risque soit pour la majeure partie couvert par un assureur-crédit.
Il y a donc deux contrats bien distincts : un contrat commercial entre l’exportateur et son client, et une convention de crédit entre l’acheteur et le banquier du fournisseur.
– Le contrat commercial
Comme tout contrat, il doit préciser :
• l’objet du contrat ;
• les obligations de chacune des parties en présence ;
• les délais d’exécution ;
• le lieu d’exécution ;
• les conditions financières (prix, Incoterm, conditions de paiement) ;
• les conditions juridiques (garanties données et reçues, tribunal compétent, loi applicable…) ;
• les clauses de résiliation, etc.
– La convention de crédit acheteur
La convention de crédit acheteur stipule :
• les conditions de remboursement ;
• les taux d’intérêt ;
• les commissions ;
• les conditions préalables à la mise à disposition de fonds ;
• les documents que doit remettre le fournisseur pour être payé par la banque ;
• les clauses relatives aux manquements des parties et à la résolution des litiges.
Principes de montage
Il existe différentes catégories de crédits acheteurs
On distingue :
– les crédits « administrés » : ils bénéficient du soutien public (au travers du mécanisme de la stabilisation des taux d’intérêt géré par Natixis) et de la garantie d’un assureur crédit ;
– les crédits en « garantie pure » (pure cover) : ils bénéficient de la garantie d’un assureur-crédit, sans pour autant profiter d’un soutien public ;
– les crédits libres : ils ne bénéficient ni du soutien public, ni de la garantie d’un assureur.
En fait, pour des raisons de facilité de montage, de plus en plus, les crédits acheteurs privés sont montés sur le même modèle que les publics.
Le crédit acheteur s’applique essentiellement pour des contrats ayant pour objet principal le financement de fournitures de biens d’équipement et de prestations de services liées au montage du bien acheté.
Son assiette de financement représente au maximum 85 % du montant total du contrat commercial, les 15 % restants étant supposés faire l’objet d’acomptes contractuels. Très souvent, ces 15 % sont réglés par crédit documentaire à vue ou refinancés par des crédits relais. On a aussi vu cette part comptant faire l’objet d’opération de forfaitage.
Pour la ou les banques impliquées dans l’opération, le montant du crédit acheteur peut être garanti à hauteur de 95 % par Coface (agissant pour le compte de l’État) ou un autre assureur-crédit (Ducroire, Sinosure, par exemple, la part étrangère des produits étant un élément non négligeable du choix de l’assureur).
Les délais couverts pour les opérations de crédit acheteur vont en principe de 2 à 10 ans. Ceci dépend de la catégorie à laquelle appartient le pays du débiteur. Les catégories sont définies par la Banque mondiale. Il y a quelques années, on distinguait les pays riches, les pays intermédiaires, les pays les moins riches. Depuis le 1er septembre 1995, il n’y a plus que deux catégories :
– la catégorie I comprend les pays dont le revenu national par habitant (RNB/hab.) a été pendant au moins deux années consécutives supérieur au seuil de la Banque mondiale (12 276 USD pour l’année 2010). Le délai maximum de remboursement est de cinq ans. Il peut être convenu de le porter jusqu’à huit ans et demi en suivant les procédures de notification préalable ;
– la catégorie II comprend tous les autres pays qui ne figurent pas dans la catégorie I. Le délai maximum de remboursement est de 10 ans.
Ces catégories sont la base du classement des risques pays établi par l’OCDE afin de fixer les lignes directrices des soutiens publics aux exportations destinées à limiter les distorsions de concurrence. Elles sont établies en fonction de certains critères tels le PNB par habitant, la durée du financement, les taux d’intérêts minima des crédits accordés (voir aussi encadré « l’Arrangement du consensus OCDE » page suivante)… Pour informations, dans le dernier classement en vigueur, en date du 26 juillet 2011, on recensait 38 pays en catégorie I et 184 en catégorie II. En France, chaque année, le gouvernement définit sa politique d’assurance-crédit export en fonction de ces critères et la présente généralement début février aux grands exportateurs, banques et assureurs-crédits.
Le taux de prime applicable varie en fonction du pays de l’acheteur et de la durée de la créance. S’ajoute une commission d’engagement sur le montant non utilisé, au prorata temporis, et une commission de gestion sur le montant total du crédit. Le taux d’intérêt retenu est fonction de la catégorie du consensus à laquelle appartient le pays de l’acheteur.
Les modalités de paiement
Selon le type de contrat et les biens vendus, le fournisseur peut être réglé intégralement dès la réalisation de son obligation de délivrance. C’est ce que l’on appelle le crédit acheteur direct. Ce sera le cas par exemple pour la fourniture de biens d’équipement livrés « prêts à l’emploi ».
Dans le cas de montage plus complexe, de type livraison d’une usine « clés en main », l’exportateur bénéficiera de la procédure dite de paiements progressifs, selon des termes d’avancement définis contractuellement dont voici la liste :
– acompte(s) ;
– commandes à des sous-traitants ;
– achats de matières premières ;
– mise en fabrication ;
– au fur et à mesure des livraisons partielles ;
– à la réception provisoire.
Les intérêts dûs par l’emprunteur seront calculés à partir de chacune des utilisations. L’acheteur choisira l’option taux fixe ou l’option taux variable.
Le crédit acheteur est remboursé par le paiement de l’importateur aux échéances prévues lors de la signature de la convention de crédit acheteur.
En cas d’impayé, en principe, le ou les établissements bancaires et les assureurs-crédits ne peuvent se retourner contre l’exportateur, mais, dans les faits, l’exportateur émet une lettre d’engagement rappelant l’ensemble de ses obligations ainsi que son accord pour le remboursement d’une éventuelle surindemnisation.
Repère
L’arrangement du consensus OCDE
Les différentes modalités des soutiens publics sous forme de crédits export sont définies en fonction de ce que l’on appelle « l’Arrangement du consensus OCDE », plus exactement « Arrangement sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public » entré en vigueur en avril 1978, révisé pour la dernière fois en septembre 2011.
L’Arrangement définit le champ d’application et les exclusions sectorielles.
Il définit aussi certains points essentiels d’un crédit acheteur :
– la notion de versement comptant (minimum 15 %) ;
– le délai maximum de remboursement ;
– le point de départ du crédit ;
– la classification des pays pour le délai maximum de remboursement ;
– les modalités de paiement des intérêts ;
– le taux d’intérêt minimum : TICR (taux d’intérêt commercial de référence) ou en anglais, CIRR (commercial interest reference rate) ;
– les notions d’aide liée : existence d’un accord (le plus souvent protocole) entre le pays bénéficiaire et le client donneur d’ordres.
Font partie de l’Arrangement les accords sectoriels sur les secteurs suivants :
– Navires (Annexe I) ;
– Centrales nucléaires (Annexe II) ;
– Aéronefs civils (Annexe III) ;
– Projets dans les domaines des énergies renouvelables et des ressources en eau (Annexe IV).
Check-list des éléments entrant dans la structure d’un crédit acheteur
– Généralités
– Analyse du contrat commercial
– Date de signature
– Entrée en vigueur
– Objet
– Montant total de l’opération
– Durée de l’opération
– Décomposition du montant part française et part étrangère
– Délais d’exécution
– Conditions de paiement part française
– Conditions de paiement part étrangère
– Emprunteur
– Justifications à fournir par l’emprunteur préalablement à l’utilisation du crédit
– Documents contractuels
– Matérialisation des créances
– Montant total du crédit
– Remboursements
– Intérêts liés au crédit
– Primes d’assurance-crédit
– Fiscalité
– Intérêts de retard
– Options de remboursement anticipé
– Commissions
– Garanties et sûretés
– Droit applicable
– Tribunal compétent
– Langue du contrat
Conclusion
En conclusion, le crédit acheteur est bien évidemment plus séduisant et plus sécurisant pour l’exportateur que le crédit fournisseur. Mais, compte tenu de la crise financière, les banques et les assureurs-crédits sont plus réticents à le mettre en place.
Il y a quelques années, certaines grandes banques françaises développaient une politique d’accord cadre de crédit acheteur avec des pays émergents ou en développement afin de faciliter et de simplifier les opérations, notamment de montant modeste. Il s’agissait d’accords interbancaires (ligne de crédit ou garantie globale) garantis par une ou plusieurs ACE (dans ce dernier cas, on appelle cela des accords multi-sources) sur lesquels venaient s’imputer les crédits acheteurs éligibles. Parfois, ces accords cadres n’étaient utilisables que vis-à-vis d’un seul importateur (ex. Sonatrach en Algérie, ou le métro de Santiago du Chili). Sinon, ils étaient « ouverts » à tous secteurs. Cette politique est quelque peu tombée en désuétude.
Pour pallier, entre autres, ce que l’on connaissait il y a encore trois dans les accords cadres de crédit acheteurs, certains assureurs-crédits ont négocié directement avec des banques étrangères des lignes de crédit, permettant ainsi aux exportateurs de trouver plus facilement des financements à moyen terme.
On peut néanmoins consulter son assureur-crédit ou sa banque pour savoir s’ils disposent d’un tel accord en cours de validité avec le pays que l’on cible. Une règle : le premier arrivé est le premier servi !
Le conseil de Jean-Claude
Il peut s’avérer de plus en plus difficile sur certains pays de trouver des financements par des banques partenaires habituelles ou encore son assureur-crédit préféré. C’est alors le rôle et la responsabilité du directeur financier, du trésorier ou du credit manager de décrocher son téléphone et de prendre son bâton de pèlerin pour trouver ailleurs des solutions qui permettront à l’entreprise de se montrer compétitive et de décrocher des contrats.
Il faut souvent se montrer très imaginatif et audacieux pour gagner des affaires…
Bons plans
– Les aides d’État
L’ensemble des documents à remplir pour solliciter une couverture dans le cadre d’un crédit acheteur peut être téléchargé sur le site de Coface :
www.coface.fr/CofacePortal/DMT/fr_FR/pages/home/BBT/Assurance_Credit_Export
On y trouve entre autres les formulaires d’ouverture, les règles de calcul de prime et celles d’incorporation des parts étrangères. Dans l’ensemble, le formalisme de ces documents est identique sur le fond pour tous les assureurs publics.
La recherche d’un financement export
La société Oviv répond à un appel d’offres pour la livraison d’une petite installation de pompage « clés en main » (turn keys) dans un pays africain. Bien évidemment, l’acheteur, une administration locale, souhaite que, dans l’offre remise par les soumissionnaires, une solution de financement soit proposée. C’est le début d’une longue expédition.
Le directeur financier va tout d’abord questionner son banquier principal pour savoir si un crédit acheteur est possible sur le pays visé. Le banquier pourra peut-être lui proposer un accord-cadre signé avec un de ses partenaires bancaires locaux. Il restera alors au directeur financier à trouver une solution de financement pour les 15 % supposés être réglés au comptant et, surtout, un assureur-crédit acceptant de garantir les 85 % financés par la banque.
Pour la première partie, l’acheteur étant d’accord pour faire avaliser par une banque de premier rang un effet de la totalité de la part comptant, le forfaitage s’avère être une bonne solution, à la fois pour sécuriser l’opération et pour améliorer la trésorerie d’Oviv. Pour l’assureur-crédit, notre directeur financier contactera la direction des garanties publiques de Coface et remplira un formulaire de DAC (Demande d’assurance-crédit). Parmi les éléments requis figureront principalement les informations suivantes :
– coordonnées du débiteur ;
– pays du débiteur ;
– objet du contrat ;
– montant du contrat avec décomposition par monnaies ;
– part locale et offshore ;
– délais d’exécution ;
– modalités de paiement ;
– garanties sollicitées.
Si Coface, pour différentes raisons, refuse de garantir l’opération, notre directeur financier prendra son bâton de pèlerin et contactera plusieurs assureurs privés anglo-saxons. Soyons optimistes : l’opération se réalise. Une convention de crédit acheteur est signée.
L’acheteur commencera à rembourser dans 2 ans, mais Oviv pourra effectuer son premier tirage sur le crédit dans 9 mois.