Constatant, au début des années 1990, d’une part une réelle dégradation des délais de paiement intracommunautaires, d’autre part, une sérieuse disparité, dans ce domaine, entre pays de l’Europe du Nord et de l’Europe du Sud, la Commission a souhaité mettre en place des dispositions visant deux objectifs : réduire ces délais pour les pays latins et harmoniser les pratiques liées au paiement des pénalités pour paiement tardif des factures.
Prenant aussi exemple sur la France et sa procédure d’injonction de payer, la Commission a également souhaité que chaque pays mette en place des voies d’exécution rapide pour des créances non contestées.
La totalité des 27 États membres de l’UE a transposé la directive 2000/35/CE dans des délais plus ou moins raisonnables, souvent sous contrainte, car l’esprit de ce texte n’était pas totalement respecté. Néanmoins, il semble que, dans certains pays du Sud – Espagne, Italie, Grèce –, la crise financière a eu pour conséquence évidente que la législation mise en place n’a pas été très efficace.
2.1 La transposition française
La transposition en France de la directive 2000/35/CE sur les délais de paiement s’est concrétisée avec l’article n° 53 de la loi NRE du 15 mai 2001 et la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite loi LME.
Voici les points importants de l’article n° 53 de la loi NRE, transposés dans le Code de commerce.
– Le quatrième alinéa de l’article L. 441-3 du code de commerce est ainsi rédigé :
« La facture mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d’escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l’application des conditions générales de vente ainsi que le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé. ».
– Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 441-6 du même Code sont ainsi rédigés : « Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. »
On constate que la loi NRE n’évoquait qu’un délai de paiement par défaut. La loi LME a corrigé cette anomalie en mentionnant le plafond fixé à ce délai dans le cas de dispositions conventionnelles, soit 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.
L’article 441-6 du Code de commerce a reclarifié les modalités liées au retard de paiement : « Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. »
« Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à une fois et demie le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. »
En pratique, hélas, on constate que ces dispositions ne sont pas vraiment efficaces et respectées dans certains secteurs d’activité, sous la pression des acheteurs, en dépit des efforts du législateur pour renforcer le rôle des conditions générales de vente. Ultime modification, le 2 août 2005, de l’article 441-6 du Code de commerce : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout acheteur de produits ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle, qui en fait la demande, ses conditions générales de vente. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. »
Nous continuons de voir des fournisseurs renoncer à leurs conditions générales de vente sans contrepartie réelle.
Repère
La portée à l’export
Attention ! Contrairement à certaines idées reçues, ces dispositions s’appliquent aux factures commerciales export.
En effet, étant d’ordre public, elles s’appliquent dès lors que l’une
des parties réside sur le territoire français. Un mince assouplissement
est toutefois accepté par les pouvoirs publics : les fournisseurs ne
sont pas tenus de faire figurer des pénalités de retard dans leurs
conditions de vente export si cette mention peut s’avérer préjudiciable
au développement de leur activité.
2.2 Trois exemples de transposition : Belgique, Espagne, Royaume-Uni
À ce jour, la directive européenne 2000/35/CE sur les délais de paiement a été transposée dans la totalité des États membres. Voici quelques exemples.
Belgique
La Belgique l’a transposée dans la loi C – 2002 / 09716 du 2 août 2002 : « Loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales », publiée en français et en néerlandais dans le Moniteur Belge du 7 août 2002.
C’est son chapitre 2 « Du retard de paiement dans les transactions commerciales » qui nous intéresse ici. Quelques extraits :
– Art. 4 : « S’il n’en a été autrement convenu par les parties, tout paiement en rémunération d’une transaction commerciale doit être effectué dans un délai de trente jours à partir du jour qui suit :
1° la réception par le débiteur de la facture ou d’une demande de paiement équivalente ou de la réception des marchandises… »
Notons que le législateur belge évoque la date de réception de la facture. Cette date n’étant pas maîtrisable par le créancier sauf à envoyer toutes ses factures par lettre recommandée ou, mieux, à les transmettre par voie électronique.
– Art .5 : « S’il n’en a pas été autrement convenu par les parties […], lorsque le débiteur ne paie pas dans le délai de paiement convenu […], le créancier a le droit, à compter du jour suivant, de plein droit et sans mise en demeure, au paiement d’un intérêt au taux directeur majoré de sept points de pourcentage et arrondi au demi-point supérieur. »
– Art. 6 : « S’il n’en a pas été autrement convenu par les parties […], lorsque le débiteur ne paie pas dans le délai de paiement convenu […], le créancier est de plein droit, sans préjudice de son droit au remboursement des frais judiciaires conformément aux dispositions du Code judiciaire, de réclamer au débiteur un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement pertinents encourus par suite du retard de paiement. »
Espagne
En Espagne, tout comme en France, la directive a été transposée en deux temps. Tout d’abord, la loi 3/2004 du 29 décembre 2004 pour lutter contre les retards de paiement dans les opérations commerciales, entrée en vigueur le 31 décembre 2004. Le législateur n’a alors, comme en France, institué un délai de paiement que par défaut :
– 30 jours après la date de réception de la facture ;
– ou 30 jours la date de réception des marchandises ;
– ou encore 30 jours après la remise des biens ou de la prestation de services.
Devant l’inefficacité de cette loi, le législateur a promulgué la loi 15/2010 du 5 juillet 2010, entrant en vigueur en trois étapes :
– pour les entreprises commerciales
– jusqu’au 31/12/2011 : 85 jours
– jusqu’au 31/12/2012 : 75 jours
– à partir du 1er/01/2013 : 60 jours
– Pour les transactions avec l’administration
– jusqu’au 31/12/2011: 50 jours
– jusqu’au 31/12/2012 : 40 jours
– à partir du 1er/01/2013 : 30 jours
Royaume-Uni
Le cas du Royaume-Uni est un peu plus complexe, ne serait-ce que par la diversité des droits commerciaux : droit anglais, irlandais, écossais et gallois. Ainsi, il y a deux transpositions de la directive européenne sur les délais de paiement, l’une qui concerne les droits anglais, gallois et irlandais, et une autre qui modifie le droit écossais.
En fait, le Royaume-Uni a été quelque peu précurseur en ce domaine. Déjà, le « Unfair Contract Terms Act of 1977 » recommandait de ne pas dépasser des délais de paiement « raisonnables ». La transposition de la Directive est plutôt axée sur le traitement des pénalités de retard : il s’agit du « Late payment of commercial debts Regulations » de 1998, amendé le 7 août 2002.