Dans de nombreux pays, il existe des procédures d’urgence, plus ou moins proches de celle que l’on connaît en France sous le nom d’injonction de payer. Cette dernière s’avère particulièrement efficace dans le cas du recouvrement de créances non contestées par le débiteur.
Ces procédures portent des noms différents selon les pays. La directive européenne 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales n’a pas voulu harmoniser les procédures exécutoires, mais elle a néanmoins souhaité que chaque État membre mette en place une procédure efficace, de préférence peu onéreuse, pour permettre aux créanciers d’obtenir gain de cause haut (voir Chapitre IV).
Finalement, afin d’uniformiser ces procédures, le Parlement européen a formalisé le Règlement (CE) n° 1896/2006 instituant une procédure d’injonction de payer européenne entré partiellement en vigueur le 12 juin 2008 et dans sa globalité le 12 décembre 2008.
Il a pour objectif de faciliter aux créanciers le recouvrement des créances transfrontalières incontestées, rapidement et à moindre coût.
Repère
Quelques principes de base pour une action rapide
Voici ce qu’exposait, dans un excellent texte que l’on a pu consulter sur Internet, le juriste Serge Kauder* :
«- Preuve de la créance ou pas ?
Le modèle “avec preuve” en vigueur en Belgique, en France, en Espagne, en Grèce, en Italie et au Luxembourg requiert au moins une preuve écrite pour justifier la créance.
Le modèle “sans preuve” en vigueur en Allemagne, en Autriche, en Finlande, en Portugal et en Suède ne prévoit pas d’examen au fond de la cause de la créance par la juridiction. Seul un contrôle formel de la requête est effectué, en général par le greffier.
Néanmoins, en Autriche, une législation adoptée en 2003 impose un examen rapide du fond de la demande.
– Recours pour le débiteur ?
Le nombre de voies de recours varie selon les pays.
En Autriche, Espagne, en France, en Grèce, en Italie et au Portugal, une seule voie de recours permet de contester la créance.
En Allemagne, en Finlande et en Suède, selon le type d’action, le plus souvent deux voies de recours.
– Montant maximum de la créance ?
Des singularités nationales apparaissent quant aux montants visés par l’injonction de payer.
L’Autriche, la Belgique, l’Espagne et le Portugal plafonnent le montant de la créance, 1 850 euros en Belgique et 30 000 euros en Autriche et en Espagne.
L’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg et la Suède ne fixent aucune limitation.
Au Luxembourg, la “provision sur requête” est mise en œuvre pour les créances dont le montant est supérieur à 10 000 euros. »
* Source : Institution d’une injonction de payer européenne, par Serge Kauder, juriste. On peut lire l’intégralité du texte sur le site : www.net-iris.fr/blog-juridique/
2.1 Panorama des procédures existantes en Europe
Allemagne
Mahnbescheid
– Compétence : tribunal civil, domicile du demandeur (avant opposition).
– Pour les créances étrangères, tribunal de Schöneberg à Berlin.
– Procédure simple (pas d’obligation de produire les pièces justifiant le caractère incontestable de la créance), peu onéreuse, présence d’un avocat non nécessaire.
– Délai d’opposition : 15 jours.
– Décision rendue par le greffe du tribunal.
– Notification possible par voie postale.
Autriche
Mahnverfahren
– Montant maximum : 30 000 euros.
– Les demandes pécuniaires dont le montant n’excède pas 10 000 euros doivent être portées devant un Bezirksgericht (tribunal cantonal ou de district).
– Toutes les créances dépassant 10 000 euros et n’excédant pas 30 000 euros sont à faire valoir devant les tribunaux régionaux (Landesgericht désignés également sous l’appellation Gerichtshöfen erster Instanz – Cours de première instance).
– Avocat obligatoire au-delà de 4 000 euros.
– Titre exécutoire très rapide.
Belgique
Tribunal de commerce
– Montant maximum : 1 860 euros, au-delà, TGI.
– Signature d’un avocat obligatoire.
– Le juge apprécie le caractère incontestable de la créance…
– Jurisprudence très rigoureuse.
– Actions très aléatoires.
Danemark
Pas d’injonction de payer au sens propre du terme
– Procédure exécutoire uniquement sur reconnaissance de dette signée ou en cas de recours cambiaire.
– Signification par huissier.
– Présence d’un avocat conseillé.
– Sans titre cambiaire, citation à comparaître.
Espagne
– Depuis 2001, plusieurs procédures rapides, dont une, juicio monitorio, s’apparente à notre procédure d’injonction de payer, pour des montants supérieurs à 3 000 euros et inférieurs à 30 000 euros. Elle se déroule devant le juge de première instance du domicile ou de la résidence du débiteur.
– Pour les créances inférieures à 3 000 euros, procédure dite de « jugement oral » (juicio verbal).
– Pour ces deux procédures, au-delà d’un montant de 900 euros, si le débiteur conteste l’action du créancier, l’intervention d’un avocat et d’un avoué sont nécessaires.
Finlande
Sommation de payer (Suppea Haastehakemus)
– Procédure simple, très rapide mais coûteuse (garantie bancaire parfois demandée au créancier).
– Avocat conseillé.
– Créance non contestée.
Royaume-Uni
Pas de procédure d’injonction de payer mais
– Une procédure devant le County Court jusqu’à 15 000 GBP (environ 24 000 euros).
– Au-delà, procédure devant la High Court.
– Délai de 14 jours pour contester.
Grèce
Diataghi Pliromis
– Procédure semblable à la procédure française.
– Créance certaine valant reconnaissance de dette, non contestable (titre cambiaire, facture contresignée par le débiteur…).
– Assistance d’un avocat obligatoire.
Irlande
Depuis le 11 janvier 2010, procédure spécifique aux très petites créances :
– District Court (Small Claims) Rules 2009. Montant maximum : 2 000 euros. Summary judgment.
– Titre exécutoire si non-contestation ou non-présence du débiteur à l’audience.
– Compétence du tribunal de district jusqu’à 6 348 euros, au-delà, Haute Cour.
Italie
Decreto ingiuntivo
– Procédure sommaire et rapide, devant le tribunal de commerce, créance certaine, exécution rapide si non-contestation.
– Délai d’opposition : 40 jours.
– Procédure exécutoire si recours cambiaire (traite ou chèque).
Autrement, procédure très longue.
Pays-Bas
Pas de procédure spécifique d’injonction de payer
– Procédure par défaut (articles 139 à 142 du code de procédure civile) : dans bon nombre de cas pour lesquels le paiement n’a pas été effectué, elle peut remplir la fonction d’une injonction de payer
– Pas de montant maximum.
Portugal
Injunçao
– Depuis mars 2003, plus de montant maximum pour les transactions commerciales. Plafond uniquement pour les obligations pécuniaires : 14 963,94 euros.
– Créance civile ou commerciale.
– La présence d’un avocat n’est pas nécessaire mais recommandée.
Roumanie
Procédure spécifique
plus ou moins efficace, définie dans le code de procédure civile (loi n° 195/2004).
– Pas de montant maximum.
– La présence d’un avocat n’est pas obligatoire, mais très fortement recommandée.
Suède
Betalningsforelaggande
– Comme en France, la présence d’un mandataire de justice n’est pas obligatoire.
– La signification de l’ordonnance rendue peut être faite par voie postale.
– La créance doit être certaine et surtout non contestée.
– Procédure efficace, comme en France et en Allemagne.
– Procédure gérée par l’Office des poursuites (Kronofogdemyndighet).
2.2 Le Règlement européen n° 1896/2006
On n’a pas suffisamment de recul pour apprécier l’efficacité du Règlement (CE) n° 1896/2006 instituant une procédure d’injonction de payer européenne, déjà cité. Mais, selon les quelques témoignages recueillis par l’auteur du présent guide, il semble bien répondre aux attentes des utilisateurs, en étant à la fois relativement simple et peu onéreux.
Nous reproduisons ci-dessous le texte du Règlement qui livre les principes essentiels :
« – Article premier
Objet :
1. Le présent règlement a pour objet :
a) de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d’injonction de payer ;
et
b) d’assurer la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l’ensemble des États membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution.
– Article 2
Champ d’application
1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale dans les litiges transfrontaliers, quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique.
– Article 3
Litiges transfrontaliers
1. Aux fins du présent règlement, un litige transfrontalier est un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie.
– Article 7
Demande d’injonction de payer européenne
1. Une demande d’injonction de payer européenne est introduite au moyen du formulaire type A figurant à l’annexe I.
2. La demande comprend les éléments suivants :
a) le nom et l’adresse des parties, et le cas échéant de leurs représentants, ainsi que de la juridiction saisie de la demande ;
b) le montant de la créance, notamment le principal et, le cas échéant, les intérêts, les pénalités contractuelles et les frais ;
c) si des intérêts sont réclamés sur la créance, le taux d’intérêt et la période pour laquelle ces intérêts sont réclamés, sauf si des intérêts légaux sont automatiquement ajoutés au principal en vertu du droit de l’État membre d’origine ;
d) la cause de l’action, y compris une description des circonstances invoquées en tant que fondement de la créance et, le cas échéant, des intérêts réclamés ;
e) une description des éléments de preuve à l’appui de la créance ;
f) les chefs de compétence ;
g) le caractère transfrontalier du litige au sens de l’article 3.
Quand les conditions pour l’introduction d’une demande d’injonction de payer européenne sont réunies, la juridiction délivre l’injonction de payer européenne dans les meilleurs délais, c’est-à-dire en principe dans un délai de trente jours à compter de l’introduction de la demande. Le calcul du délai de trente jours ne comprend pas le délai nécessaire au demandeur pour compléter, rectifier ou modifier sa demande.
L’injonction de payer européenne est délivrée sur le seul fondement des informations fournies par le demandeur, non vérifiées par la juridiction. L’injonction de payer européenne deviendra exécutoire sauf si le défendeur forme opposition auprès de la juridiction d’origine. »
Commentaire : un point important est que le règlement supprime l’exequatur, c’est-à-dire que l’injonction de payer européenne est reconnue est exécutée dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire et sans qu’il soit possible de contester sa reconnaissance. Les procédures d’exécution sont régies par le droit national de l’État membre dans lequel l’exécution de l’injonction de payer européenne est demandée.
Le conseil de Jean-Claude
Pour le recouvrement de créances sur l’Union européenne, deux sites indispensables :
– http///eu.europa/eu/civiljustice/
On y trouve d’ailleurs le texte du règlement, avec une introduction pertinente, à l’adresse : http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/judicial_cooperation_in_civil_matters/l16023_fr.htm
Tout sur les procédures, l’organisation judiciaire des différents États membres de l’Union européenne.
– Le site de Coface : www.coface.fr/, cliquer sur « risks_home/risques_pays »
Pour des créances en Europe et hors Europe, une source : International Debt Collection Handbook, 2011, à télécharger sur le site anglais d’Atradius (gratuit) : www.atradiuscollections.com/private/general/international-debt-collection-guide-handbook.html