Le recouvrement de créances sur l’étranger s’avère bien évidemment beaucoup plus difficile que le recouvrement « domestique ». Les problèmes d’éloignement, de langue, de culture sont autant d’obstacles qu’il faut maîtriser pour arriver à ses fins.
Lorsqu’on en arrive au stade judiciaire, il faut aussi tenir compte du droit applicable et du formalisme dans de nombreux États : lettre recommandée ou non ? Assistance d’un avocat ou non ? Et tenir compte de la lenteur des décisions de justice et de leur exécution.
Mais surtout, encore plus qu’en France, les actions de recouvrement des factures doivent être engagées le plus rapidement possible. Plus une créance est ancienne, plus ses chances de recouvrement rapide sont aléatoires, surtout à l’étranger.
Pour énoncer une lapalissade, assurez-vous que vos contrats et ou conditions générales de vente sont suffisamment protecteurs pour vous garantir quelque chance d’avoir gain de cause. Et qu’entre autres, les clauses financières sont suffisamment rigoureuses (voir aussi chapitre III).
Et, last but not the least, posez-vous la question de savoir si des limites de crédit sont établies pour chaque client, et, dans l’affirmative, si elles sont respectées !
Le conseil de Jean-Claude
À l’international, le risque pays prime sur le risque commercial. La réglementation et les risques spécifiques au pays de destination doivent donc être maîtrisés et les paiements sécurisés avant de signer le contrat. Il faut donc adapter ses techniques de recouvrement à chaque pays. Voici les bons réflexes à acquérir :
– do it and don’t (que faire et ne pas faire)
– quelle est la règlementation locale ?
Agir vite, très vite.
Avoir un dossier vraiment bien bordé.
1.1 En interne : suivre les échéances
C’est le recouvrement amiable direct. Face à un impayé, l’entreprise exportatrice doit dans un premier temps adresser le plus tôt possible une lettre de relance, en anglais de préférence (voir modèles plus loin).
– Pour des montants significatifs, afin de déceler les éventuels litiges, techniques ou administratifs susceptibles de retarder le paiement, on prendra soin de faire de la relance anticipée, en appelant le débiteur quelques jours avant l’échéance afin de s’assurer qu’aucun obstacle ne s’opposera au règlement de la facture à l’échéance prévue.
Quelle que soit l’opinion que l’on a de l’efficacité des lettres de relance à l’étranger, il n’en demeure pas moins que l’on est tenu d’en adresser une ou plusieurs, selon le cas, avant d’entamer une procédure plus vigoureuse, ceci d’autant plus que certaines législations locales imposent l’envoi d’une mise en demeure (Allemagne par exemple).
Dans la mesure du possible, il faut éviter les lettres standard issues des systèmes d’information et personnaliser le plus possible les relances. La plupart des logiciels offrent cette possibilité, outre le choix souvent large de la bibliothèque de relances disponibles.
Le téléphone, le fax et l’e-mail sont aussi des outils efficaces dans le suivi du bon règlement des créances.
– Pour des montants élevés, rien ne vaut un déplacement chez le client. Il importe alors de décider si cette action ressortit au domaine des commerciaux ou est plutôt à réserver aux financiers. C’est un problème de management (et de budget…). Pour nous, à ce niveau, après une dernière action du commercial, il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure et de rencontrer l’interlocuteur financier.
Dans l’hypothèse d’un accord de rééchelonnement de la créance, pensez toujours à le formaliser sur place, par un écrit, contresigné par les deux parties et reconfirmé dès votre retour en France.
Avant toute action externalisée, bien analyser le retard de paiement : est-il dû à un litige ? Est-ce la conséquence d’un problème temporaire de trésorerie ? Ou bien le débiteur n’est-il qu’un mauvais payeur chronique ?
Dans ce dernier cas, il peut s’avérer judicieux de mettre en place un programme d’analyse du comportement payeur des clients, afin de leur attribuer une note qui permettra de les suivre avec des scénarios de relance différents, adaptés à leur comportement passé. Dans tous les cas, la phase amiable doit être la plus courte possible, et il faudra songer à l’externalisation des actions.
Le conseil de Jean-Claude
Attention ! Dans tous les cas de figure, bien respecter les deux principes suivants :
– Agir vite
– Ne pas inonder le débiteur de lettres inutiles
Un peu d’humour
Sur un site Internet américain, nous avons lu récemment quelques conseils sur « ce qu’il ne faut pas faire » (et ce n’était pas de l’humour…) :
• utiliser la force physique pour recouvrer ses créances ;
• harceler les débiteurs par courrier (passible d’amende en Grande-Bretagne) ;
• harceler les débiteurs en laissant sonner le téléphone de longues minutes ;
• utiliser un langage obscène dans ses actions de relance.
1.2 Externaliser : le choix d’un prestataire
Passé la période amiable, il faudra faire le choix de la méthode d’externalisation. Celle-ci dépendra beaucoup du montant en jeu et du pays du débiteur.
Quelle que soit la méthode utilisée, bien rappeler au mandataire qui sera choisi qu’il est inutile qu’il recommence lui-même une longue phase amiable. Une simple lettre d’information au débiteur suffira, puis il sera temps de passer aux choses plus sérieuses.
Des options variables selon les pays
Pour un pays comme la Grande-Bretagne, par exemple, il pourra s’avérer judicieux d’avoir recours très vite à des mesures conservatoires coûteuses, assez délicates à mettre en œuvre, mais souvent efficaces. Le droit anglais offre ainsi deux mesures de procédure d’urgence, parfois utilisées conjointement, et dont l’ambition est de protéger le créancier contre la disparition de ses biens :
– la Mareva injunction : il s’agit d’une saisie conservatoire, à n’engager que pour des créances d’un montant élevé. Sa mise en œuvre peut s’effectuer dans un délai très court, 24 à 48 heures, avec souvent en contrepartie la délivrance par le créancier d’une garantie en cas d’action abusive.
– l’Anton Piller Order : cette ordonnance, au coût assez élevé, permet en fait au créancier de pénétrer sans préavis chez le débiteur et de saisir de façon conservatoire les marchandises.
Autre exemple, en Allemagne, pour être efficace, une action en recouvrement doit débuter par une mise en demeure recommandée. Si aucun texte n’interdit au créancier de la rédiger lui-même, il est néanmoins recommandé, pour des sommes importantes, de la faire rédiger et adresser par un avocat allemand. Cette lettre permettra, dès sa réception par le débiteur, de lui faire supporter les frais de rappel et les honoraires d’avocats ou de sociétés de recouvrement.
Le conseil de Jean-Claude
Attention, pour ne pas se faire avoir par certains prestataires peu scrupuleux, essayer de négocier « no collection, no fees basis » (pas de recouvrement, pas d’honoraires), surtout dans certains pays d’Europe du Sud.
N’utiliser les agences que pour les montants faibles et ayez directement recours à un avocat pour les montants élevés.
Quel type de prestataire
La question se pose de savoir s’il vaut mieux avoir recours à une agence de recouvrement ou aux services d’un avocat.
Là aussi, le montant et le pays du débiteur seront des critères non négligeables. La plupart des sociétés de recouvrement ont des correspondants, du moins dans les pays européens. Leur efficacité sera néanmoins limitée selon qu’elles auront ou non la possibilité de pouvoir intervenir elles-mêmes devant les tribunaux. Dans la négative, elles ne serviront que de relais avec les avocats locaux et leur utilité se limitera au traitement de masse.
À noter que, certains grands assureurs-crédits ayant leur propre société de recouvrement, ils offrent désormais la possibilité de faire profiter les non-assurés de leur expertise en la matière.
Pour des créances très élevées, le doute ne doit pas exister. Le choix d’un avocat s’imposera de lui-même. En revanche, il pourra s’avérer délicat de choisir entre un avocat local et un avocat français, solidement représenté dans le pays du débiteur. Dans ce dernier cas, on privilégiera peut-être un juriste titulaire des deux barreaux, français et celui du débiteur.
Pour le choix d’un avocat local, les Missions économiques seront souvent de bon conseil. On recommandera aussi de consulter le Guide Moci des avocats d’affaires à l’international (3e édition, 16 février 2012), qui indique, pour une soixantaine de pays, les cabinets français ou francophones. Dans tous les cas, pensez à « verrouiller » les clauses de paiement des honoraires, détaillés de préférence.
Il faut aussi se poser la question de l’efficacité des actions devant des tribunaux locaux. Elle est très variable d’un pays à l’autre. On consultera sur ce point le Guide du Moci « Atlas des risques pays à l’usage des exportateurs » (3e édition, juin 2011), qui détaille pour 109 pays, quel est le tribunal compétent en cas de litige et son efficacité (pour les deux guides du Moci cités, voir les références en annexe 3, « Sources utiles »).
Un point demeure certain : l’internationalisation des affaires crée des problèmes juridiques très complexes que seuls des cabinets spécialisés peuvent correctement résoudre. Il faut que ces spécialistes soient très rapidement saisis et mis en possession de toutes les pièces nécessaires :
– facture (s) impayée(s) ;
– preuve de la livraison ;
– bon de commande.
Si le dossier du créancier est solide, dans de nombreux cas, une procédure d’urgence sera plus efficace et d’un coût moindre qu’un procès formel. Encore une fois, la parfaite connaissance des usages locaux sera déterminante dans le choix du mandataire.
Avis d’expert CM-CIC Factor : la gestion des créances doit être différenciée
Si le recouvrement d’une créance sur le marché domestique reste une procédure relativement simple, il en va tout autrement à l’international où l’environnement et l’éloignement compliquent les opérations : analyse du risque pays, analyse de la solvabilité du débiteur, choix du mode de transport et des Incoterms, définition des conditions de paiement (devise, support de règlement), rédaction des CGV et CGA avec désignation de la juridiction compétente sont autant d’éléments qu’il convient de valider préalablement à toute transaction. Si à cela nous ajoutons la problématique linguistique et les spécificités juridiques locales, il est aisé de comprendre que le recouvrement est une affaire de spécialistes.
La gestion des créances doit être différenciée en fonction des pays de destination, des délais de règlements et des dégradations de ces délais*. La sécurisation du paiement doit intervenir le plus en amont possible de la date contractuelle de règlement : accord sur la livraison, absence de litiges, confirmation de la date et du support de règlement.
Le non-paiement à l’échéance d’une créance doit immédiatement entraîner une première action amiable auprès du débiteur. Cette démarche, qui peut être externalisée auprès de sociétés spécialisées, vise à récupérer le plus rapidement possible le montant de la créance tout en préservant les relations commerciales. Ne pas oublier de déclarer le sinistre auprès de la compagnie d’assurance si existence d’une police d’assurance-crédit. En cas d’échec de la procédure amiable, vient ensuite la procédure judiciaire qui peut revêtir différentes formes : injonction, assignation… S’agissant de la compétence du tribunal, tout est affaire de particularisme. L’entreprise peut avoir le choix entre une juridiction locale ou française ; dans ce cas, le préciser dans les clauses contractuelles. Pour des créances de montant élevé, un recours à une cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale est conseillé.
Compte tenu des lenteurs et lourdeurs administratives possibles, des difficultés à faire exécuter les jugements, la recherche d’une solution amiable doit rester une priorité. Sauf si l’entreprise dispose en interne de l’ensemble des compétences, l’externalisation du recouvrement, auprès de spécialistes – les sociétés d’assurance-crédit, d’affacturage, de recouvrement – est vivement conseillée.
* Sur un panel de 1 758 entreprises réparties dans 9 pays de L’UE, 10 % des factures B-to-B à l’export sont considérées comme irrécouvrables par le créancier. En Italie et Grande-Bretagne, ce sont 18 %. 30 % des factures sont payées en retard, dont 11 à 12 % avec un dépassement d’échéance supérieur à 60 jours. (Source : enquête Atradius Credit Insurance.)