Nul ne connaît leur nombre précis, mais les EFE (entreprises françaises à l’étranger), seraient, selon la délégation aux entreprises du Sénat, « les grandes oubliées du plan de relance ». Ces entreprises gérées par des ressortissants français mais de droit local, qui ont déjà fait l’objet d’un article par Le Moci, ne reçoivent aucun soutien financier de la part du gouvernement français et près de 90 % d’entre elles ne bénéficieraient d’aucune aide dans leur pays d’implantation selon une estimation des CNCCEF (le comité national des conseillers du commerce extérieur français). La sénatrice Jacky Deromedi (LR), qui représente les Français établis hors de France, a présenté le 17 décembre un rapport sur ces EFE, assorti de 11 proposition concrètes (voir le PDF en fin d’article). Revue de détail.
- Proposition 1 : identifier les EFE
Avant de leur porter secours, encore faut-il s’entendre sur ce qu’est une EFE. La première action serait donc d’en donner une définition. Suffit-il que l’entrepreneur soit de nationalité française ? Doit-on estimer une part minimum d’importations de marchandises depuis la France ? Et dans le cas d’une entreprise de services, quels critères utiliser ?
Cette tâche de définition d’une méthodologie reviendrait au Conseil national de l’information statistique (CNIS), avec le concours de l’INSEE. - Proposition 2 : les recenser
Le rapport propose de confier à un « comité d’identification des EFE », placé sous la responsabilité des services économiques des ambassades, et constitué de toutes les parties prenantes du commerce extérieur, le soin de recenser localement les entreprises françaises à l’étranger en respectant la méthodologie élaborée par le CNIS. - Proposition 3 : pérenniser le travail de veille des dispositifs d’aides des principaux partenaires commerciaux de la France
- Proposition 4 : créer un fonds d’urgence pour les Français de l’étranger
Jacky Deromandi propose la création d’une caisse de secours permanente à destination des victimes de catastrophes naturelles ou d’événements politiques majeurs, susceptible d’aider les entreprises françaises à l’étranger en cas de crise sanitaire et économique exceptionnelle. « Une aide sociale d’urgence dotée d’une enveloppe de 50 millions d’euros a été créée le 30 avril dernier, précise la sénatrice. Les aides varient de 47 à 150 euros par ménage, auxquels il faut ajouter 100 euros par enfant, mais les conditions d’attribution sont aujourd’hui très opaques ». - Proposition 5 : rendre le réseau CCI-FI éligible aux prêts garantis par l’État
Crise économique oblige, les CCI françaises à l’étrangers ont vu leurs revenus diminuer. Les rendre éligible aux PGE, via l’entité nationale CCI, leur permettrait de continuer à épauler les entreprises françaises sur place. - Proposition 6 : rendre les aides accessibles aux EFE
Cette proposition, qui s’adresse en priorité aux TPE et aux autoentrepreneurs, permettrait de rendre accessible aux EFE non seulement les aides françaises, mais aussi, lorsqu’elles existent, les aides allouées par les pays étrangers. « Les entreprises européennes implantées en France perçoivent des aides, comme les filiales d’entreprises françaises à l’étranger, mais les EFE n’ont accès à rien », a abondé Jacky Deromedi. - Proposition 7 : étendre temporairement la garantie des prêts ARIZ
Gérés par l’agence française de développement (AFD), ces prêts d’accompagnement du risque
de financement de l’investissement privé en zone d’intervention (AZIR) sont des garanties en perte finale proposée aux institutions financières pour couvrir 50 % à 75 % d’un prêt individuel ou un portefeuille de prêts aux PME et aux institutions de microfinance. Le rapport évoque la possibilité d’aller, temporairement, au-delà de 75 %. - Proposition 8 : rendre temporairement la garantie publique sur le crédit-fournisseur accessible aux TPE françaises à l’étranger
A condition qu’un lien économique significatif existe avec la France. - Proposition 9 : élargir le dispositif Garantie Choose Africa Resilience
Ce dispositif de l’AFD concerne les garanties accordées à des banques locales pour couvrir des prêts à des TPE/PME, d’une durée comprise entre 1 et 4 ans. Ces prêts seront garantis par le Groupe AFD à hauteur de 80 % du risque porté par les banques. L’idée serait de l’étendre aux entreprises « essentielles aux intérêts français » et situées en dehors du continent africain. - Proposition 10 : rendre le volontariat international en entreprises (VIE) accessible aux EFE
Pour ce faire, il faudrait, selon ce rapport, encourager la constitution d’une société de droit français permettant aux entreprises françaises à l’étranger d’avoir accès à ce dispositif. Et ainsi aider les EFE à mieux traverser la crise. - Proposition 11 : permettre à Bpifrance d’apporter une contre-garantie aux banques locales
La concrétisation de cette dernière proposition aiderait la reconstitution de trésorerie d’entreprises françaises à l’étranger directement impactées par la crise sanitaire. Les banques locales pourraient ainsi financer des entreprises locales grâce à une contre-garantie publique.
Le projet est ambitieux et sa réalisation urgente car 30 % de ces dirigeants d’EFE seraient déjà rentrés en France selon des estimations d’élus locaux. Souvent dans des conditions sociales difficiles. Pour Jacky Deromedi, « quand on veut faire les choses rapidement on peut les faire et si tout le monde s’y met, si on créée un comité, ça peut aller très vite ». Reste à savoir si la volonté politique est là. Et en la matière, la doctrine gouvernementale est « pas d’impôts, pas d’aides ».
Pourtant ces entreprises du bout du monde, comme cette boulangerie en Asie qui importe sa farine depuis la France ou cette agence de voyage qui a fait venir des milliers de citoyens indiens en France, participent indirectement à l’économie française. Si ces propositions sont retenues et mises en pratique, tout l’enjeu sera de déterminer précisément leur contribution à la création de richesse sur le sol national.
Sophie Creusillet