À l’occasion de la présentation par le Réseau d’innovation internationale pour l’industrie (R3ilab) de l’étude « Scenarii mode et textiles 2020 », l’Institut français de la mode (IFM) a organisé un colloque, à Bercy, le 21 juin. Lancé par le ministère de l’Industrie en septembre 2010, R3ilab propose quatre scénarios sur l’avenir de l’économie mondiale.
« Dans le premier, on passe en dix ans d’une mondialisation dure, qui est la situation actuelle, à une mondialisation sauvage. La croissance économique ne dépasse pas 2 % par an, c’est la guerre monétaire et l’euro hésite entre orthodoxie monétaire et déficits », expose Stanislas Vandier, coordinateur de R3ilab. Deuxième scénario, celui de « la mondialisation pacifiée » : « On assiste alors à un rééquilibrage des monnaies », selon le responsable du réseau d’innovation.
Troisième scénario, « la régionalisation du monde » : « Outre le rééquilibrage des monnaies, la planète évolue vers une régionalisation de ses échanges », explique Stanislas Vandier, pour qui le passage progressif du premier au deuxième, puis au troisième scénario serait idéal. Mais il y a un quatrième scénario, de loin le plus pessimiste, qui ne peut être exclu, appelé « protectionnismes régionaux » : la guerre monétaire est alors ouverte et des mesures de protectionnisme régional sont prises.
Ni R3ilab, ni l’IFM, ni la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) au ministère de l’Industrie, ne privilégient aujourd’hui une de ces quatre pistes. En revanche, une enquête a été menée entre le 11 mai et le 10 juin dernier auprès de la filière textile et habillement. Au total, 254 questionnaires ont pu être exploités, représentant les industriels de l’amont comme les services, en passant par la confection, la création et la distribution. D’après cette enquête, seuls 7 % des professionnels interrogés croient à un retour des protectionnismes – c’est le score le plus faible des quatre scénarios. Au contraire, c’est le scénario le plus positif, « la régionalisation du monde », qui a recueilli le plus de suffrages, soit 44 %. Un optimisme étonnant, quand on pense à la percée continue des pays émergents sur le marché planétaire, notamment la Chine.
Il y a 25 ans, l’Italie était le premier pourvoyeur de vêtements en France. Aujourd’hui, la Chine vend dans l’Hexagone quatre fois plus d’habillement que ce pays. Elle ne comptait que pour 16 % dans les importations d’habillement de l’Union européenne (UE) en valeur en 2000. Dix ans plus tard, cette part est montée à 44 %. On a beau prévoir une hausse de 80 % des coûts salariaux en Chine cette année, après une augmentation de 20 % en 2010, la domination du pays dans les approvisionnements européens va perdurer. Car les entreprises de l’empire du Milieu commencent à délocaliser du littoral vers le centre, où les salaires sont inférieurs, et dans les États voisins (Vietnam, Bangladesh…).
« Quel que soit le scénario qui deviendra une réalité, il faudra s’adapter à l’évolution des cours des matières premières et du consommateur », ajoute Dominique Jacomet, directeur général de l’IFM. Ainsi, les ressources ne sont pas illimitées et il conviendra d’anticiper les risques de pénurie. D’autre part, le consommateur est complexe, y compris en Chine, et différent dans ce pays par rapport à la France ou aux États-Unis.
François Pargny