Le 29 avril 2011 restera marqué d’une pierre blanche dans l’histoire de Sophie Hallette. Ce vendredi-là, 2 milliards de téléspectateurs sont scotchés devant leur écran pour le mariage royal de Kate Middleton et du prince William. Le monde entier s’émerveille sur la robe conçue par Sarah Burton, directrice artistique de l’agence anglaise Alexander McQueen, avec une dentelle Leavers, signée de la PME familiale Sophie Hallette.
Réalisée sur d’énormes métiers à tisser portant le nom de leur inventeur, l’Anglais Leavers, cette dentelle traverse la Manche en 1816. Fondée en 1887 à Caudry (Nord), la maison Hallette est l’un des plus anciens fabricants de dentelle, avec Noyon à Calais. L’activité du dentellier prend de l’ampleur en 1942 avec sa reprise, par Étienne Lescroart, jusqu’alors commissionnaire en dentelle. Son fils Bruno poursuit une politique de croissance externe à partir de 1983 (rachats des dentelles Berthe, Melayers, Riechers Marescot, Eurodentelle…) pour former aujourd’hui le premier groupe mondial de dentelle Leavers, qui a réalisé 19,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010-2011, en hausse de 20 %. Une croissance qui fait suite à trois exercices difficiles, durant lesquelles le dentellier s’est restructuré. Soucieux de son indépendance, son holding Holesco possède également sa propre teinturerie et plusieurs entreprises de finition.
Alors que Noyon est plutôt spécialisé dans la lingerie, Sophie Hallette est davantage présent dans les robes de luxe et la haute couture. Celles-ci représentent 75 % de son activité, contre 25 % pour la lingerie, avec des clients aussi prestigieux que Christian Dior, Chanel, Valentino…
L’international a largement contribué à cet essor. Depuis les prémisses du début des années 1960, Sophie Hallette s’est construit un réseau d’une quarantaine d’agents qui assurent à l’entreprise une présence dans plus de 60 pays. Parfois dans des conditions rocambolesques. « Nous avons pris pied au Proche-Orient en 1982, à l’occasion d’un voyage de prospection à Dubaï. J’avais emporté tout un stock de dentelle que j’ai vendu. Mais les autorités ne voulaient pas me laisser repartir avec l’argent… », s’amuse Bruno Lescroart. En 1984, il n’hésite pas à démarcher plusieurs pays d’Asie du Sud-Est à partir de Singapour, seul pays avec lequel il collaborait à l’époque. Avec succès : aujourd’hui, cette zone représente le principal marché à l’export après l’Europe. Car la France et l’Italie pèsent toujours la moitié de son activité totale. Toujours président du holding, Bruno Lescroart a passé la main à son fils Romain en 2009.
Avec son show-room parisien, créé en 1968, Sophie Hallette dispose d’une belle vitrine dans la capitale de la mode. Mais, pour démarcher à l’international, la PME a toujours préféré faire confiance à des agents plutôt que de construire un réseau en propre. « Une solution souple et économique… et qui a fait ses preuves. Alors pourquoi changer ? », juge Romain Lescroart. Et les agents sont d’autant plus engagés et fidèles que Sophie Hallette représente souvent la majeure partie de leur activité. Pourtant au début de 2011, une joint-venture commerciale, Sunrise Lace, est créée avec le chinois Brigtsun. Un choix pragmatique, dicté par l’environnement international, précise le dirigeant : « Plutôt que de craindre la concurrence à bas coût, nous avons choisi de la comprendre de l’intérieur. Nous avons trouvé un partenaire pour amorcer une phase d’observation active du marché asiatique avec un faible investissement. » Qui devrait porter ses fruits dès 2012.
Thierry Butzbach