La France disposerait de dix ans pour structurer son secteur des services avant que ses avantages concurrentiels ne soient mis en péril par les acteurs des pays émergents qui se positionnent à une vitesse fulgurante, selon un diagnostic du cabinet international de conseil Oliver Wyman, publié le 6 décembre dans une étude intitulée « Mondialisation des services : 10 années qui vont tout changer », réalisée en collaboration avec le Groupement des professions de services (GPS).
Côté forces de la France, avec un produit intérieur brut (PIB) des services de 1 460 milliards d’euros, le pays est la deuxième économie de services d’Europe, rappelle l’étude. De plus, l’Hexagone fait partie du Top 3 mondial sur 60 % des segments de services (hôtellerie, distribution alimentaire, énergie etc.).
Le pays dispose de grands champions nationaux (Vinci, Accor, Carrefour, Veolia, Orange etc…) qui ont réalisé plus de 50 % de leurs revenus à l’international en 2012. Mais tout en étant bien pourvue, s’endormir sur ses lauriers serait risqué : les leaders étrangers (KPMG, IBM, Google, Oracle, …) représentent déjà 65 % du marché français des services professionnels, des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) et des logiciels, souligne aussi l’étude.
La France doit se renforcer dans les « services exportables »
Si la France (1ère destination touristique mondiale) tire parti de son attractivité touristique, elle n’exporte pas de services à valeur ajoutée (informatique et informations, finance et assurances, services BtoB) comme l’Allemagne, l’Inde, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, note l’étude. Le pays s’exposerait ainsi aux consolidateurs étrangers qui ont déjà largement pénétré à l’international les segments à plus forte valeur ajoutée.
Le cabinet Oliver Wyman considère également qu’une nouvelle vision des services est nécessaire pour différencier les « services globaux » facilement exportables car exécutables à distance et ceux de « proximité » (McDonalds, IHG, HSBC…) dont l’internationalisation existe sous des formes différentes. Ainsi tout service est « exportable », analyse l’étude.
Pour « rester dans la course » de la mondialisation des services, la France, selon le cabinet Oliver Wyman, doit sans tarder :
- se positionner dans les services globaux qui ne représentent que 15 % de son PIB des services (contre 20 % pour l’Allemagne et le Royaume-Uni) ;
- créer des filières d’excellence dans ces domaines comme l’ont fait les Etats-Unis (propriété intellectuelle, services B2B), le Royaume-Uni (services financier), l’Inde (informatique), etc. ;
- accompagner le développement des leaders français les plus vulnérables ;
- favoriser l’internationalisation des services de proximité (tourisme, services à la personne etc.) ;
- développer l’exportation de ses savoir-faire, via des franchises par exemple.
Une hausse prévue de 8,7 % du commerce mondial des services
« La mondialisation des services est une opportunité unique pour la France – la 2ème économie de services d’Europe – pour exporter ses savoir-faire et réduire ses déficits commerciaux ; néanmoins, elle devra rattraper son retard en matière de services numériques et favoriser la consolidation de ses services de proximité (grâce à la franchise) pour faciliter ses exportations », estime Guillaume Thibault, principal et co-auteur de l’étude.
Le cabinet prévoit une croissance soutenue du commerce mondial des services avec + 8,7 % par an de 2012 à 2022, tirée par trois grandes ruptures :
- La digitalisation et le développement du cloud computing.
En 2022, le numérique représentera 14 % du chiffre d’affaires des services en France (contre 7 % en 2011) d’après les estimations du cabinet.
- L’ouverture tendancielle des marchés de services. Du fait des accords de libre-échange et de l’impact du numérique qui supprime les frontières, la concurrence locale s’ouvre à des plateformes digitales globales comme Google, Amazon…
- La stratégie de développement dans les services des grands pays émergents : Inde depuis 1980, Chine depuis 2011.
V. A.