Entre 2008, année de sa création, et 2012, le Centre de crise (CdC) du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) a dû gérer 220 situations de crise. Et ce n’est pas l’intervention l’an dernier de la France au Sahel et en Centrafrique qui va lui permettre de réduire la voilure. Bien au contraire, « la France est plus exposée, alors que d’autres pays le sont moins, comme les États-Unis qui se désengagent, le Royaume-Uni qui ne fait pas mieux et alors que l’Allemagne est, elle, absente », remarque Marc Fonbaustier (notre photo), sous-directeur du centre de situation, l’organe du CdC compétent pour assurer la veille permanente des évènements à l’étranger, analyser les menaces et les risques et planifier les réponses aux risques.
C’est ainsi que le Centre de crise délivre ses conseils, réalisant une cartographie en couleur des risques (4 couleurs) et des fiches « Conseils aux voyageurs » par pays, dont, il est vrai, le côté dissuasif est souvent critiqué par les hommes d’affaires.
S’adressant aux membres de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae), le 12 juin à Paris, Marc Fonbaustier reconnaissait que « les risks managers étaient tout à fait légitimes à se rendre dans un pays présentant un certain danger, à condition que des mesures efficaces de sécurité soient prises ».
D’abord, les 190 fiches « Conseils aux voyageurs » s’adressent plutôt « aux routards qu’aux entreprises qui ont d’autres moyens ». Ensuite, elles ne contiennent « que des recommandations » en fonction « de probabilités », donc d’évènements qui ne se produiront peut-être jamais. Enfin, reconnaît le responsable du centre de situation, « le barycentre du risque est assez haut ».
Avec le secteur privé, le CdC fait « du taylorisme », affirme Marc Fonbaustier. Pour aider les entreprises à prendre mieux en compte la sécurité de leurs salariés et de leurs familles à l’étranger, il entretient un « dialogue permanent » avec le Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), le Cercle Magellan des responsables de ressources humaines et de mobilité internationale. Le 12 juin à Paris, le sous-directeur en charge du centre de situation a encore proposé un accord de partage d’informations et d’analyse du risque au président de l’Amrae, Gilbert Canaméras, qui y a répondu favorablement.
De tels rapprochements avec la sphère privée s’inscrivent dans la politique de diplomatie économique, voulue par le « patron » du MAEDI, Laurent Fabius, « qui exerce une certaine pression sur les ambassadeurs pour qu’ils aident les entreprises », observe Marc Fonbaustier. Un rapprochement d’autant plus utile qu’aujourd’hui « 50 % de la croissance se fait avec des pays risqués, mal organisés ou pas encore émergents ».
Anticiper, résister aux pressions, planifier une évacuation
Le risque, c’est autant le risque humain (terrorisme) que sanitaire (virus). Et l’information auprès des réseaux diplomatiques et consulaires est essentielle, tout comme le relais avec le renseignement militaire, les organisations non gouvernementales (ONG), les missionnaires et les entreprises. A cet égard, le CdC peut être amené à anticiper. Une partie du Cameroun est ainsi « zonée » en orange (le risque le plus élevé après le rouge), « alors qu’il n’y a à l’heure actuelle aucun problème, mais, précise le sous-directeur du centre de situation, nos informations, qui sont vérifiées, nous laissent penser que l’organisation terroriste au Nigeria Boko Haram se prépare à agir dans l’optique des élections présidentielles de 2015 au Cameroun ».
Le CdC peut aussi faire l’objet de pressions politiques. Ce fut le cas avec Madagascar, qui souhaitait que la région de Nosy Be, où deux Européens ont été brûlés en octobre 2013, soit « dézonée » pour ne pas nuire au tourisme local. « Ce n’est que récemment que nous avons accédé à la demande du gouvernement malgache, parce que les autorités de la Grande Ile ont pris des mesures de précaution nous satisfaisant », rapporte Marc Fonbaustier.
Au bout de la chaîne de gestion de crise, une évacuation des Français, voyageurs ou expatriés, est toujours envisagée. Le CdC a ainsi concocté 58 plans d’évacuation au total, dont 38 en Afrique subsaharienne. Mais une action de cette envergure n’est pas toujours possible. En Thaïlande, par exemple, dans un contexte de trouble politique et social, une opération d’évacuation a été envisagée, avec le soutien de l’ambassade de France, qui s’est mobilisée à partir de novembre 2013. Ce plan, toutefois, était difficile, sinon impossible à mettre en œuvre, car pour acheminer les 50 000 Français présents sur place à l’époque, dont 30 000 visiteurs, il aurait fallu 250 rotations de Boeing 747. En définitive, la reprise en mains du pays par les militaires a permis de rétablir un certain ordre. Et donc la sécurité.
François Pargny