Lutter contre l’espionnage industriel durant les salons professionnels et mieux protéger les exposants comme les visiteurs : tel est l’objectif du rapport « Sécurité économique sur les salons professionnels » accompagné de son « Guide méthodologique » remis le 6 novembre par l’avocate spécialiste de la propriété intellectuelle Corinne Champagner Katz (cabinet CK Avocats), au préfet de la Région Île de France, Jean-François Carenco, en présence de nombreux représentants des professionnels des salons franciliens (notre photo)*.
L’enjeu dépasse de loin la seule économie régionale francilienne. La France accueille en effet quelque 120 salons professionnels d’envergure internationale chaque année, dont une centaine sont concentrés dans les différents sites d’exposition de la Région capitale. En 2015, ils ont représenté quelque 5,8 milliards d’euros de retombées annuelles, dont 3,9 milliards pour l’Île-de-France selon une étude de Mediamétrie citée par la préfecture. Ces salons restent aussi les principaux lieux où se commettent des actes de malveillance à l’égard des entreprises innovantes, notamment des vols de données. Lesquelles alimentent ensuite la concurrence ou de juteux trafics de contrefaçons.
Pour un « système de protection global », dont l’un des pillier est « un dispositif de protection juridique »
En France, la contrefaçon représenterait une perte annuelle de 6 milliards d’euros et de 30 à 40 000 emplois. Dans le seul secteur textile, à l’échelle européenne, la perte annuelle est estimée à 26 milliards d’euros. A cet égard, Corinne Champagner Katz sait de quoi elle parle puisqu’elle a notamment été à l’origine de la création de la première Cellule juridique copyright sur un salon professionnel en France, en 1994, sur le salon Première Vision, précurseur en la matière.
Pour cette experte en protection de la propriété intellectuelle, si « atteindre le niveau zéro de risque est une utopie » car « sur un salon le risque est indissociable de l’exposition », il ne faut pas rester inactif face à des « prédateurs » dont la « force de frappe » a considérablement augmenté avec la mondialisation et les nouvelles technologies de l’information et de la communication, devenant plus rapide, laissant moins de traces. Au contraire, il devient nécessaire de se doter d’un « système de protection global », avec, au centre, un « dispositif de protection juridique opérationnel ».
La question est désormais, selon elle : « Comment faire un salon en sécurisant la chaîne de valeur ?», et c’est l’affaire de tous les acteurs, pas seulement les organisateurs, et ce sera de plus en plus une condition de la compétitivité des salons professionnels. Sa solution, contenue dans le rapport, très opérationnel, livré au préfet de Région : une charte de 14 engagements très concrets, dont le respect donnera lieu à un label d’Etat, -« Salons protégés »-, qui serait dans un premier temps délivré par la préfecture aux seuls salons d’Île de France, mais qui pourrait être étendu à l’ensemble du territoire, comme l’a indiqué le préfet Carenco.
Les 14 engagements auxquels doivent souscrire les professionnels
D’abord la charte. Le premier de ses engagements -et l’un des points clés de la charte- est que le salon « s’engage à mettre en place une « cellule juridique opérationnelle », mise gratuitement à disposition des exposants et des visiteurs, et composée d’avocats spécialistes de la propriété intellectuelle, nationaux et étrangers. Le rapport consacre de nombreux développements et détails à cette fameuse cellule. En résumé, sa mission : répondre aux demandes de visiteurs ou d’exposant pour traiter des litiges et ou obtenir des conseils liés au droit de propriété intellectuelle. Cette cellule, dont les avocats agissent de façon autonomes et indépendantes des organisateurs du salon, bénéficie également de la présence d’un huissier de justice, qui pourra « authentifier les interventions requises en direct ou par l’intermédiaire des avocats ».
Plusieurs engagements visent à impliquer le salon dans une « protection en amont de l’événement » : possibilité de sélection des exposants (n° 2) ; mise en place d’un règlement intérieur avec des clasues de confidentialité (n°3) ; respect par les exposants de l’utilisation des informations et contenus avant et pendant le salon, notamment sur Internet (n°4) ; veille médiatique ciblée sur l’environnement du salon et le secteur pour éviter, notamment, les événements parasites(n°5) ; préparation en amont des conditions de partenariats avec les parcs d’expositions pour éviter des événements parasites (n°6).
Une série d’engagement visent à impliquer le salon « pendant l’événement » lui-même : systèmes de sécurité matériels et humains (n°7) ; badges préenregistrés obligatoires (n° 8) ; notification de l’interdiction de photographier à tous les visiteurs (n°9) ; mesures pour organiser l’accès des médias (n°10) ; impossibilité pour les visiteurs de sortie avec des produits (n°11) ; surveillance de la population dans l’enceinte du salon (n°12) ; veille sur les retombées médiatiques (n°13) ; veille sur les réseaux sociaux pour repérer les photos prises à l’insu de la sécurité (n°14).
La réalisation de cette charte et de son guide pratique constituent, en fait, la première étape de l’initiative. La seconde étape va à présent consister, pour la préfecture – qui dispose d’une cellule intelligence économique animée par Virginie Séné-Rouquier cheffe de cabinet du Préfet et Antoine Troussard, chef de service en charge de l’intelligence économique (notre photo)- comme pour l’auteure du rapport, à évangéliser les parties prenantes. Très concrètement, les fédérations professionnelles –Medef, CGPME, etc.- devraient être sensibilisées.
C.G
*Notre photo : Virginie Séné-Rouquier, sous-préfète, cheffe de cabinet, Corinne Champagner Katz, Jean-François Carenco et Antoine Troussard, chef de service en charge l’intelligence économique à la Préfecture d’Île de France.
Pour en savoir plus :
Le rapport « Sécurité économique sur les salons professionnels » est consultable et téléchargeable en ligne sur le site Internet de la Préfecture de Paris : cliquez ICI