Faiblesse des prix du pétrole, turbulences sur les marchés émergents, augmentation de l’endettement et des délais de paiement, vague de fusions-acquisitions… autant d’obstacles macroéconomiques que les entreprises dans le monde devront franchir en 2016. C’est le constat dressé par Euler Hermes dans sa nouvelle étude prospective intitulée « 2016 : les Jeux Olympiques ont déjà commencé pour les entreprises », qui analyse les perspectives de 18 secteurs dans 72 pays en utilisant les ressources de l’imagerie sportive.
« En 2015, 148 secteurs ont vu leur note révisée à la baisse dans le cadre de notre analyse, contre 76 révisions à la hausse seulement. Dans ce contexte, 1 secteur sur 4 fait l’objet d’une note de risque « significative » ou « élevée » en ce début 2016 », relève Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes.
Pour résister, les entreprises auront besoin de qualités « d’athlètes professionnels »
Le service économique de l’assureur-crédit a identifié cinq défis macroéconomiques auxquels les entreprises seront confrontées en 2016 : « bas prix des matières premières » ; « rééquilibrage du modèle chinois » ; « charge de la dette » ; « transformation digitale » ; « restructuration des filières ». 2015 a été une année au cours de laquelle le risque de non-paiement a refait surface dans de nombreux secteurs qui étaient déjà fragiles. En 2016, estime Euler Hermes, les entreprises devront se livrer à une véritable compétition et développer des caractéristiques dignes de celles «d’athlètes professionnels » pour affronter les cinq défis.
Cinq qualités seront requises, selon l’assureur-crédit : 1) résistance à la faiblesse durable des prix des matières premières ; 2) précision dans le ciblage des marchés, sur fonds de turbulences en Chine, au Brésil et en Russie ; 3) capacité à faire face à un endettement et à un risque de crédit croissants ; 4) rapidité de réaction face aux chocs disruptifs ; 5) agilité face à la vague de fusions acquisitions à venir et à la hausse des pressions sur les prix.
Le secteur de la métallurgie devra ainsi faire face au « triathlon de la demande, des prix et de la dette », illustre ainsi Euler Hermes dans son étude. Le secteur énergétique devra, lui, affronter le « marathon des prix bas du pétrole », tandis que dans la construction, les entreprises s’essaieront à la « natation désynchronisée (ou naufrage) dans tous les pays ». De son côté, le secteur des machines-outils devra outrepasser de nombreux obstacles.
Le transport fera lui « le grand écart, tel un grand gymnaste ». En effet, le transport aérien a bénéficié de la baisse des prix du baril tandis que le transport maritime est impacté négativement par un commerce mondial atone. La distribution sera en compétition dans la discipline « lutte » pour réaliser des bénéfices en 2016. Quant aux entreprises issues des TIC, en compétition dans la discipline « escrime », elles ne devront pas baisser la garde face à la concurrence. Enfin, le secteur pharmaceutique, devra dépasser son propre record en « saut en hauteur » pour renouer avec les bénéfices.
Triathlon, marathon, natation désynchronisée, grand écart…
Dans la métallurgie, le risque sectoriel est déjà considéré par les arbitres d’Euler Hermes comme « significatif » ou « élevé » dans la plupart des pays (61 nations sur les 72 analysées). L’assureur-crédit s’interroge dans son analyse sur le sort réservé à ce secteur : « Métallurgie : Triathlon ou Ironman ? ». Euler Hermes ne prévoit pas d’amélioration dans le secteur de la métallurgie en 2016. Cette perspective négative s’explique par la demande mondiale atone, qui sera sans rebond en 2016, du fait du recul de la demande chinoise, qui devrait encore diminuer de -2 % cette année.
La chute des prix du baril a redessiné le secteur de l’énergie tout entier. L’énergie a encore une moitié de parcours à effectuer « avant de franchir la ligne d’arrivée », observe l’étude. Les activités liées au pétrole et autres sources d’énergie enregistrent une baisse de leurs bénéfices et la résistance sera inégale. Quelques acteurs réussiront cependant à tirer leur épingle du jeu malgré des prix du pétrole bas, en particulier les entreprises publiques dans les pays du Golfe, qui bénéficient de vastes réserves de trésorerie de leurs fonds souverains.
Dans le secteur de la construction, la mince reprise, estime Euler Hermes, devrait demeurer fragile en 2016. La société d’assurance-crédit table sur une croissance du secteur à l’échelle mondiale de +2,8 %, contre +2,4 % en 2015, sous l’effet de meilleures perspectives en Europe et en Amérique du Nord. Compte tenu de ses faiblesses structurelles et des perspectives incertaines, le risque de ce secteur est considéré de « sensible » à « élevé » dans 44 pays sur 72 contrôlés.
Le transport aérien se distingue en l’occurrence comme le « grand gagnant » des prix bas du pétrole. Selon Euler Hermes, dans ce secteur, les bénéfices vont continuer de croître cette année. L’assureur-crédit table sur une augmentation de + 10 %. Dans le transport routier, Euler Hermes ne prévoit aucune évolution globale majeure en 2016 car la croissance économique reste morose. L’impact limité des bas prix du pétrole provient de l’indexation légale des prix du carburant appliquée par les transporteurs dans beaucoup de pays. La réduction de la facture des dépenses en carburant est donc limitée. De son côté, le transport maritime continuera à lutter en 2016. Le secteur est impacté négativement par l’atonie du commerce mondial ce qui fait baisser l’indice de Baltic Dry Index (BDI).
Euler Hermes prévoit une hausse de 4,3 % du chiffre d’affaires du secteur des TIC (technologies de l’information et de la communication) en 2016 (après +4,7 % en 2015), tirée par les procédés de numérisation, l’importance croissante de la connectivité et le développement de l’Internet des objets dans le secteur de l’industrie. L’Asie continuera à être le premier producteur et le premier consommateur mondial de produits et services TIC.
Enfin, le secteur pharmaceutique apparaît selon Euler Hermes comme l’un des rares secteurs en mesure de tirer parti des cinq défis. Il bénéficie d’une hausse structurelle de la demande mondiale pour produits pharmaceutiques et de grandes réserves de liquidités pour faire face avec l’incertitude du marché, pour financer des projets de R&D et faire des acquisitions stratégiques.
« Dans certains secteurs comme l’énergie, les machines et équipement et la métallurgie, les entreprises font face à la fois à des défis à court terme (faiblesse des prix des matières premières, instabilité de la demande dans les pays émergents, dette excédentaire) et, à moyen terme, à une succession de chocs disruptifs conjugués à un processus de consolidation qu’elles n’ont pas initié », conclut Ludovic Subran.
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