Une reprise lente du commerce mondial, un protectionnisme en pointe – d’après Coface, le taux d’ouverture du commerce en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) a perdu 6,6 points entre 2005 et 2015 – et un prix du pétrole toujours faible, qui ne remontera pas rapidement selon l’assureur crédit export français : dans cet environnement instable, Coface a choisi de dégrader le risque (qui comprend une échelle d’évaluations allant de A1, la meilleure, à E pour un risque très élevé) dans plusieurs pays.
Les États pétroliers souffrent, comme Trinité-et-Tobago (rétrogradé de A4 à B) confronté à « une chute importante des productions de gaz naturel et de pétrole brut, aggravée par l’arrivée à maturation des champs pétrolifères et par les travaux de maintenance des sites », et le Nigeria (tombé de C à D), qui « affiche une récession et connaît une contraction des réserves de devises étrangères affectant la production industrielle (difficultés à importer) ».
D’autres traversent de mauvaises passes : conséquence du Brexit, le Royaume-Uni voit sa notre dégradée (passé de A2 et A3). Mais aussi Oman (de A4 à B), qui « doit faire face à une sévère baisse des dépenses publiques avec un impact sur l’investissement », et encore la Mongolie (de C à D), « affectée par le ralentissement de l’économie chinoise (destination de plus de 90 % de ses exportations) et par la faiblesse des cours des matières premières », qui « est au bord d’une crise de balance des paiements ».
M. Albert : « au Brésil, une insolvabilité des entreprises toujours très importante »
Lors d’une conférence de presse sur ces révisions des évaluations de risques pays au troisième trimestre et sur le scénario de croissance mondiale, le 17 octobre, Marie Albert (notre photo), responsable Risque pays chez Coface, a avancé que « la faiblesse du commerce mondial ne permettrait pas une relance forte de la croissance de l’économie mondiale ». L’Organisation mondiale du commerce (OMC) elle-même table sur un PIB en hausse de 1,7 % cette année et avance une estimation de 1,8 % à 3,1 % en 2017, tant les incertitudes sont grandes.
La croissance serait relativement stable dans les pays avancés (1,6 % en 2016 et 1,5 % en 2017), et, dans les nations émergentes, Coface s’attend à une amélioration (accélération du PIB de 3,7 % en 2016 à 4,2 % en 2017), « liée aux sorties de récession en 2017 du Brésil (redressement des indicateurs financiers, repli de l’inflation) et de la Russie, ces deux pays ayant atteint un point bas ».
Pour autant, a tenu à préciser Marie Albert, « au Brésil, le paysage économique reste très dégradé, avec un PIB de – 3,4 % en 2016 et + 0,6 % en 2017 et une insolvabilité toujours très importante des entreprises, quelque 1 235 procédures étant enclenchées à juillet dernier, contre 766 l’an dernier, en particulier dans la construction, l’automobile et les métaux ».
J. Marcilly : avant le Brexit, « notre prévision de croissance était d’un point supérieur »
Au carrefour de l’Europe et de l’Asie, la Turquie étonne encore une fois. De fait, Coface note que, malgré la tentative de coup d’État de juillet dernier, la chute du nombre de touristes et la baisse de la consommation, il n’y a ni une véritable défiance des investisseurs ni une forte chute de la livre turque par rapport au dollar. Dans la zone euro, l’Italie inquiète l’assureur crédit français, en raison du référendum constitutionnel voulu avant la fin de l’année par Matteo Renzi, qui pourrait démissionner en cas d’échec, et le risque bancaire. « Les créances douteuses ont atteint 12 % du total et un plan de sauvetage le 29 juillet a été approuvé par la Banque centrale européenne », a indiqué Marie Albert.
En Europe, toutefois, le choc majeur vient du Royaume-Uni, avec le vote du 23 juin en faveur du Brexit. « Avant la décision de sortir de l’Union européenne, notre prévision de croissance économique était d’un point supérieur », a souligné Julien Marcilly, chef économiste de Coface. Après + 1,9 % en 2016, l’an prochain, Coface prévoit ainsi + 0,9 %, « un scénario qui reste favorable, car on pense que l’accord avec l’UE le sera relativement », a exposé Marie Albert, selon laquelle, Londres injectera « un stimulus dans l’investissement d’ici la fin de l’année ».
Au Royaume-Uni, « le risque lié au secteur immobilier, caractérisé par un fort endettement immobilier des ménages (132 % du revenu disponible) et une surévaluation des prix de 34,6 %, est à surveiller. », explique-t-on encore chez Coface. Et « la livre sterling a déjà perdu 30 % de sa valeur depuis le Brexit », ajoutait Marie Albert. Bien sûr, les entreprises britanniques vont bénéficier de cette dépréciation pour exporter, mais, à contrario, la consommation sera pénalisée par une hausse de l’inflation. Compte tenu des nombreuses incertitudes, Coface prévoit une augmentation du nombre de défaillances outre-manche. Après la décrue qui se poursuivra cette année (- 3,8 % après – 9,6 % en 2015), leur niveau connaîtrait une hausse sensible l’an prochain, avec + 6,3 %.
François Pargny
Pour prolonger :
–Conjoncture / Monde : le FMI craint l’impact négatif du protectionnisme sur la croissance
–Royaume-Uni / UE : pour Pascal Lamy, « on ne saura pas clairement avant 10 ans le résultat du Brexit »
–Nouveaux risques / Export : comment Bpifrance se heurte au casse-tête des sanctions sur l’Iran