A l’approche des fêtes, le commerce en ligne bat son plein, la fraude fiscal -sujet brûlant- aussi ! Dans leur rapport d’information sur la collecte des impôts en matière de commerce en ligne de biens matériels, les députés UMP Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier alertent sur le secteur du e-commerce, en pleine expansion, qui fait l’objet de fraudes fiscales très importantes, bien que difficilement quantifiables.
« Ni les douanes ni l’administration fiscale n’ont pu s’adapter aux nouveaux défis de la vente sur Internet, faute de moyens juridiques comme de priorité politique », indiquent les auteurs dans une note de synthèse. « Compte tenu des efforts toujours plus difficiles demandés aux Français, cette situation est aujourd’hui difficilement compréhensible.»
Selon ce rapport, plus des deux tiers des Français consomment en ligne et achètent sur Internet des services et des biens dématérialisés (films, musique, billets de train…) mais aussi, de plus en plus, des biens matériels (vêtements, livres, appareils numériques…). En France, 117 500 sites de e-commerce sont actifs, et réalisent un chiffre d’affaires annuel de 45 milliards d’euros pour les biens et les services. La vente à distance de biens matériels représente quant à elle 25 milliards d’euros.
Cette explosion du commerce en ligne, signalent les auteurs, a bouleversé les conditions dans lesquelles l’administration des douanes exerce ses missions. Les flux du commerce en ligne qui proviennent de pays extérieurs à l’Union européenne relèvent de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). La douane exerce une double mission dans ce cadre :
– d’une part, elle est chargée de lutter contre les trafics de marchandises prohibées (contrefaçons, stupéfiants, armes, espèces protégées etc.), réglementées (produits dangereux ou polluants, oeuvres d’arts, matériel militaire etc.) ou fortement taxées (alcools, tabacs).
– d’autre part, elle est chargée de percevoir les droits et taxes à l’importation sur toutes les marchandises, c’est-à-dire principalement les droits de douane et la TVA à l’importation.
Les envois arrivent dans leur majorité à l’aéroport de Roissy, par fret express ou par fret postal. Or, si ces deux modes d’expédition permettent une livraison rapide qui correspond à l’exigence des acheteurs, ils sont aussi bien plus délicats à contrôler. Parallèlement, la fraude s’est trouvée grandement facilitée par les spécificités du commerce en ligne : anonymat, sentiment d’impunité, transformation permanente des sites (dénomination, adresse web, pays d’hébergement…), et bien sûr extrême morcellement des envois.
Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier appellent donc à renforcer l’action des douanes – et de l’administration en général – en matière de collecte des taxes. A cette fin, ils formulent six propositions pour renforcer l’arsenal juridique de la DGDDI et l’adapter aux défis de la vente en ligne.
Proposition n° 1 : instaurer un système d’échange automatique d’informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne : opérateurs de fret express et postal, FAI, intermédiaires de paiement sur Internet… Ces acteurs incontournables détiennent des informations cruciales qui pourraient permettre un ciblage pertinent des envois.
Proposition n° 2 : instaurer un prélèvement à la source de la TVA à l’importation, payée au moment de la transaction et non pas de l’arrivée en douane. Les intermédiaires de paiement pourraient être chargés de la liquidation et de la collecte de cette taxe.
Proposition n° 3 : remettre en question les exemptions dont bénéficient le fret postal et, en fret express, les envois déclarés comme ayant une « valeur négligeable » (supérieure à 22 euros). Actuellement, ces envois échappent à la plupart des obligations déclaratives et à la taxation.
Proposition n° 4 : élargir et sécuriser le dispositif des « coups d’achats » créé en 2011, qui permet aux agents des douanes de procéder anonymement à des achats de marchandises illicites ou fortement taxées, afin d’en identifier le vendeur et d’en interrompre les flux. Aujourd’hui, ce système n’est utilisé qu’en matière de stupéfiants, tabacs et contrefaçons, et ne permet pas d’identifier les produits légaux échappant à la taxation.
Proposition n° 5 : adapter les systèmes d’information de la DGDDI aux volumes et caractéristiques du fret express et postal, ainsi qu’aux spécificités de la fraude sur Internet.
Proposition n° 6 : redéployer les effectifs vers la lutte contre la fraude sur Internet, sous réserve d’un renforcement préalable des instruments juridiques. Actuellement, seule une quinzaine d’agents (Cyberdouane) sur les 17 000 que compte la DGDDI se consacrent spécifiquement à la fraude sur Internet.
Venice Affre
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