« En deux ans, l’excédent commercial de la France dans la pharmacie a reculé de 30 % par rapport à la période 2008-2010 », a souligné Julien Marcilly, responsable du Risque pays à Coface, lors de la présentation du « Panorama Secteurs au 4e trimestre » de l’assureur-crédit export, le 20 novembre à Paris.
Une tendance plutôt inquiétante, si l’on considère qu’il s’agit « du quatrième secteur exportateur français et d’un domaine fort de l’industrie », a précisé l’expert de Coface. En 2013, les 252 entreprises de l’industrie pharmaceutique ont réalisé un chiffre d’affaires (CA) global de 53 milliards d’euros, dont 49 % à l’export.
Dans un contexte de crise économique, l’internationalisation semble d’autant plus vitale que 74 % des entreprises tricolores possèdent une PDM inférieure à 0,25 % sur le marché domestique. « Notre industrie est faiblement concentrée, environ un tiers des ventes étant réalisé par les cinq leaders », commente Carole Boisselet, responsable Arbitrage chimie-transports-textile de Coface.
La double concurrence des génériques et des produits à valeur ajoutée
« Bien sûr, relativise Julien Marcilly, de grands groupes français se sont implantés à l’étranger, ce qui a réduit mécaniquement les exportations, mais ce n’est pas la seule explication à la réduction des expéditions à l’étranger. Dans la seule zone euro, la part de marché de l’Hexagone (PDM) est tombée de 20 à 13 % depuis 2000 », la France étant confrontée à une double concurrence, celle « des pays émergents proposant des génériques » et celle « des autres pays développés avec une offre de produits à forte valeur ajoutée ».
Sur les 26,3 milliards d’exportations, 61,7 % ont été réalisés en Europe, un marché mâture, mais où « les prix baissent à l’initiative des agences publiques, le contexte économique est difficile et les contraintes réglementaires sont croissantes », constate Khalid Aït-Yahia (notre photo), économiste de Coface. D’où l’intérêt croissant des grands noms de la filière pour les économies émergentes. Chez Sanofi, la part des livraisons en Europe a chuté à 25 %, alors que les exportations dans les pays émergents représentent maintenant les deux tiers du total.
« Pour générer de la croissance, les émergents, c’est l’idéal. Mais, pour autant, on ne peut pas délaisser le marché européen qui constitue encore 20 à 25 % des ventes des grands laboratoires français », estime l’économiste de Coface. Selon lui , « ce sont surtout les laboratoires d’Europe de l’Ouest qui se ruent sur les marchés émergents ». Pour autant, l’Europe demeure un marché essentiel. La part des pays émergents dans les ventes des grands groupes européens oscille aujourd’hui entre 14 % pour Roche, qui réalise encore 25 % de son chiffre d’affaires en Europe, à 36 % pour Merck, qui enregistre aussi 37 % de son CA en Europe. Or, pour maintenir des positions fortes dans les pays développés, la recherche & développement (R & D) est fondamentale. A cet égard, en France, la recherche de nouvelles molécules a piqué du nez et les investissements de R & D ne représentaient plus que 8,3 % du CA global de l’industrie l’an dernier.
Les ventes de médicaments vont croître, surtout dans les émergents
Auteur d’une étude, intitulée « Laboratoires pharmaceutiques européens, l’austérité n’est pas mortelle ? », Khalid Aït-Yahia répond affirmativement à cette interrogation pour plusieurs raisons. D’abord, parce que les ventes de médicaments dans les pays matures va croître dans certains pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni (1 à 4 %) et l’Italie (0 à 3 %) entre 2012 et 2017, d’après le cabinet d’études et de conseil IMS Health. Ensuite, les prévisions sont encore prometteuses dans les Bric : + 11 à 14 % au Brésil, + 9 à 12 % en Russie, + 11 à 14 % en Inde et + 15 à 18 % en Chine. Et ce, en raison du vieillissement de la population, du développement de l’économie et des systèmes publics d’assurance maladie.
Enfin, IMS Health annonce un essor des ventes dans de nouvelles aires thérapeutiques, comme l’oncologie (cancérologie), la douleur et le diabète. Le vieillissement de la population sera mondial, les habitudes alimentaires vont évoluer, l’alimentation sera plus riche, les maladies cardiovasculaires vont aussi s’étendre. Du coup, les entreprises, petites et grandes, vont devoir imaginer des partenariats, notamment pour financer la R & D. A l’instar de Sanofi, associé au Massachusetts General Hospital de l’université d’Harvard pour la lutte contre les cancers hématologiques. Comme AstraZaneca, qui coopère également dans la recherche sur des gènes induisant le développement du cancer avec le MRC (Medical Research Council) de l’université de Cambridge.
François Pargny
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