Occupant un marché spécifique, les travaux publics, le fabricant de pelles ou autres chargeuses a su nouer des relations étroites avec ses clients dans le monde entier. Résultat : un boom impressionnant à l’international en quelques années et une extension de son périmètre hors Europe. Mecalac a traversé l’Atlantique. Les États-Unis sont son nouveau chantier.
Photo : Antonio Marchitelli (à droite), directeur France et Europe de l’Ouest chez Coface, a remis le 3 décembre à Paris lors de la onzième cérémonie du Palmarès des PME & ETI leaders à l’international le prix Entreprise exportatrice de l’année du Moci à Henri Marchetta, fondateur et président de Mecalac.
Fondé en 1974, Mecalac est emblématique du Mittelstand à la française : familiale, industrielle, très spécialisée, innovante et fortement tournée vers l’extérieur.
De façon concrète, la famille Marchetta est actionnaire très majoritaire, détenant 80 % du capital social, et conduit la stratégie de l’entreprise de Haute-Savoie. Henri Marchetta, le fondateur, en est ainsi le président et Alexandre, son fils, en assure la direction générale et commerciale.
Quant à sa spécialisation, « Mecalac est focalisé sur les travaux urbains », explique Henri Marchetta. Pour ce type de marchés, qui a besoin de machines de construction compactes, sa stratégie est de concevoir, produire, distribuer, fournir le service après vente au client.
Une clé du succès est la variété de l’offre
Mecalac dispose de cinq gammes, représentant un total de 59 produits : pelles, chargeuses, chargeuses pelleteuses, motobasculeurs, compacteurs à rouleaux. Chaque année, en moyenne, 6 % du chiffre d’affaires sont investis dans la recherche et développement (R&D).
Dans tous les pays, les villes se développent, se densifient, de nouveaux transports apparaissent, des rénovations sont effectuées, des espaces verts ou des voies sont créés. Prenant le train, Mecalac a su largement profiter du développement urbain, induit en partie par la poussée démographique, dans le monde entier. L’ETI au chiffre d’affaires de 94 millions d’euros en 2015, dont 26 % en Europe (France, Allemagne, Italie, Benelux), a fait un bond en quelques années. Les ventes ont explosé, avec un montant de 252 millions d’euros l’an dernier, l’international représentant 62 %.
« Le ratio France-étranger est bon », juge Alexandre Marchetta. La société livre aujourd’hui dans 86 pays, avec, comme premier axe la Grande Europe (Russie incluse). Le deuxième axe, en développement depuis deux ans, est l’Amérique du Nord, qui représente désormais 10 % de l’international. Le troisième axe est composé de l’Amérique latine, du Maghreb et du Moyen-Orient.
Chaque année, Mecalac produit quelque 5 000 machines. La grande variété de ses produits est un atout, « mais c’est surtout notre forte spécialisation et notre proximité qui nous permettent d’entretenir un lien unique avec nos clients », insiste Henri Marchetta. C’est ainsi que les grands comptes et les autres professionnels des marchés urbains sont conviés à des groupes de travail pour imaginer les produits de demain.
« Ce sont des machines bien différentes de celles que pourraient offrir des constructeurs généralistes, des machines plus sûres, plus rapides, ergonomiques, plus respectueuses aussi de l’environnement, et donc loin des standards de base. Ce sont des machines qui rendent les travaux les plus productifs possible », affirme le fondateur de Mecalac.
Adapter l’offre aux spécificités des marchés
Pour élargir ses gammes, Mecalac ne s’interdit pas des acquisitions. Les rachats ont été rares, mais fort utiles, par exemple, lorsque le britannique Terex a rejoint l’ETI française. Spécialiste de tractopelles, motobasculeurs et compacteurs, le fabricant de Coventry a offert une nouvelle ouverture sur la Russie et le Maghreb.
« Il faut comprendre que dans le monde, les habitudes de travail, méthodes, équipements existants varient selon les pays. L’Amérique du Nord, ce n’est pas l’Amérique du Sud et c’est encore différent de l’Europe. Par exemple en Amérique latine, où la chargeuse-pelleteuse est très populaire, c’est un matériel très spécifique, qui répond à des normes de motorisation ou des conditions climatiques particulières. Nous adaptons notre offre aux spécificités de chaque marché », expose Alexandre Marchetta.
Aujourd’hui, Mecalac dispose d’un réseau dense d’usines en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Turquie, des participations dans des concessions en France et en Espagne, ainsi que des filiales de distribution en France, en Turquie, en Pologne, en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux États-Unis. Au total, Mecalac travaille avec 260 distributeurs dans le monde, certaines filiales de distribution animant un réseau régional. En l’occurrence, la filiale de Boston anime un réseau de 15 distributeurs aux États-Unis et au Canada et de cinq distributeurs en Amérique latine.
Les États-Unis constituent un marché très dynamique, avec une demande de produits innovants et différenciés. La maturité du marché est favorable à des matériels offrant à la fois la polyvalence, une bonne ergonomie et sécurité. La pelle sur pneus est un de ses produits, offrant de la simplicité d’utilisation, du confort et de la stabilité, et pour laquelle la compétition est ouverte. Outre-Atlantique, les concurrents de Mecalac sur ce produit sont européens et coréens.
L’ETI française participera en mars prochain à Conexpo, le Salon de la construction de Las Vegas, évènement phare de la profession pour le marché américain. Elle expose aussi régulièrement dans deux autres salons triennaux, Intermat à Paris et la Bauma à Munich. Ainsi, en 2016, lors de la Bauma, événement de dimension mondiale, le prix du Design des innovations a été décerné à Mecalac pour sa pelle sur pneus MWR.
« Sur tous nos salons, décrit Alexandre Marchetta, nous exposons totalement outdoor, ce qui nous permet de présenter une large gamme de produits – jusqu’à 24 machines, par exemple, pour le prochain Conexpo – et de montrer leur fonctionnement au cours de shows qui durent 20 minutes. Organisées toutes les heures, ce sont des présentations dynamiques et ludiques, particulièrement utiles en termes de communication vis-à-vis des professionnels, clients, distributeurs, et de présentation des nouveautés ».
Malgré ses succès, la famille Marchetta garde les pieds sur terre. Elle a ainsi intégré l’accélérateur ETI mis en place par Bpifrance. Un partenaire de choix pour Mecalac, puisque la banque publique est détenteur de 10 % de son capital. Henri Marchetta apprécie la qualité de l’accompagnement dont Mecalac a bénéficié (commerce, ressources humaines, industrie…) et l’esprit de collaboration qui y règne.
L’entreprise a aussi appris à mieux se structurer en interne. Enfin, elle dispose d’un parrain de choix, en la personne de Pierre-André de Chalendar, P-dg de Saint-Gobain. « Un homme toujours disponible et pragmatique », se félicitent en chœur le président et le directeur général de Mecalac. Un nouvel atout pour l’international.
Aujourd’hui, l’ETI d’Annecy-le-Vieux regarde vers l’Inde. Avec beaucoup de prudence. Car si la croissance démographique y est impressionnante, l’approche du marché n’est pas si évidente. Les produits et les attentes y sont également différents. S’y implanter demandera sans doute d’y produire et d’y créer une joint-venture. Comme en Chine, une alliance paraît indispensable en Inde.
François Pargny