Berthoud Agricole a fait de l’export dans les pays émergents un axe de développement stratégique depuis 2014 en s’appuyant sur deux piliers : l’adaptation aux besoins des marchés locaux ciblés et des solutions de financement innovantes de ses clients grâce à la banque publique Bpifrance. Résultat : il cartonne en Ukraine, notamment…
Photo : Pedro Novo (à droite), directeur exécutif en charge de l’export chez Bpifrance, a remis le 23 novembre à Paris lors de la dixième cérémonie du Palmarès des PME & ETI leaders à l’international le prix Meilleure opération de financement export de l’année du Moci à Sébastien Tremblais, directeur général de Berthoud Agricole.
Lorsqu’on l’interroge sur l’importance d’offrir une solution financière à ses clients des pays émergents, le directeur général de Berthoud Agricole répond sans hésitation : « le financement, c’est le premier critère de discussion sur nos marchés dès qu’il y a du volume » souligne Sébastien Tremblais, qui a rejoint la PME en 2014. « Sans ces solutions, on n’est pas compétitif par rapport à nos concurrents, notamment allemands, qui bénéficient des garanties exceptionnelles de l’État allemand ».
L’entreprise, installée à Belleville, dans le Rhône, est un fleuron historique du machinisme agricole français – ses origines remontent à 1895 –, spécialisée dans la conception et la fabrication de systèmes de pulvérisation de différentes catégories (auto-tractées, portées, semi-portées, automotrices, etc.) couvrant à peu près tous les usages : grandes cultures, vignes, arbres, maraîchage…
Le tournant stratégique de l’export
Jusqu’à la crise du secteur agricole du début de la décennie, qui a entraîné une chute des commandes de matériels, elle prospérait sur le marché français et n’exportait que par opportunité, sans véritable stratégie ni objectif dans ce domaine. En 2014, c’est la crise : les commandes sont en chute de 40 %. C’est alors qu’est décidé le tournant stratégique : il faut se tourner vers l’export, indispensable relais de croissance. C’est aussi cette année-là que Sébastien Tremblais, manager passé par Manitou et Volvo, qui a une expérience de l’international – il a monté l’usine de tractopelles de Volvo au Mexique –, est recruté pour reprendre la direction.
« Nous avons mis en œuvre une stratégie visant à transformer Berthoud d’une entreprise qui faisait de l’export par opportunité en une véritable entreprise internationale », se souvient Sébastien Berthoud. Autrement dit, une entreprise qui passe à l’offensive, et se donne les capacités d’adapter son offre aux attentes de ses clients étrangers. « In the region, for the region » résume Sébastien Tremblais. Depuis cinq ans, Berthoud développe ainsi son réseau à l’international, courtisant les distributeurs et concessionnaires avec des produits adaptés spécifiquement à leurs marchés et renforçant ses effectifs locaux de commerciaux et de responsable du service après-vente. « Le travail d’adaptation de nos produits aux marchés locaux a vraiment été un tournant » estime Sébastien Tremblais.
Des produits adaptés
L’Ukraine est un exemple parfait de cette stratégie. Pour ce marché où les grandes fermes de dizaines de milliers d’hectares sont gérées comme des entreprises industrielles, il met au point un pulvérisateur automoteur avec une garde au sol de 1,80 m, qui permet de pulvériser au-dessus des plants de tournesols ou de maïs. Ces engins de grandes capacités sont capables de traiter 1 000 hectares en une seule journée sans abîmer les cultures. Mieux, la garde au sol peut être de hauteur variable, de 1,20 m à 1,80 m, pour traiter à différentes étapes de la culture. Avec de telles offres qui collent aux attentes des utilisateurs finaux, Berthoud parvient à conquérir des clients dans tous les pays agricoles d’Europe centrale.
Proposer des financements sans prendre de risques
Surtout lorsqu’il apporte en plus une solution de financement au concessionnaire, qui a besoin de vendre pour pouvoir payer ses fournisseurs. « Dans tous ces pays, le client demande des délais de paiement », souligne Sébastien Tremblais. Or, pour Berthoud, qui est une PME, pas question de prendre des risques inconsidérés : « notre stratégie, c’est le risque 0 » confirme le dirigeant « et notre enjeu est de pouvoir proposer des financements sans prendre de risques ».
Longtemps, l’entreprise n’a d’autres solutions que de mettre en place un système de paiement par crédit documentaire. Très sécurisé pour le vendeur, ce mode de paiement à un gros inconvénient pour l’acheteur : il est obligé d’immobiliser sur un compte bancaire le montant en cash correspondant à la transaction. C’est alors qu’arrive sur le marché une alternative : le rachat de crédit fournisseur par Bpifrance. « Ce système permet d’éviter l’immobilisation de fonds par l’acheteur, et cela a beaucoup séduit nos clients » souligne Sébastien Tremblais. En outre, s’il doit verser un acompte en cash de 15 % à la commande, le client bénéficiera d’un système de remboursement échelonné, en quatre fois sur deux ans. Berthoud, pour sa part, est payé de la totalité de la commande dès que les machines sont expédiées depuis ses usines.
En Ukraine, Bizon Import distributeur de matériel agricole affilié au « groupe » Poletechnika, un des leaders sur le marché du machinisme agricole ukrainien, a été séduit par cette offre. Il a signé deux commandes en 2016 et 2017 : l’an dernier, le montant du rachat de crédit fournisseur par Bpifrance s’est élevé à 4 millions d’euros. Seul regret de Sébastien Tremblais : le seuil minimum pour monter une telle transaction est de 1 million d’euros. « Il ne peut s’appliquer qu’à de gros volumes, ce qui est une contrainte car peu de concessionnaires ont une telle capacité ». Pour l’heure, Berthoud n’hésite pas à utiliser ce levier : une commande utilisant ce mode de financement est en cours de réalisation avec un client en Biélorussie, et une autre est en discussion avec un client ukrainien.
Christine Gilguy