En décembre dernier, alors que la diplomatie internationale faisait face au déferlement de révélations publiées par le site Wikileaks, le grand public découvrait une discrète entreprise… à qui le gouvernement français intimait l’ordre de mettre fin à l’hébergement du site de Julian Assange. Publicité garantie pour la start-up roubaisienne OVH, qui n’en demandait pas tant. Avec plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, OVH (pour « on vous héberge ») est pourtant le numéro 2 européen de l’hébergement, avec plus de 7 millions de sites hébergés sur près de 100 000 serveurs, installés principalement à Roubaix, mais aussi à Paris.
Depuis sa création en 1999 par Octave Klaba, actuellement directeur général, OVH conserve la même orientation stratégique : proposer le meilleur de la technologie aux tarifs les plus bas du marché, avec un maximum de services inclus dans les forfaits. Une politique rendue possible par la conception d’un système exclusif de refroidissement liquide de ses serveurs. Grâce à une démarche d’innovation constante (elle fabrique elle-même ses serveurs), la société a enregistré une progression de 924 % de son activité entre 2003 et 2008. Cette croissance fulgurante l’a conduite à investir en moyenne 25 millions d’euros par an pour accroître ses capacités techniques. Depuis 2006, OVH construit un nouveau data center (centre de données, où sont installés les serveurs) à Roubaix tous les deux ans.
Si les prestations techniques sont concentrées à Roubaix, OVH a eu très tôt la vocation internationale. Dès 2003, l’entreprise a ouvert des filiales à l’étranger. Elle en compte aujourd’hui quatorze. Chacune d’entre elles assure des fonctions commerciales et de support au niveau local, l’hébergement étant assuré en France. « Ce n’est pas la proximité géographique des serveurs qui permet d’offrir le service maximal, mais la qualité du réseau », affirme Henryk Klaba, P-dg d’OVH et père d’Octave. Car la société cultive l’esprit de famille : Miroslav, le frère d’Octave, est responsable de la R&D, tandis que la mère, Halina, s’occupe des finances, et Stéphanie, épouse d’Octave, du marketing.
OVH s’est d’abord implantée dans les pays européens à forte population, où les connexions Internet étaient déjà bien développées, et où l’anglais était une des langues dominantes. Certains pays ont été plus faciles que d’autres à aborder. « En Finlande, la filiale a été créée en quatre heures ! En Tunisie, où nous étions présents depuis longtemps via des distributeurs, il a fallu attendre la récente chute du régime de Ben Ali », indique Henryk Klaba.
Aujourd’hui, l’activité internationale ne pèse que 20 % du business d’OVH. Mais elle devrait bientôt exploser. Cette année, l’entreprise nordiste s’attaque aux marchés américains. En mars, Octave est parti à Philadelphie pour créer des filiales aux États-Unis et au Canada. Deux pays où l’entreprise est déjà présente commercialement via sa filiale de Dublin. « Nos clients nous demandent de venir pour leur offrir plus de services, mais ce sera difficile tellement les Américains sont protectionnistes ! », remarque Henryk. OVH a aussi le Brésil en ligne de mire. « Si la croissance est au rendez-vous, il faudra envisager l’ouverture de data centers outre-Atlantique », reconnaît Henryk Klaba, qui a rayé l’Asie de ses ambitions « tant qu’il faudra s’associer à un partenaire local ». Chez les Klaba, on reste maître chez soi.
Thierry Butzbach