A l’occasion du Forum « Nouvelles routes de la Soie – La vision des CCE », organisé le 19 décembre à Marseille par le Comité national des Conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF)*, une enquête d’opinion, réalisée en octobre 2019 auprès des CCE a permis de prendre la température de leurs opinions et attentes sur ce sujet.
L’enquête a ciblé des CCE résidant en dehors et dans le monde chinois (Chine, Taïwan, Hong Kong), avec deux questionnaires distincts. « 73,5 % des personnes interrogées hors du monde chinois ont une expérience directe de travail avec les entreprises chinoises et 59,7 % sont en concurrence directe avec elles », a précisé Jacques Gravereau, directeur d’HEC-Eurasia Institute et CCE, lors de la présentation des résultats.
Mais le principal enseignement de cette étude repose sur deux chiffres : 78,8 % des CCE interrogés ne notent aucun changement significatif en général et 46,8 % des CCE hors de Chine (51,1 % des CCE du monde chinois) jugent l’impact des projets chinois dans les pays ciblés par les Nouvelles Routes de la Soie peu perceptible ou sans lien direct.
D’ailleurs, les CCE se disent prêts à 52,5 % à affronter cette forte concurrence considérée comme gérable. « Il faut pratiquer la stratégie du bambou : plier sans jamais casser ! », a résumé Jacques Gravereau.
Seuls 41% des CCE juge la BRI comme un danger
En allant dans le détail, ce manque d’inquiétude s’affine.
Ainsi, 44 % des CCE hors du monde chinois et 67,5 % au sein du monde chinois, considèrent l’expansion internationale des entreprises chinoises comme « l’avènement ‘normal’ d’un nouveau géant économique qui élargit le jeu concurrentiel ».
Ils sont 41% -et seulement 17,5% dans le monde chinois- à la voir comme « un danger, à cause de l’irruption de ‘règles du jeu’ inhabituelles ».
Les financements préférentiels, moteurs de l’accélération
Les CCE placent au premier rang des domaines impactés par cette accélération des mutations dans l’environnement des affaires, l’arrivée des banques chinoises et de leurs financements préférentiels, suivie des transferts de technologies puis des pratiques commerciales.
« Le rôle de la Chine comme premier banquier du monde montre que c’est par la finance qu’ils vont être les plus impérialistes, les plus performants et de ce fait les plus dangereux en contrôlant, à travers la finance, beaucoup d’activités en Europe et en Afrique », a indiqué Philippe Louis-Dreyfus, président de Louis-Dreyfus Armateurs, qui préside un Groupe de travail du l’Économie maritime au CNCCEF.
L’adaptation aux cultures locales et l’impact sur les codes de conduites de l’OCDE prennent les quatrième et cinquième position dans cette enquête.
A contrario, les atouts majeurs de cette montée en puissance sont à rechercher d’abord du côté des secteurs infrastructures-construction-BTP, puis des hautes technologies (IA, IT, Télécoms et 5G), et enfin de la logistique et des transports. Viennent ensuite l’énergie, l’automobile, les marchés des minerais et les biotechs.
Annoncée par le président chinois Xi Jinping en septembre 2013, la BRI regroupe aujourd’hui 141 États représentant 60 % de la population mondiale et affiche 270 accords signés. Le Forum du 19 décembre a permis au CCEF d’exposer un certain nombre de points de vue et d’analyses issues de leur expérience terrain dont nous rendons compte dans la Lettre confidentielle du Moci cette semaine.
Le CNCCEF diffusera prochainement leurs recommandations détaillées à destination des pouvoirs publics français et de la Commission européenne sur ce sujet. Sans attendre, toutefois, dans un communiqué publié le 6 janvier, le CNCCEF a mis en avant la « nécessité de la part des pouvoirs publics et notamment des instances européennes de prendre une position claire sur le ‘projet du siècle’». Selon lui, « les chefs d’entreprises souhaitent la mise en place d’un cadre politique solide ».
« La question n’est plus de savoir s’il faut composer avec la Chine, mais comment trouver un juste équilibre entre les valeurs qu’elle entend véhiculer dans le commerce et les principes et règles qui sont les nôtres », résume Alain Bentéjac, le président du CNCCEF.
Frédéric Dubessy, à Marseille
avec Le Moci à Paris
* Sur notre photo, Alain Bentéjac, président du Comité national des CCEF, à la tribune en ouverture du Forum.