L’entrée tonitruante de Yandex au Nasdaq le 24 mai dernier, a mis en lumière le dynamisme des entreprises
russes de l’Internet :pour son premier jour de cotation, le titre s’est envolé de 55,36 % rapportant
1,3 milliards de dollars au « Google russe », du jamais vu depuis l’entrée
en bourse de Microsoft en 2004 ! Petit tour d’horizon de ces sociétés.
Si l’innovation et la modernisation sont au cœur du discours
du gouvernement russe, son projet de « Silicon Valley », à Skolkovo,
en banlieue de Moscou, laisse cependant perplexes nombre d’observateurs, qui y
voient la création d’un énième village à la Potemkine. Les entreprises russes du
secteur des TIC, elles, n’ont pas attendu ce projet pour fonder leur expansion sur l’innovation.
Des entreprises à la
pointe de la technologie
C’est le cas de Yandex, qui absorbe aujourd’hui les deux
tiers des recherches effectuées sur la toile russe. En grande partie grâce à
ses fonctions de recherche en cyrillique, affinées par les deux fondateurs de
la société, le mathématicien Arkadi Voloj et le géophysicien Ilia Segalovitch.
Lancé en 1997, le site a connu un succès immédiat et reste leader, même si la
part de marché de Google s’élève aujourd’hui à 22%.
L’autre grand succès des TIC russes, c’est le groupe Digital
Sky Technologies (DST), dont l’oligarque Alicher Ousmanov, propriétaire du club
de foot londonien Arsenal, est actionnaire. En 2009, DST s’est fait connaître à
l’étranger en prenant des parts dans Facebook. Il a depuis jeté son dévolu sur
plusieurs sociétés américaines comme l’éditeur de jeux Zynga (1,47 %) et Groupon
(5,13 %), le spécialiste de l’achat groupé en ligne. Plus récemment, il s’est
offert la messagerie instantanée ICQ, rachetée à AOL. DST est un cas unique. Il
est le seul groupe spécialisé dans l’Internet à avoir passé les frontières
russes. Un exemple qu’aimerait suivre Yandex. Au lendemain de son entrée au
Nasdaq, Ilia Segalovitch a déclaré à Reuters que le Google russe, dont il est le
directeur technique, souhaité se développer hors de son marché d’origine. Sans
toutefois donner plus de précisions.
Dans le secteur des logiciels, une autre entreprise s’est
développée à l’international : l’éditeur de logiciels de sécurité, Kaspersky
Lab, qu’un rapport de Gartner a classé au troisième rang mondial avec 9 % de
part de marché. La société, qui revendique 300 millions de clients dans le
monde, a des bureaux dans 29 pays et, selon ses propres données, a augmenté de 30 % ses revenus en 2010 (68 %
en Amérique du Nord et 111 % en Asie-Pacifique). A l’instar de Yandex, Kaspersky Lab est
dirigée par un scientifique formé du temps de l’URSS. Diplômé de
l’Institut de cryptographie, des télécommunications et d’informatique, Eugène
Kaspersky a travaillé dans les années 1990 au Centre des technologies de
l’information KAMI où il a développé le projet d’antivirus AVP, renommé depuis
Kaspersky Anti-Virus.
Le e-commerce,
prochain chantier de la toile russe
L’internationalisation de ces entreprises, ne doit pas faire
oublier que le marché national russe regorge d’opportunités pour les
entreprises étrangères. En particulier dans le e-commerce. Le cabinet Data
Insight estime que le nombre d’acheteurs en ligne russe devrait bondir de 120 %
dans les cinq prochaines années. Déjà, selon
un article d’avril du quotidien Vedomosti,
Ozon.ru, l’Amazon russe, qui s’est récemment diversifié dans les voyages,
chercherait entre 40 et 50 millions de
dollars auprès d’investisseurs internationaux, afin de développer son
département logistique et sa nouvelle activité de vente de séjours en ligne.
Pourtant, le paiement en ligne, dominé par Yandex.Money et
WebMoney, n’a pas la cote en Russie, où le taux de pénétration des cartes de
crédit reste faible. Les e-consommateurs russes ont également été échaudés par la prolifération d’arnaques.
Du coup, les Russes préfèrent généralement payer leurs achats
en liquide au point de retrait ou par un
système de SMS, grâce auquel les frais de téléphonie incluent le coût de la
transaction.
L’américain PayPal, actuellement en négociation avec des
fournisseurs d’accès et des opérateurs de téléphonie mobile locaux, table
néanmoins sur le développement du paiement en ligne. En raison, notamment, d’un
effet d’échelle. De 26 millions en 2006, le nombre d’utilisateurs d’Internet
devrait, selon le Boston Consulting Group, atteindre 50 millions cette année et 76
millions en 2015.
Sophie Creusillet