Face à la mondialisation, le secteur du textile en Europe a été confronté à une crise sans précédent causée par la concurrence d’une main d’œuvre à moindre coût exercée par les pays émergents, a rappelé l’assureur-crédit Coface le 17 décembre lors de la présentation de son dernier panorama secteurs avec un focus sur le textile. Le textile technique est devenu sa planche de salut.
Coface attribue au secteur du textile-habillement un risque de crédit « moyen » en Europe de l’Ouest (Union européenne des 15), en Amérique du Nord et en Asie émergente. Soit un risque acceptable sur une échelle de 4 : risque « modéré », risque « moyen », risque « élevé » et risque « très élevé ». L’indicateur du risque de crédit de Coface se base sur 5 critères : l’évolution du chiffre d’affaires, la profitabilité, le taux d’endettement net, le cash-flow et l’expérience de paiement enregistrée par Coface.
La crise initiale
Des facteurs majeurs ont été précurseurs à cette crise, la suppression des quotas d’importation de textile en provenance des pays à bas salaire conduisant au libre-échange et l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001. «Les exportations chinoises de textile s’élèvent à 94 milliards de dollars tandis que la part de l’Europe s’amenuise. Les exportations européennes représentent 77 milliards de dollars », indique Sophie Aubert-Vidal, responsable de l’arbitrage de la branche textile au sein de Coface.
Les exportations françaises dans le textile s’élèvent à 7,7 milliards d’euros et sont tournées vers les pays limitrophes Allemagne, Italie, Espagne, Belgique en tête. Le chiffre d’affaires de l’industrie du textile en France a reculé de 23% entre 2003 et 2012 pour s’établir à 12,5 milliards d’euros. Ce déclin s’explique par l’effondrement de la production qui découle lui-même d’un coût du travail qui ne peut pas concurrencer les salaires pratiqués en Asie et dans les pays de l’Est . « A la suite de l’effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, les salaires sont passés de 3 000 takas à 8 000 takas soit de 29 à 76 euros mensuel », signale Sophie Aubert-Vidal, responsable de l’arbitrage de Coface. « La perte de compétitivité de la France a entraîné des relocalisations retentissantes »
Le coût de l’énergie et des intrants a progressé et les marges des entreprises se sont amoindries. Le textile a été trop dépendant de son principal débouché, l’habillement, un secteur en difficulté. Le taux de croissance de la consommation d’habillement dans l’Hexagone a ainsi enregistré une baisse de 2% en moyenne entre 2010 et 2013. Dans un contexte d’affaiblissement du marché domestique, les entreprises doivent investir dans la R&D et innover avec la création de nouveaux produits à valeur ajoutée.
Textiles techniques : plus de 50 % de croissance prévu à l’horizon 2030
La forte émergence des pays à faible coût du travail a poussé les acteurs de l’industrie du textile à se réinventer et à se tourner vers les textiles techniques avec des applications industrielles. Les textiles techniques irriguent les grands secteurs de l’économie : agriculture, médical, industries du transport, construction et infrastructures. « C’est un marché porteur », informe Emmanuelle Hirsch, économiste senior chez Coface.
Dans ce secteur, entre 2011 et 2020 une croissance de 30 % est prévue et de 50 % entre 2011 et 2030. En Europe, la Finlande est leader. Le textile technique y représente 70 % de l’activité textile. En Allemagne, cette part s’élève à 50 %. En France, le textile technique représente 40 % du total de l’industrie textile contre 16 % pour l’Espagne. « Le segment du textile technique offre à l’industrie du textile des possibilités de croissance », souligne l’économiste qui cite le modèle suédois.
En Suède, le coût horaire du travail pour l’industrie manufacturière est de 44,74 euros contre 37,17 euros pour la France et 22,65 euros pour l’Espagne. « La Suède a su produire des textiles techniques avec un coût horaire du travail élevé », relève l’économiste. Aussi, la Suède a-t-elle réussi sa mutation d’une industrie du textile traditionnel vers une industrie du textile technique notamment parce que le pays a mis un fort accent sur la R&D. « L’innovation est au centre de toutes les applications du textile technique », martèle l’économiste. En 2011, ce pays nordique a consacré 3,4 % de son Produit intérieur brut (PIB) dans la R&D contre 2,25 % pour la France. La Suède a par ailleurs développé des synergies de travail entre les industriels du secteur et les industriels situés en amont de la filière comme les fabricants des machines-outils qui vont servir à la réalisation du textile.
Le passage d’une industrie traditionnelle vers les textiles techniques a généré de nouveaux risques : la maîtrise du coût des matières premières et de leur approvisionnement. 68 % des fibres dans le monde sont d’origine synthétique, délaissant le coton et la laine. Ces fibres sont dérivées du pétrole. « Il faudrait donc, à terme, favoriser une filière européenne de fibres pour conserver nos parts de marché », conclut Emmanuelle Hirsch.
Venice Affre