Les « global entrepreneurs » ou
« born global », terme utilisé pour désigner ces dirigeants de start-up
qui, dès leur démarrage, visent l’international sont de plus en plus nombreux aujourd’hui, particulièrement dans le secteur de la high tech. La CCIP organisait début juin à Paris une conférence sur ce sujet. « Elles naissent avec des projets à capacité d’intervention mondiale et
se placent naturellement sur le marché international », a expliqué
Jean-Yves Durance, vice président de la CCIP.
Ils sont ceux qui portent la
croissance française. « Les modèles
d’entreprises et l’état d’esprit des entrepreneurs ont changé ces dix dernières
années, ils s’internationalisent différemment », constate
Jean-François Royer, associé chez Ernst & Young. Avant, le modèle français
impliquait d’être fort localement pour s’intéresser ensuite aux pays
limitrophes. « C’est fini ! Depuis
le début des années 90, les entrepreneurs ont une vision globale, dont le
secteur précurseur a été la high-tech »,
note-il. Et cela a été possible grâce à l’ouverture des frontières, à
l’abaissement des droits de douanes, à Internet et aux opportunités d’affaires dans les pays en développement. « Le business model actuel incite à réfléchir sur la localisation de ses
activités, et pas seulement à partir de son siège social », souligne
Jean-François Royer. Il s’agit de se partager entre divers continents, d’avoir
des ressources humaines partout et donc des équipes beaucoup plus
internationales qu’avant, même en France.
Faire face à la concurrence
par l’innovation
Si ces entrepreneurs n’ont pas peur de la mondialisation et
la considèrent positivement, elle représente néanmoins pour eux une source de
concurrence accrue. « C’est une
compétition nouvelle et sans frontière», précise Jean-François Royer.
L’avantage concurrentiel se trouvant dans l’innovation et le renouvèlement permanent,
surtout en période de crise. « Il
faut trouver le juste milieu entre la volonté de garder le savoir-faire et la R &D proches du centre de
décision, et en parallèle développer des produits adaptés au marché local
d’autres pays », poursuit-il. Les global entrepreneurs sont
généralement positionnés sur des niches à forte différenciation, avec des
technologies très pointues, dont ils doivent tirer bénéfice. Et surtout,
« dès qu’il y a innovation de
rupture il faut déposer un brevet international et le valoriser en se déplaçant »,
avertit Jean-François Royer. Car tout va très vite et l’hyper compétitivité ne
laisse aucun répit.
Certains, comme le co-fondateur de la start-up française
Movea, Yanis Caritu, affirment qu’il est plus complexe d’aller sur le marché
français qu’à l’international. « La
réalité est que le fait d’avoir un nom international est indispensable
aujourd’hui pour être retenu par le client », assure l’associé d’Ernst
& Young. Cela offre de la crédibilité et de la visibilité d’avoir une
marque internationale pour ensuite viser le marché français. D’ailleurs,
certains secteurs ne peuvent se passer de l’international. Dans les
biotechnologies par exemple, le marché est à 95 % sur le sol américain. « Il est inconcevable pour notre
société de ne pas s’internationaliser. Pourquoi rester local si l’on peut avoir
des clients américains ou japonais», témoigne André Choulika,
fondateur de Cellectis. Preuve en est que dès leur création le chiffre
d’affaires a été plus fort à l’international.
En outre, ce sont les plus petits pays qui comptent le plus
de global entrepreneurs car c’est là que le marché local diminue ou est limité.
Le seul maillon faible de ces « born global », c’est que leurs ETI sont peu
nombreuses. « Nous n’en avons que
4500, ce n’est pas assez comparé aux autres pays d’Europe », d’après Ernst
& Young. Selon leur étude « Born global », réalisée auprès de 300
entrepreneurs mondiaux, 75 % d’entre eux affirment que leur croissance est
tirée par l’international et qu’elle est rentable pour plus de la moitié des
sondés. D’où un désir de continuer à investir dans le monde pour les trois ans
à venir. Les PME internationales sont créatrices d’emplois et les font croître
7 % de plus que les PME uniquement nationales. « C’est un enjeu social ! » souligne Delphine Manceau,
directrice de l’Institut pour l’innovation et la compétitivité i7 de l’ESCP Europe.
Pourtant les obstacles, notamment financiers, peuvent être
un frein. A potentiel équivalent, les Français ont plus de mal à lever des
fonds que les Américains, rappelle l’étude d’Ernst & Young. Beaucoup ont
donc préféré s’installer dans la Silicon Valley là ou se trouvent les
investisseurs. L’avantage est qu’en tant que « born global » ils pourront maintenir
une activité avec l’Europe, « cela
marche dans les deux sens », souligne Delphine Manceau. Malgré tout, « une industrie du financement s’est
mise en place depuis dix ans » en France, tient à préciser
Jean-François Royer. Et l’atout non négligeable des Français est aussi dans la
formation universitaire. « Les
entrepreneurs français ont un profil international car ils ont étudié à
l’étranger, ce qui les rend global », assure Delphine Manceau. De quoi
présager un bel avenir à l’entreprenariat global français.
Alix
Cauchoix
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