À ce jour, aucun pays, ni institution de l’Union européenne (UE) ne s’est doté d’un cadre satisfaisant en matière de traçabilité de la décision publique, d’intégrité des échanges et d’équité d’accès aux processus de décision publique : c’est le constat de la première étude comparée à l’encadrement du lobbying en Europe de Transparency International, principale organisation non gouvernementale (ONG) de lutte contre la corruption, qui souligne l’urgence de réguler le lobbying.
Élaboré à une échelle européenne avec le soutien de la Commission européenne, ce nouveau rapport publié par Transparency International intitulé Lobbying en Europe : influence cachée, accès privilégié, évalue de manière exhaustive des règles, politiques et pratiques de lobbying dans 19 pays européens dotés d’une législation ou forme d’encadrement ainsi que dans les trois principales institutions de l’Union européenne (Commission, Parlement, Conseil).
Dans leur ensemble, les pays évalués obtiennent une moyenne de 31 sur 100 au regard des principes de traçabilité, d’intégrité et d’équité d’accès aux processus de décision publique. Sur ces 19 pays, seuls 7 se sont dotés d’un encadrement spécifique au lobbying. « Mais même dans ces pays, précise l’organisation, ces règles sont soit inadaptées, soit insuffisamment mises en œuvre ».
Au sein du classement pays (hors institutions), la Slovénie arrive première avec un score de 55. Ce pays a en effet adopté en 2010 une loi sur le lobbying qui prévoit des règles tant pour les lobbyistes que pour les décideurs publics. « Dans la pratique cependant, nuance l’organisation, cette législation souffre de lacunes et de failles juridiques ». Sur la deuxième marche du podium se trouve la Lituanie (50) suivie par le Royaume-Uni (44). Dans le Top 5, figurent l’Autriche qui obtient 40 sur 100 et l’Irlande (39).
La France est 13e du classement avec 27 sur 100. Globalement, la France satisfait 27 % des éléments évalués par Transparency International mais se situe en dessous de la moyenne européenne (31 %). « L’encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d’intérêts est en effet quasiment inexistant dans notre pays, à l’exception notable de l’Assemblée nationale », juge Transparency International France, qui a publié en octobre dernier le volet français de cette étude.
Avec une note de 24 % (ou 24 sur 100), l’évaluation montre que la traçabilité des décisions publiques n’est pas possible aujourd’hui en France. « Aucune loi ne définit ni ne règlemente les activités de lobbying en France », souligne le volet français de l’étude.
Bien que renforcé en 2013 avec l’adoption des lois sur la transparence, le cadre d’intégrité français peut progresser. La législation sur la prise illégale d’intérêts prévoit un délai de trois ans entre la fin d’une fonction publique et le passage dans une entreprise que la personne avait, auparavant, la charge de surveiller ou de contrôler. Cette interdiction s’applique à tous les agents publics – dont les conseillers des cabinets ministériels et de l’Élysée – et, depuis la loi sur la transparence, aux membres du gouvernement et aux principaux exécutifs locaux. « Cependant, dans la pratique, elle n’est pas toujours respectée, son application étant relativement complexe ». Enfin, sur les questions d’équité d’accès, la France a, avec une note de 25 sur 100, encore beaucoup de chemin à parcourir. « Des procédures formelles de consultation existent, mais elles sont très hétérogènes – par exemple d’un ministère à l’autre – et complexes ».
L’Allemagne et le Portugal arrivent ex aequo avec 23 sur 100 tandis que l’Espagne et l’Italie obtiennent respectivement 21 et 20. Chypre et la Hongrie arrivent, pour leur part, derniers du classement avec une note de 14 sur 100 chacun.
Les institutions de l’UE obtiennent, elles, une note moyenne de 36 sur 100, « mais avec des différences significatives selon les institutions », pointe l’étude. Alors que la Commission européenne obtient la seconde meilleure note (53 sur 100) du classement, le Conseil européen arrive dans les trois derniers (19 sur 100). Le Parlement européen obtient pour sa part une note de 37 sur 100.
Transparency International France, estime qu’« il est essentiel pour la société de clarifier les relations entre décideurs publics et représentants d’intérêts dans les lieux de la décision publique ». Un cadre adapté doit être dessiné pour clarifier les relations entre les décideurs publics et les représentants d’intérêts, au regard de la société, et créer ainsi les conditions de la confiance des citoyens dans la décision publique. Ce cadre doit être notamment inspiré par trois principes : l’équité d’accès aux décideurs publics, l’intégrité des échanges et la traçabilité de la décision publique adossée à une plus grande transparence. Des règles doivent être adoptées tant pour les représentants d’intérêts que pour l’ensemble des acteurs participant à la décision publique.
V. A.
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