Depuis la chute du régime Ben
Ali, la Tunisie est plongée dans une période de réformes sociales et politiques, ont expliqué les intervenants d’une
rencontre, organisée, à Paris, le 19 avril, par la Fédération des industries
électriques, électroniques et de communication (Fieec).
En matière sociale, les employés des entreprises exigent une revalorisation de leurs salaires.
Les sociétés qui accusaient un retard flagrant en la matière ont dû, les
premières, se plier aux demandes de leur personnel. Les autres entreprises,
locales et étrangères, ont, elles, engagé un dialogue social avec les
syndicats, qui devrait déboucher dans les semaines à venir. « Une hausse
moyenne des salaires en Tunisie de 8 % » serait acceptable, si l’on en
croit Hichem Elloumi, le président de la branche Câbles du
groupe familial éponyme et président de la Fédération nationale de
l’électricité et de l’électronique (Fedelec).
Officiellement, côté patronat, on
ne veut surtout pas entendre parler d’une augmentation moyenne de 15 %, un taux
jugé pourtant raisonnable par le ministre du Commerce et du tourisme, Mehdi
Houas. Les industriels estiment que cette hausse est peut-être adaptée au
tourisme, mais pas à leur secteur. C’est que l’on craint pour la compétitivité
de la Tunisie en matière d’investissements directs étrangers (IDE) par rapport
à d’autres pays, comme le Maroc. Les IDE ont chuté de 23 % entre janvier-mars
2010 et la même période de 2011.
En revanche, les exportations
tunisiennes, traditionnellement tournées vers l’Union européenne (UE), ont
continué à progresser, passant ainsi de 2,7 milliards d’euros pendant les trois
premiers mois de 2010 à 3 milliards pendant le premier trimestre 2011, dont 78 % vers l’UE. Cette tendance à la
hausse des exportations est stimulée depuis plusieurs années par l’érosion du
dinar par rapport à l’euro. Depuis le début de l’année, la monnaie tunisienne a
perdu 4 % par rapport à la devise européenne. « La glissade du dinar par
rapport à l’euro nous donne une marge de manœuvre supplémentaire pour
amortir une part des hausses salariales », se félicitait à Paris Hichem Elloumi.
Reste que nombre d’entreprises
attendent que la Tunisie ait retrouvé sa stabilité politique pour s’y implanter
ou y étendre leurs activités. Lors de la rencontre à la Fieec, à laquelle
Lemoci.com était conviée, le représentant de sous-traitants de l’électronique en
Bretagne s’interrogeait sur le poids de l’islamisme en Tunisie. Noureddine
Zekri, qui dirige l’Agence de promotion des investissements extérieurs (Fipa),
s’est efforcé de le rassurer. « L’économie est ouverte, la population est
éduquée et l’Assemblée constituante, qui doit être élue le 24 juillet,
respectera la parité hommes-femmes », ce qui n’est pas neutre dans un pays
où, depuis l’indépendance, la femme est considérée comme l’égale de l’homme.
« Non seulement il y a des
forces démocratiques chez nous, a renchéri Hichem Elloumi, mais comment
pouvez-vous imaginer que la femme tunisienne accepte le joug de l’homme ».
D’ailleurs, remarque-t-il encore, « les islamistes ont indiqué clairement
qu’ils ne voulaient pas imposer le port du voile aux femmes et interdire la
consommation du vin, alors que le pays vit en partie du tourisme ». Dernier
élément : tirant les enseignements de la révolution du 14 janvier, le
gouvernement a décidé de privilégier les régions de l’intérieur, qui sont les
plus pauvres et pourraient ainsi constituer en théorie un terreau fertile pour
l’islamisme.
Le développement des régions
défavorisées, grâce à un programme de grands travaux, doit faciliter à terme la
venue sur place d’investisseurs étrangers. Des chantiers d’infrastructures et
de nouvelles activités sont essentiels, compte tenu du chiffre élevé de sans
emploi. Le taux de chômage de la génération Facebook, les 18-29 ans qui ont fait
la révolution, atteint près de 30 %. Mais s’agissant des nouveaux diplômés de
l’enseignement supérieur, il frôle la barre des 45 %.
François Pargny