Comment passer de BP à Abou Dhabi
à BP au Royaume-Uni ? Travaillez en Irak ! C’est l’expérience qu’est
en train de vivre une société de services pétroliers française de moins de 90
salariés, Dietswell, qui a décroché coup sur coup deux contrats au sud de
l’Irak : le premier pour l’audit et l’inspection des rigs (puits de
forage) contractés par le britannique BP pour le développement du champ de
pétrole de Rumalla ; le second, pour des prestations d’assistance technique sur
le champ de West Qurna, développé par le russe Lukoil.
Dans le contrat gagné auprès de
BP, « ce n’est pas le montant de l’affaire qui compte le plus, mais la
référence que représente pour une petite entreprise comme la nôtre de travailler
pour la première fois pour un géant comme la compagnie britannique », confie
Jean-Claude Bourdon, cofondateur et vice-président exécutif de Dietswell
(notre photo).
En contact avec BP à Londres
L’histoire commence aux Émirats arabes unis. « C’est à Abou Dhabi où nous sommes installés que nous avons
rencontré BP », relate Jean-Claude Bourdon. Il a fallu, ensuite, remplir
un dossier de pré-qualification, mettant en valeur les capacités techniques de
l’entreprise, se références, les aspects normatifs et environnementaux de son
projet. L’appel d’offres, remporté face à cinq ou six compétiteurs de poids
(Lloyds…), a débouché sur un contrat cadre d’une durée de 36 mois avec deux
extensions possibles de douze mois. « Comme c’est BP Royaume-Uni qui a
pris la main, nous sommes maintenant en contact avec les responsables
britanniques à Londres », se félicite Jean-Claude Bourdon, qui espère un
jour tirer parti de cette nouvelle proximité avec la major BP.
Quant au contrat avec Lukoil, ce
n’est pas la première fois que Dietswell coopère avec la compagnie russe en
Irak. « Ce fut déjà le cas en 2011. Mais, pour cette affaire, outre
l’assistance technique et l’audit d’appareils de forage, il nous est demandé de
trouver du personnel pour opérer », explique le vice-président de la PME
de l’Hexagone. Comme il n’est pas simple de trouver sur place du personnel
qualifié, il va falloir recruter dans le monde, en Asie notamment et y compris
en utilisant les outils de communication les plus pratiques, comme Internet.
Un agent pour le sud de l’Irak
Spécialiste des terrains
difficiles, comme la Libye ou le Yémen, Dietswell, qui s’implante aujourd’hui
au Brésil et en Algérie, réalise à l’international la quasi-totalité de son
chiffre d’affaires, de l’ordre de 16 millions d’euros en 2012. Ainsi, malgré la
lourdeur bureaucratique, l’instabilité politique et l’insécurité – pour sa
protection, Dietswell doit recourir à une société de sécurité locale, ce qui
est particulièrement coûteux pour une PME – ce prestataire français avoue son
appétence pour un pays qui serait le deuxième producteur de brut de l’Opep,
avec 3,115 millions de barils par jour (Mbj) extraits en 2012, derrière l’Iran
(3,68 Mbj), d’après les données du BP Statistical Review of World Energy.
Malgré aussi les rivalités entre
le gouvernement fédéral et les autorités régionales du Kurdistan, sur fonds de
répartition des recettes de l’or noir, Dietswell travaille à la fois au nord et
au sud où la société dispose d’un agent dans la capitale. Entre
2010 et 2012, les exportations de brut ont augmenté sensiblement, passant de
1,88 million à 2,4 Mbj, a-t-on appris lors de la conférence Irak
Petroleum 2013, à Londres, les 18 et 19 juin.
Dans sa stratégie énergétique
nationale intégrée (Ines), le gouvernement fédéral a indiqué des objectifs très
ambitieux, trop ambitieux selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui
pense que la production irakienne s’élèvera à 6 Mbj en 2020 – contre 9 millions
annoncé par Bagdad – « ce qui correspondra, néanmoins, à un quasi
doublement en sept ans », rapporte le Groupement des entreprises et des
professionnels des hydrocarbures et énergies connexes (Gep AFTP), dans sa Revue
des entreprises de juillet.
Le Gep note, par ailleurs, que
l’Irak souffre d’une forte déficience en matière d’infrastructures. Or, il faut
acheminer l’eau jusqu’aux sites pétroliers et surtout évacuer le pétrole. Pour
les PME françaises, l’eldorado pétrolier n’est donc pas prêt de s’éteindre.
François Pargny