L’Europe reste une zone économique leader en termes d’innovation et de brevets. Un constat dressé par Benoît Battistelli, lors de la présentation, le 7 mars à Bruxelles, des résultats annuels de l’Office européen des Brevets (OEB), dont il assure la présidence depuis le 2010. Avec 96 000 brevets délivrés l’an passé, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2015, « l’OEB atteint un niveau record qui n’a pas eu d’impact sur la qualité des brevets », a précisé le Français, dont nous publions aujourd’hui un entretien exclusif dans notre Lettre confidentielle*.
L’augmentation de la productivité (+25 %) et l’accélération des procédures, sont, selon lui, les principaux facteurs à l’origine de ce résultat. Le nombre de dépôts de brevets – 296 000 l’an passé, soit une augmentation de 6,2 % – est lui aussi « sans précédent », souligne l’organisation qui se félicite de « l’intérêt croissant des entreprises du monde entier pour la protection des brevets ». Un peu moins de la moitié (48 %) de ces demandes sont déposées par l’un des 38 Etats membres de l’OEB, le reste par des pays tiers.
« La balance des flux de demandes entre les pays asiatiques, les Etats-Unis et l’Europe est demeurée positive »
Les Etats-Unis maintiennent la première place du classement avec 25 % des brevets déposés. L’Allemagne arrive en 2e position (16 %), suivie par le Japon (13 %), la France (7 %), la Suisse (5%) et la Chine (5 %). « Un taux relativement limité mais qui devrait continuer à croître », précise un membre de l’OEB, indiquant une augmentation de 24,8 % des demandes en provenance de Chine qui a, pour la première fois, dépassé la Corée du Sud dans les résultats 2016.
Des chiffres qui ne doivent cependant pas effrayer les Européens, insistent les responsables de l’organisation, basée à Munich. « La balance des flux de demandes entre les pays asiatiques, les Etats-Unis et l’Europe est demeurée positive pour cette dernière prouvant une nouvelle fois le potentiel innovant de l’économie européenne », peut-on lire dans un communiqué.
Mais au sein même du bloc européen, des différences marquées sont constatées. La Belgique et l’Italie sont les deux pays qui ont enregistrés la plus forte hausse des demandes l’an passé avec respectivement 7 % et 4,5 %. Celles en provenance d’Allemagne ont elles aussi légèrement augmenté (+1,1 %), renversant une tendance négative constatée au cours des trois années précédentes. Quant aux demandes en provenance de France et des Pays-Bas, qui restent néanmoins en bonne position dans le classement global, elles ont connu une diminution de 2,5 % et de 3 %.
La progression des PME devrait être soutenue par le brevet unique
Autre enseignement à tirer de ces résultats de 2016 : la progression des PME dans la part totale des entités ayant recours aux services de l’OEB. Si les grandes entreprises restent les mieux placées avec 66 % des demandes, elles reculent de 3 points par rapport à l’année précédente. Les plus petits organismes, comprenant les PME, les inventeurs individuels, les universités ou les instituts publics de recherche, connaissent quant à elles une progression de trois points.
« Un tiers des demandes émanent de PME européennes », s’est d’ailleurs félicité Benoît Battistelli. Une tendance qui devrait, selon lui, se confirmer une fois que le brevet unitaire européen sera entré en vigueur, comme il nous l’indique dans un entretien exclusif qu’il a accordé au Moci*. Adopté en 2013 après trente années de tractations, ce brevet unique sera partagé par 25 des 28 Etats membres de l’UE, l’Italie, l’Espagne et la Croatie ayant jusqu’ici décidé de se tenir à l’écart. Mais pour être concrètement mis en œuvre, le système doit être ratifié par 13 Etats membres dont les trois principaux, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
A ce stade, seuls 12 pays, dont la France ont finalisé la ratification du traité. Berlin et Londres se sont engagés à boucler la procédure d’ici à la fin du premier trimestre de cette année. Reste une grande inconnue : les conséquences du ‘Brexit’. « Tant que le Royaume-Uni n’a pas conclu les pourparlers, il reste un membre à part entière de l’UE », a tempèré le président de l’OEB. En novembre dernier, l’équipe de Theresa May s’est formellement engagée à clôturer la procédure pour permettre la concrétisation de ce vieux projet européen, au plus tard fin 2017. Faute de quoi le brevet unitaire pourrait encore être retardé.
Un scénario que le président de l’OEB ne semble pas vouloir envisager. Pour lui « 2017 sera bien l’année du brevet unitaire », a-t-il martelé lors de la conférence de presse, reconnaissant plus d’incertitudes quant au maintien du Royaume-Uni dans le système, une fois les pourparlers achevés entre Londres et Bruxelles. « Après tout dépendra de l’issue des négociations et du départ, ou non, de la Grande-Bretagne du marché unique », a précisé Benoît Battistelli.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*OEB / Brevets : la demande va encore progresser grâce au « brevet unitaire », selon B. Battisttelli (Lettre confidentielle n°229)