Il y a un an, il était encore courant d’opposer le « dynamisme chinois » à la « frilosité française ». Sans parler d’inversion de tendance, le jugement y serait, cependant, plus nuancé aujourd’hui. D’abord, parce que le partenariat franco-algérien, conclu en décembre 2012, à l’occasion de la visite à Alger de l’ex Premier ministre Jean-Marc Ayrault, a amélioré sensiblement l’image de la France. Ensuite, la Chine, si elle reste puissante, a perdu un peu de son aura à l’occasion de la construction de l’autoroute est-ouest (1 200 km), dont la partie ouest (800 km jusqu’à la frontière marocaine) était confiée au chinois Citic-CRCC. Outre un scandale de pots de vin, c’est la mauvaise qualité des travaux qui est pointée.
Lors des Rencontres Algérie 2014, organisées le 15 mai par Ubifrance et le Sénat au Palais du Luxembourg, Anisse Bendaoud, directeur général adjoint de l’Agence nationale de gestion des réalisations et de l’équipement des établissements de santé (Arees), indiquait ainsi que c’est avec Ubifrance que l’Arees préparait pour fin septembre en colloque portant sur la normalisation, l’accréditation, la qualité dans la construction, l’équipement et le management hospitaliers. La Chine ne peut se comparer à la France, qui dispose d’un savoir-faire et d’une connaissance supérieure, laissait ainsi entendre Anisse Bendaoud.
« Le moins disant n’est plus si important »
Dans les travaux publics, « le moins disant n’est plus si important », affirmait, de son côté, Kacem Kadi, directeur de Systra Algérie, filiale du groupe mondial d’ingénierie et de conseil dans la mobilité. C’est une bonne nouvelle pour la France qui possède une forte présence sur place, avec 450 entreprises, employant près de 40 000 salariés, dont ses grandes entreprises de BTP (Razel, Bouygues, Vinci…). Elle est le premier investisseur étranger, hors hydrocarbures, avec un stock de l’ordre de 1,94 milliard d’euros à fin 2012.
L’Algérie devrait connaître une croissance économique de 4,3 % cette année, selon le Fonds monétaire international (FMI), et les dépenses d’équipement dans le projet de loi de finances 2014 par rapport à 2013 sont en progression de 15,4 %. Dans le transport, 17 tramways sont projetés, dont 11 déjà en cours d’étude ou de réalisation. Quant au rail, le programme d’investissements publics 2010-2014 (150 milliards de dollars d’investissements nouveaux + 130 milliards pour la réhabilitation d’infrastructures de base) prévoit de passer de 4 000 kilomètres à 10 000 d’ici à 2020.
A ce jour, quelque 2 000 km seraient en cours de réalisation et l’Agence nationale d’études du suivi de réalisation des infrastructures ferroviaires (Anesrif) gérerait un budget de 80 milliards de dollars. « Avec la présence des Européens et des Asiatiques, il s’agit d’un marché très concurrentiel, tant pour les études que pour la réalisation et les infrastructures », estime Kacem Kadi. Et si, selon lui, « il y a de la place », il faut également « être présent sur place » et donc pour être compétitif, « ne pas être seul » et « être localisé avec un allié ».
Le projet d’un port en eau profonde
Pour sa part, CMA CGM est installé dans le pays depuis 15 ans, une période que l’armateur mondial a mis à profit pour s’accaparer 35 % du marché du transport maritime. « Nous transportons 300 000 conteneurs par an en Afrique. A peine 15 000 concernent des exportations algériennes et la moitié de ce que nous importons vient d’Asie », énumère Marc Messana (notre photo), directeur général de CMA CGM Algérie, qui prône la construction d’un port en eau profonde pour remplacer le hub de Malte « pour distribuer les ports de la côte ». Selon lui, « CMA CGM fait à l’heure actuelle 800 escales, ce qui est considérable, et avec un ouvrage au tirant d’eau de 17 mètres, il serait ainsi possible de réduire les coûts ». Un tel port – à Djendjen ou sur un autre site – coûterait 300 millions d’euros.
Le groupe français, qui dispose d’un joint-venture en Algérie et de quatre filiales – trois pour la logistique terrestre et une spécialisée dans le rail – est également partisan d’une interconnexion ferroviaire pour desservir l’intérieur du pays jusqu’au sud et de l’établissement de ports secs. CMA CGM, qui a déjà créé des ports secs à Alger et Oran, projette d’en créer de nouveaux dans le sud.
François Pargny